J'en saigne encore

floriane

 

« Il n'y a pas de petite souffrance morale. Une souffrance est une souffrance. J'avais laissé la mienne s'épandre dans mon esprit. Elle a gonflé avec le temps comme le vieux bois gonfle avec l'humidité. Elle a fini par prendre toute la place. J'étais prisonnière de ses tentacules voraces et coriaces. Plus rien ne m'apaisait. Ni les gens, ni les choses. Ni le soleil, ni la musique. Je me sentais attaquée de partout, par tout le monde, tout le temps. Je ne supportais plus rien ; la moindre plainte d'un enfant, un verre renversé, une crotte de chien sur le trottoir, un simple regard, le contact d'un tissu grattant sur ma peau. Tout, tout avait un effet agressif sur moi. Continuellement, des frissons glacés me parcouraient l'échine. Je bouillais. Je craquais. J'explosais. Je pleurais. J'étais au bord du précipice et n'avais plus la force ni de reculer, ni de sauter. Je cherchais en vain mon souffle, les deux pieds englués dans mes pensées négatives. J'étais arrivée à ce point où il devenait vital que je claque quelque chose. N'importe quoi. Pour me sentir vivante. Deux possibilités s'offraient à moi ; me claquer la tête contre un mur ou claquer la porte et m'enfuir. Voilà à quoi tenait ma vie à ce moment. À rien. Ou si, à si peu ; elle tenait à cet instinct de survie que d'autres appellent aussi l'espoir. Je m'y accrochais.

J'en saigne encore. »


2018 © Floriane Aubin
Source photo : google image
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