Je pensais tout savoir...

clemence_b

Le jour où ma mère est morte, j'ai décidé d'écrire, mais je ne pouvais pas, car je ne la connaissais pas...

Plus je me rapproche de Marengo, plus les souvenirs de maman me remontaient à la tête. Sur un panneau je vois indiqué « Marengo-2Km ». Je m'arrête. Une vague de panique me prend quand soudain mon téléphone sonne. C'éstpatron, je ne réponds pas. Je décide alors de ne plus penser au travail, et je souhaite m'arrêter chez un fleuriste pour prendre les fleurs préférées de maman, afin de les déposer au pieds de l'autel à l'église, seulement je ne les connaissaient pas.

Peu à peu je me rends compte que cette femme que j'appelais « maman » était une parfaite inconnue à mes yeux. Je ne connais ni ses fleurs préférées, ni ses plats préférés, ni ses couleurs préférées, ni même les endroits où elle aimait passer du temps. Et les seuls souvenirs que j'avais étaient les visites à l'hôpital psychiatrique où elle séjournait depuis plusieurs années déjà…


J'ai perdu ma mère et je ne la connaissait pas.


Ce que je savais sur elle s'arrêtait aux simples formalités, elle été née le 3 août 1973, elle est née d'un couple aisé, ses parents étaient aimants et le sont toujours avec moi à l'heure actuelle comme ils l'étaient avec ma mère. Elle a été mariée à mon père qui est mort lorsque j'avais 16 ans, ils s'aimaient comme des fous, et en oubliaient parfois la notion du temps. C'était une très belle femme, 1m72, élancée, avec de longs cheveux châtain clair, des yeux bleus qui tiraient vers le gris l'été. Une chose qui la différenciait particulièrement des autres était son audace, elle ne baissait les bras devant rien, elle se battait pour toutes les causes qui lui tenaient à cœur… à en laisser sa vie…

Si j'avais pu passer un dernier instant avec elle avant que la mort l'emporte au loin, ça aurait été de s'arrêter, qu'elle s'arrête un instant de courir partout, de regarder le monde, regarder le ciel bleu, de prendre le temps de sentir l'eau de la pluie couler sur sa peau, de lever les yeux de son téléphone, d'enlever ses écouteurs pour entendre les éclats de rire des enfants dans la rue. J'aurais voulu que ma mère sente la vie, et qu'elle ai l'envie de vivre.


Tout à commencer à ma conception, mon père et ma mère s'aimaient énormément, ils vivaient ensemble depuis presque 1 an, quand ma mère apprit qu'elle était enceinte, cet homme qui partageait sa vie, quitta le cocon familial et ne donna plus de nouvelles jusqu'à mes 16 ans, ma mère m'avait donc élevée seule. Elle était forte, dévouée, elle arrivait à tout faire c'était mon héroïne. J'avais été élevée avec des valeurs saines, afin que je puisse démarrer ma vie d'adulte avec des « bases » et puisse me construire mes propres valeurs ensuite. Elle ne me faisait part de aucune de ses opinions politiques, des associations dans lesquelles elle était, ni même de sa vision du monde… elle n'aspirait qu'à une chose : mon bonheur, à en laisser le sien. Mais voilà, le jour de mes Seize ans, elle reçu une lettre, c'était mon père, il voulait me voir, il savait qu'il ne pouvait pas retourner le passé mais il voulait savoir tout ce qu'il avait manqué. Elle en tant que mère exemplaire, me fit part des désirs de mon père et me le fit rencontrer, peu à peu nous tissâmes des liens avec mon père et se mit en place la garde-alternée.


C'est ainsi qu'elle tomba dans la dépression, pendant que mois je découvrais les joies de l'adolescence, les amours, les amis, les cours, la fête… Elle se fit hospitaliser durant mon année de terminale, je suis donc partie vivre chez mon père, avec sa compagne et ses enfants. Là-bas tout était bien, je pouvais avoir mon intimité, inviter des amis, faire la fête, j'étais libre. J'allais voir ma mère à l'hôpital une fois par semaine, le vendredi soir après mes cours, c'était ma visite hebdomadaire. Je savais qu'elle était triste, démangée par la culpabilité du passé, de ne pas avoir retenu mon père, de ne pas l'avoir supplié de rester, de m'avoir fait perdre tant de temps avec lui et que je ne connu pas le bonheur plus tôt. Elle me le rappelait à chaque fois que l'on se voyait.

