J'en connais un rayon

Laurent Ottogalli

Même si ça n’sert à rien d’poser des questions,

Question cancer, j’préviens, j’en connais un rayon…

Une tumeur un peu plus maligne et tu meurs, pas malin :

L’arme à la main, la main sur le cœur, ou le cœur sur la main,

Pas de rémission, j’vais jouer avec l’émoi…

Parc’que, dis-moi, à ton avis : si on t’donnait dix mois… à vivre ?

Que f’rais-tu d’cet enfer, nous ferais-tu Nosferatu ?

Et neuf mois ! Une nouvelle vie dans la même enceinte…

Moi ! oui, moi ! si on m’donnait huit mois…,

J’ai  pas d’recettes, moi…

Toi, j’sais pas, mais si moi, on m’donnait six mois,

– Si peu, mais tant en même temps –, j’les donnerais à la science

Avant de perdre confiance, avant de perdre conscience,

Le compte à rebours : 5, 4, 3, 2, hein, déjà ?...

Crois-moi, trois mois, c’est peu et c’est beaucoup

Pour, d’un seul coup,

Passer du plus offrant au moins souffrant…

Pour moins souffrir :

Une overdose de mort fine…

De moi, que ferais-je si on m’disait deux mois ?

Un mois j’aimerais, si c’est février, ainsi soit-il,

Qu’l’année soit bissextile…

S’il me reste une semaine, j’veux celle  des quat’ jeudis

Et je dis qu’si un jour, il me restait un jour,

J’aimerais qu’on m’le dise de bonne heure…

S’il me restait une heure, j’perdrais pas une seconde,

S’il me restait une seconde, que ce soit une seconde chance…

 

Condamnés à morts depuis la naissance

Malgré nos connaissances de la vie, l’essence,

Pas besoin de diagnostic, j’peux faire le pronostic :

On mourra tous d’un cancer,

Pas la peine d’vous en faire, de la peine,  

(On en r’parlera en Enfer…)

Pour vous en faire, y a les autres :

Cancer d’la connerie, là, j’en vois qui sourient,

Cancer du camion qui passe, en face, qui dépasse,

Cancer de l’orphelin rejeté à la DDASS,

Cancer du nerf de la guerre, un peu l’air de naguère,

Cancer de l’air qu’on respire, de pire en pire ?

Cancer du toujours plus, à quoi ça sert en plus ?...

 

Parc’qu’ovaires, seins ou utérus, 

Cancer de la prostate, du pancréas

Ou bien du temps qui passe,

C’est une question de temps, hélas…

Du temps qui passe, du temps qui passe,

Temps qui passe, tant qu’il passe qu’il passe, mais qu’il ne s’arrête pas,

J’aimerais passer mon tour, un tour de passe-passe,

Pas c’soir, pas moi,  

Ô temps ne suspends pas ton vol sur moi…

 

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