Jean

peterpanpan

Quand Jean sortait de son grabat - donc qu'il se levait de terre - parfois, la mélancolie n'attendant pas le compte des heures, s'invitait à son réveil.

Il se disait alors : Qu'est-ce que cette vie sans argent, et pourtant qu'elle serait-elle si je me mettais à en gagner ! Non, décidément, il n'y a pas de solution.

Alors il s'avançait vers la cafetière et entamait la chorégraphie habituelle, puis attendait que la solution alchimique fut prête. 

Après la potion, il s'en allait vers ses rêveries. Oui car Jean, la nuit, ne rêvait pas, et il lui fallait attendre le jour pour que son compte en banque onirique soit crédité.

Que ces nuits sans rêves sont fatigantes ! Que ces journées de rêveries sont fatigantes ! 

Mais imagine-toi mon Jean si tu travaillais ! Tu ne rêverais jamais ! 

Alors il s'en consolait ainsi, de son temps à rebours, des autres et de lui-même. Car Jean aspirait au delà de cette vie triste et routinière, que les rêves ne suffisaient pas à combler. 

Non décidément l'homme n'est pas qu'esprit ! Et son corps imprimé dans le grabat, et le grabat imprimé dans son corps en témoignaient.

Il ne pouvait oublier ce corps qui se faisait connaître par ses innombrables petites douleurs parasites.


Si j'avais un lit.. ! Peut-être que j'aurais envie d'argent, si j'avais un lit. 

Puis il pensait à son jardin : par la fenêtre il regardait ses pavots pousser, mais juste une minute ou deux. 

Peut-être vous parlerais-je de Jean et de ses ridicules, qu'il tenait pour insignes d'un orgueil bizarre, et de ses façons trop extravagantes pour ne pas être, au moins un peu, romanesques !



Signaler ce texte