Je me transforme mes branchies vont pousser

lafeeclochette743887

humoristique, délirant... mais pas tant romancé que cela... ça m'est arrivé

Nager c'est bien, mais il parait que plonger c'est mieux. C'est ce que j'allais tester en cette belle matinée de septembre lors de la fête du sport de Passy. Il faisait déjà très chaud et les reflets argentés caressaient la surface de l'eau. C'était un merveilleux spectacle, avec en toile de fond le Mont-Blanc qui se détachait et se reflétait. L'envie de me baigner m'avait étonnement effleuré l'esprit.

 

Au loin, sur la plage, il y avait des combinaisons de plongée sur cintre, ils avaient affiché la couleur, tant mieux. Au moins cela évitait que je revête une fois de plus mon costume coutumier de bécasse en demandant au premier club venu, et avec ma chance,  au hasard, le club de natation : « Excusez-moi, pourriez-vous me dire où se situe le club de plongée » et de m'entendre répondre d'un ton sec: « Dans l'eau ! ». Oui, je sais, ce genre de situation pourrait faire des envieux.

 

J'avais prévu mon maillot de bain aux couleurs flashy dans le cas où, je perde le moniteur où mieux qu'il me perde… Mais vu le côté baleine, il n'aurait eu pas de mal à me repérer tant par la couleur que par mon déplacement aussi harmonieux qu'un chien à qui ont aurait mis des chaussettes. Du moins telle est l'idée que j'avais en tête. Du reste, je n'avais aucune conscience du pourcentage de perte, dans ce genre de manifestation.

 

Je m'avançais vers le stand avec un sourire gêné et je me présentais. La personne de l'accueil était très agréable et souriante. Elle était avec des jeunes gens très affairés dans le gratouillage de papier. Elle m'envoyait vers les dirigeants club. Après les poignées de mains réglementaires, l'interview pouvait commencer. C'est là que l'on me proposait de tester la plongée. On me demandait alors, d'aller m'inscrire à l'accueil. Je m'exécutais… un peu comme si je m'étais tirée une balle dans le pied.

 

Je reconnus une voix familière. C'était une monitrice dynamique qui exerçait un métier dans lequel la pédagogie et la didactique était d'une importance capitale. C'était certainement pour cela qu'elle était chargée du briefing. Je fus un peu moins stressée, enfin en apparence. Mais avant, je me préparais pour photographier les merveilleux moniteurs qui allaient baigner durant 8 heures d'affilées dans l'élément qui attisait toutes les convoitises, vu la chaleur étouffante. J'avançais vers l'eau. J'avais une idée précise des clichés que je voulais. Pour cela je devais me mouiller dans tous les sens du terme. Je déposais mes affaires sur un banc face à l'étendue liquide, histoire de jeter un œil de temps à autre sur mon matériel pour éviter le vol. Je repérais un homme, les pieds dans l'eau, qui remplissait des fiches. C'était le directeur de plongée. Celui qui met un baptisé avec un moniteur, c'est ce qu'on appelle une palanquée, ce que je sus naturellement après.

 

Parfois, il faut savoir écouter les vieux adages : « Il faut tourner 7 fois sa langue dans sa bouche », j'allais en faire les frais. « Excusez-moi, monsieur, bonjour… où sont les moniteurs ? », la personne me dévisagea et avec un sourire en coin me répondit très poliment: « Dans l'eau, madame ». Et oui, la bécasse n'était pas loin. Le costume est un peu comme celui de superman, il colle à la peau, le prestige en moins. Mon sourire niais répondait au sourire moqueur du directeur de plongée. J'avançais donc avec mon appareil photo et mon dictaphone, non amphibies. Je le savais pour l'appareil photo mais non pour le dictaphone. Etant très mal dégourdie, je tentais avec ma maladresse légendaire de me rattraper…sur l'eau après que mes pieds aient fait une embardée, ni vu mais par contre connu de moi-même. Vous aurez naturellement fait le rapprochement adéquat avec l'expression « pied ». Non ? Vraiment ? Elle est bête comme ses pieds celle-là. Le dictaphone trempa et ce fut une fin tragique pour celui qui m'accompagnait et était fidèle dans toutes les conversations depuis quelques années. J'avais noyé définitivement toutes les discussions contenues dernièrement dans mes interviews. Même l'intervention d'un somptueux maître nageur et d'une bouche à micro n'aurait pu le ramener. Quelle tristesse ! Par contre, le bouche à oreille avait fonctionné, parmi eux se détachait une journaliste, pas très douée, mais qui avait tendance à les faire marrer. Mes déconvenues n'allaient pas s'arrêter là, j'en avais conscience, j'étais trop bien partie.

