JE REGARDAIS LA MER
seb365
Je regardais la mer, un pied posé sur ce rocher de Tegrez, l'autre accroché à la terre ferme. J'avais l'impression d'être sur la proue d'un bateau de corsaire, quittant un port. Je la regardais, cette foutue princesse, divine et grise, belle à faire lamenter les marins d'outre-tombe.
Comme toujours son amant soufflait dès qu'on la désirait l'écume aux lèvres ; Vent Ouest bruissait confusément sur ses flots descendants, mais il n'y avait rien à faire, une fois par jour, il fallait qu'elle se découvre. Aujourd'hui jusqu'à bassin, parfois c'était jusqu'à ses pieds.
Je couchais en Bretagne, et le jour je lorgnais sa grande sœur sous sa jupe, ses rochers et ses bancs de sable. Elle était fière quelque part qu'on la dévisage sans retenue, tout en contemplation, de toute son eau, la mer.
J'avais les cheveux mouillés, la pluie ruisselait sur mon visage et perlait autour de mes lèvres. Je transpirais à grosses gouttes, fouetté par cette douce houle et ses accents de braises. Plus je restais, plus je sentais son sel et l'amertume de son regard à travers le vert de mes yeux.
J'aurai voulu lui chanter une berceuse mais elle voulait du rock, puissant, épique, au parfum d'iode. Mon bras était posé sur mon genou, j'étais en équilibre en cette journée de mai et je psalmodiais des cantiques à l'horizon pour que je retrouve l'envie d'écrire.
Surgissaient des graphes, des phonèmes, des consonnes et des voyelles dans ses vagues. Je tentais de les lire mais le ressac effaçait chacun de leurs mots. Les lettres plongeaient et disparaissaient pour laisser place à la face nue de la plage.
J'avais tout mon temps pour me souvenir, et moi c'était le jour des grandes marées. Le courant tirait fort dans ma tête, j'étais emporté depuis plusieurs jours par une dépression au large. Je courais après l'inspiration en façonnant mes idées sur ce rivage et j'aurai aimé ne pas être seul. Mais, comme elle, j'avais pour confidente la solitude et rien ni personne n'était capable de m'aider dans mon foutu puzzle.