En tant que bonne ado rebelle qui se respectait, je lui en voulait. Mais elle restait ma mère, alors je lui faisait part de ma colère en essayant contradictoirement de la rassurer.

Telles étaient les rares discussions que j'avais avec ma mère ces dernières années.

Mo, entrée à la Fac changea tout, je partis de ma ville natale pour aller faire mes études à paris, sur place j'avais trouvé un petit job d'étudiante, en tant que serveuse dans un restaurant. Je pouvais payer mon loyer, les charges et mes frais de scolarité. Je ne descendait dans mon petit Sud que pendant les vacances ou quand je devais réviser mes partiels et comme à son habitude ma mère se faisait toujours hospitaliser à cette période là. Elle m'en voulait d'être partie, je lui en voulait aussi d'être dans son hôpital, refusant toute visite, tout appel.

Alors, cette fois-ci je décida de prendre une feuille, un stylo, et d'écrire.


« Maman,


Oui, tu es ma maman, celle qui m'a élevée, seule, pendant des années. Celle qui a toujours su me redonner le sourire quand je n'allais pas bien. Celle qui attendait que je m'endorme pour pouvoir aller à son tour se coucher. Celle qui n'a jamais ramenée un homme à la maison pour éviter de me perturber. Celle qui m'a appris le violon. Celle qui m'a appris à me défendre. Oui tu es ma mère, tu es tout pour moi. Tu es un modèle pour moi. Et ne pas pouvoir voir un modèle, ça devient dur.

J'aimerai te voir maman, te dire à quel point je t'aime. Te renvoyer l'amour que tu m'as toujours donné.

Tu ne répondra sûrement jamais à cette lettre, et je le comprendrai, je ne suis même pas sûre que tu la liras… mais sache que je ne t'en veut plus. Que je t'aime. Je veux retrouver ma maman d'avant. Celle qui était heureuse, pas celle sous traitement. Parce que je t'aime maman.


Reviens-moi,


Ta fille. »


Je n'avais pas beaucoup d'inspiration, je ne savais pas quoi écrire, alors j'ai laissé mon cœur parler. Je l'ai laissé écrire à ma place, lui non plus n'avait pas beaucoup d'inspiration mais c'était comme ça. J'avais l'impression qu'elle était devenue une inconnue.


Un an plus tard, je reçu un coup de fil de l'hôpital. Elle était morte. Décédée, elle avait profité d'un atelier d'art thérapie pour voler des ciseaux et s'est tranchée les veines à l'avant bras, le soir, entre deux rondes d'infirmiers. Ils m'appelèrent en premier car sur sa table de chevet, là où elle déposait soigneusement ses lunettes tous les soirs alignées avec les bordures de sa table, une lettre, ma lettre, et au verso, une réponse, la sienne.


« Ma fille, que dire ?


Voici un an que j'ai reçu ta lettre et je ne l'ouvre que maintenant, qu'elle mère indigne je suis. J'avais si peur de l'ouvrir. Mais tu ne m'en veut plus. C'est l'essentiel, je peux mourir en paix. Je t'aime.


Maman »


C'était ses derniers mots, noir sur blanc, adressés à moi.


J'ai perdu ma mère et je ne la connaissait pas.

  • Merci pour ce commentaire (rallye 66) Clémence. Je réponds ici, car je ne peux répondre sur mes textes. Problème avec le site !

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Pas de problème :)

      · Il y a plus de 4 ans ·
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      clemence_b

  • Je le sais pour avoir eu un bien triste cas dans ma famille. Ma fille en l'occurrence.

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Je suis désolée...

      · Il y a plus de 4 ans ·
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      clemence_b

  • Très émouvant, et malheureusement les personnes en dépression ou malades plus profondément finissent par mettre un terme à leur vie. Il faut essayer de les comprendre, car c'est très difficile pour eux.

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • C'est triste à dire mais oui, vous avez raison. Les gens malades ont la plupart du temps du mal à en parler car c'est bien plus profond que ça en a l'air.

      · Il y a plus de 4 ans ·
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      clemence_b

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