 

Après les quelques photos prises, j'attendais avec impatience de faire partie des prochaines palanquées. Je retournais vers la voix que je connais et en profitais pour aller chaleureusement, vu la moiteur ambiante, la saluer. Elle fut surprise mais visiblement heureuse de me voir. Elle me demanda d'aller m'équiper auprès de dames qui distribuaient le matériel tout à côté. Je remarquais que l'organisation était parfaite. C'était loin d'être mon cas. J'arrivais donc devant la personne qui distribuait les combinaisons. C'était une petite dame d'un certain âge. J'avais compris : mon maillot de bain n'était d'aucune utilité, si ce n'est pour cacher quelques gros défauts de ma personne. Elle me demanda avec beaucoup de délicatesse ma taille.

Du tac au tac je répondis : « 1,63 m ». Un sourire délicieux naquit au coin de ses lèvres. « Non, madame, je parle de votre taille vestimentaire » me répondit-elle avec toute la délicatesse et la sagesse que lui conférait son âge. Je compris rapidement que cette journée était l'empreinte de Super Bécasse. Que devais-je répondre à cette question, si innocente en l'apparence ? Désolée madame, ça ne vous regarde pas… mais, dans ce cas, je pouvais dire au revoir au monde sous-marin. Non… mais… Est-ce que je lui demandais sa taille de petite culotte, moi ? Non. J'avais encore d'autres possibilités : lui donner ma taille réelle : 42 ou taille L en prêt-à-porter. Mais…la taille…était-ce vestimentaire ou en lingerie ? Car le vêtement de plongée n'est-il pas sensé épousée les formes disgracieuses d'un corps dont le chantier avait été commencé il y a quelques années et qui n'avait jamais été terminé ? Travail de sagouin et non d'architecte… Les proportions n'avaient pas été respectées trop peu en haut et trop beaucoup en bas. Dame nature ne m'avait donc pas épargnée, triste constatation mais au combien réelle. On pouvait rajouter que les effets de l'apesanteur n'arrangeait pas le tableau et que malheureusement la poussée d'Archimède ne pourrait décemment pourvoir au grand déficit infligé par Dame Nature.

 

Bref, je décidais de donner ma taille vestimentaire réelle soit le 42. Elle me dévisagea avec étrangeté. J'insistais, mais la petite dame semblait douter de mon honnêteté. Pourtant, elle me tendit la dite combinaison. Elle était froide et humide. Elle n'avait pas eu le temps de sécher. C'est avec une certaine retenue que j'allais enfiler ma tenue. Après une grande inspiration, qui souvent me permet une concentration toute relative, j'engageais la procédure. A ma grande surprise, c'était plutôt facile. « Enfin, quelque chose de simple » me disais-je. La petite dame ayant suivi, avec beaucoup d'attention et de discrétion et mon habillage revint vers moi en me signifiant : « Oh… vous l'avez enfilée avec beaucoup d'aisance, elle ne vous va pas ». C'est alors qu'elle me tendit une combinaison si petite, que l'on aurait dit un 34 fillette. C'était tout à mon honneur. Ce qui est bien lorsqu'on prend de l'âge c'est que la vue baisse. Pour elle le cas était désespéré, ce n'était pas de foyer qu'il fallait qu'elle change mais acheter directement un chien d'aveugle.

J'examinais avec beaucoup de curiosité la façon dont mon corps « d'athlète » allait pouvoir se glisser dans le tissu néoprène, et j'osais un : « Heu...vous êtes sûr ?». Un hochement de tête significatif me fit comprendre qu'il ne fallait pas insister. Misère…que suis-je, donc, venue faire dans cette galère ? Je m'asseyais un peu déconfite auprès d'une personne assez corpulente qui ramait pour enfiler la sienne. Elle soufflait, elle tirait… elle en faisait certainement trop …Pourtant je remarquais des perles de sueur dégoulinant d'un peu partout et des râles peu gracieux jalonnant son parcours du combattant. Elle était, toutefois, bien plus avancée que moi dans la manœuvre. « Mais que suis-je donc venue faire dans cette galère ! » me répétais-je en boucle.

L'enfilais le pied avec difficulté, car le vêtement était également mouillé. Puis je commençais à comprendre les râles de ma voisine. J'attaquais le mollet. Arrivée au genou, il fallait faire vite pour passer la cuisse et la fesse, endroit stratégique, empreinte de tragédie pour celui ou celle qui en était victime, où se logeait la matière adipeuse et la merveilleuse peau d'orange. Un vrai régal pour les yeux. C'est alors, qu'un charmant monsieur vint à ma rescousse. « Enfiler la combinaison c'est la partie sportive de la plongée, vous verrez après… tout est très simple ». Il me donna avec beaucoup de précision, la façon singulière pour mettre cette fichue combinaison. « Déposez votre pied sur le banc, et enfiler-la comme si vous mettiez des bas. »

 

C'était donc ça le secret, pensez à toute la sensualité que cache les hommes-grenouilles. Je remerciais un peu gênée, le prince qui était venu à mon secours et espérais secrètement qu'il parte au plus vite ainsi que tous les autres princes environnant. Mais que diable étais-je donc venue faire dans cette galère… J'en étais aux râles et le crissement strident de la combinaison sur ma peau m'était répugnant. C'est alors que j'entendis, la monitrice du briefing qui insistait pour je vienne à ses côtés, écouter et retenir les quelques recommandations d'usage. Les minutes s'écoulaient et je galérais toujours. Je m'imaginais jouant Emma Peel parfaitement moulée dans une combinaison de cuir, l'œil de biche et l'allure divine, dans Chapeau melon et bottes de cuir, le côté bien moins glamour naturellement et la matière utilisée bien moins noble vous en conviendrez. J'avais enfilé la combinaison jusqu'à la taille. J'avais peur de la craquer à l'endroit ou le dos ressemble à la lune, tellement elle était ajustée et me retrouver une fois de plus dans une position bien inconfortable. Fort heureusement, il n'en fut rien. Toutefois, il m'en restait une bonne moitié à mettre. C'est en étant mal à l'aise sur mes fémurs et empruntant la démarche éléphantesque que je rejoignais le briefing. En une dizaine de minutes, la monitrice décrivit non sans humour, le matériel, les gestes à effectuer… Elle nous faisait sourire et ça c'était simple, mais c'était bon. J'avais retenu que le moniteur contrôlais tout et que réaliser une forme ronde entre le pouce et l'index signifiait que tout allait bien, se toucher les oreilles permettait d'alerter le moniteur en lui faisant comprendre qu'on avait mal aux oreilles, pour le reste ce n'était que plaisir des sens.

 

Dernière épreuve avant de devenir un poisson et respirer sous l'eau, le choix du masque et des palmes. Très rapidement on m'aida à choisir le matériel.

 

J'avançais vers l'eau avec mes camarades, toujours de la façon la plus élégante qui soit (voir plus haut). Nos princes et princesses, puisqu'il y avait aussi de charmantes monitrices, étaient devant nous. Les têtes sortaient une à une de l'eau, un vrai repère de crapaud. Mon prince portait le doux prénom de Laurent. Tel Godefroy le hardi il allait s'escrimer à me faire découvrir les merveilles et les trésors cachés au fond du lac. Il allait être mon guide, comme celui qui trace le chemin dans nos montagnes environnantes le côté moins prolixe, car, soit disant, il n'est point aisé de parler un détendeur en bouche. Soit béni, saint détendeur qui allait me rendre bouche bée pendant un court instant. Bouche bée, je le restais devant le charmant moniteur que je découvrais à fleur d'eau. Ses yeux étaient deux pépites vertes couleur de l'eau. Sans doute était-ce le trésor caché du lac. Car soit dit en passant, on ne voyait pas grand chose d'autre du moniteur, à part ses yeux, son sourire, et sa corpulence et son visage déformé par la cagoule. Nous mettions déjà notre masque sur la tête et les palmes à nos pieds. Les palanquées attribuées, deux hommes allaient nous équiper avec le gilet, la bouteille, le détendeur etc.… et nous allions rejoindre gentiment notre moniteur, en marche arrière. Je ne voyais ici que le côté pratique pour saluer, qui pourrait être attribué à un manque de savoir vivre, que nenni ! C'était pour éviter de se vautrer lamentablement devant son moniteur et de lui sortir une phrase totalement idiote du style : « On vous a déjà dit, que vous étiez renversant ? ». Les deux messieurs ne m'avaient pas prévenue que l'équipement était très lourd. Retenue in extrémis, je faillis partir en arrière et écraser lamentablement mon moniteur, le transformant ainsi en limande. Ils me conseillèrent de m'agenouiller. C'était un signe certainement. Je priais donc pour que tout se passe à merveille. Mon moniteur était très sympa et souriant. Il avait un petit accent amusant, mais je ne pouvais déterminer de quelle région il venait ou de quel pays.  Il m'amena à l'endroit où nous n'avions plus pied. La « stab » gonflée à bloc, je flottais comme un éléphant de mer. Pourtant un vieux réflexe de nageuse me revint. Je surnageais en réalisant de petits cercles avec mes avant-bras et en bougeant mes jambes. Le moniteur remarqua mon petit manège et m'assura que je ne pourrais descendre que lorsque ma « stab » serait dégonflée. « Tu vas voir, la plongée c'est vraiment un sport de fainéant » me confia t-il. Laurent tournait autour de moi pour vérifier le matériel.

 

Il me demandait dans un premier temps de prendre le détendeur et le mettre en bouche. J'obéissais aux ordres. Je respirais une fois. Rien ne se passait. Je laissais négligemment tomber le détendeur. Régulièrement, Laurent me demandait de le remettre en bouche et régulièrement je le laissais négligemment tomber dans l'eau, car il ne se passait toujours rien. J'avais peur d'avoir encore enfilé ma combinaison de Super Bécasse. Respirer par le nez oui, par la bouche je savais pourtant aussi. Mais là, rien n'y faisait et j'avais peur d'annoncer la triste nouvelle à mon encadrant. Allez, concentration, inspiration. Je savais faire, même le nez pris dans un masque, il fallait que je réussisse. Pourtant, il fallait se rendre à l'évidence, même le matériel refusait d'obtempérer, à moins que je ne fusse définitivement pas douée. Que d'émotion !  Je pris une dernière fois le détenteur dans la bouche et dit tremblotante à mon moniteur : « Laurent, Laurent, mon Laurent, je suis désolée… j'ai pas d'air, j'ai pas d'air… ».

 

Le moniteur constata que l'arrivée d'air n'était pas active. Sur le bord du lac, les deux messieurs s'esclaffaient de rire, ils nous avaient fait une blague… pendant que l'un ouvrait l'arrivée d'air, l'autre repassait derrière pour la fermer. Après cette première déconvenue, et l'arrivée d'air ouverte à plein régime, la « stab » était dégonflée. J'entrai dans le monde subaquatique. Mon moniteur me demanda si tout allait bien et je répondis au signe conventionnel. Laurent tira sur les purges pour que puisse descendre un peu plus rapidement. La descente commença et je devais décompenser c'est à dire souffler en me bouchant le nez pour équilibrer mes oreilles. Je n'étais pas assez plombée et j'avais du mal à me stabiliser.  Mon gilet était trop grand et ma bouteille se baladait dans mon dos. Je devais sans cesse me rééquilibrer, par des coups de reins et par mes bras. Je savais que mon moniteur n'était pas loin mais où exactement je ne savais pas. Je palmais, je palmais et déjà le fond se dévoilait… des bans de poissons s'écartaient sur notre passage, je caressais les algues dans le fond, c'était magique. Nos corps suivaient le relief tel des oiseaux au dessus des montagnes. Excepté qu'à un moment, j'ai cru me prendre pour le malabar princess et m'écraser sur le haut de la montagne que nous terminions de survoler. D'un coup de rein, comme lorsque je nage le papillon en natation, je remontais, sauf que la tuyauterie me revint à la base du crâne. Je vis des étoiles et mon moniteur me frotta vigoureusement la tête à l'endroit de l'impact, vu la violence du choc. Pendant un moment je restais groggy. Puis je me remis à palmer, c'est le secret pour avoir des fesses en acier. C'est alors que je freinais de toute la force de mes palmes. Après la montée, il y avait la descente…le trou noir. La peur au ventre, je ne bougeais plus. Mon moniteur se posta devant moi et me demanda de me calmer. Je lui fis signe que je voulais remonter. Il insista mais l'expression de panique qui se lisait sur mon visage le fit changer d'avis. Ses magnifiques yeux verts étaient inspiraient la sérénité. Les miens non. Nous remontâmes. Je lui expliquais que j'avais eu peur. Après m'avoir rassuré et m'avoir fait reprendre confiance, il m'amena là où il voulait que nous allions par un chemin de traverse, même s'ils ne sont jamais les plus courts. Des guirlandes végétales, remontant jusqu'à la surface se balançaient autour de nous, c'était magique. Le limon au fond du lac était blanc. Des petits poissons jouaient autour de nous. La lumière jouait aussi. J'avais l'impression d'être dans les fonds marins sous une latitude tropicale.  Il avait une petite lampe torche qu'il alluma pour que les effets de lumière soient plus intenses encore. J'éclatais de rire. Certes, c'était merveilleux et il était vraiment très attentionné, mais je pense que j'avais besoin de libérer un peu de stress si longtemps contenu, espérant alors qu'il ne le prendrait pas mal. Rire sous l'eau une nouvelle expérience… soit disant délicate.

A partir de ce moment, je me sentis totalement à l'aise et je serais bien restée toute la journée avec Laurent dans l'eau, avide de découvrir les trésors du lac de Passy. J'étais en confiance et mon moniteur était vraiment exceptionnel. Déjà, il regardait l'heure. Le temps est assassin. Je devais regagner la terre ferme, même journaliste, je n'avais pas le droit à faire du rabe. Dommage !

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