JESUS

johnnel-ferrary

Un homme solitaire dans un désert qui marche vers l'horizon, et....

JESUS

**********

     L’homme se trouvait seul au milieu du désert. Pourtant, il ne se sentait pas isolé des autres hommes, bien au contraire. Il parlait haut avec celui qu’il appelait « Son Père » et qui lui répondait lorsque le vent se mettait à souffler sur le sable. Alors, souriant, l’homme fermait les yeux et se savait plus fort que des armées de soldats prêts au combat. Il levait les yeux et scrutant le ciel, il se mettait à parler dans un langage que deux seuls pouvaient connaître.

-        Père, me voici en ce monde où la création efface les bribes du passé. La nature est si belle, et pourtant la violence se meut avec l’esprit sain offert par Vous, Mon Père ! Ne suis-je Vous-même en étant Votre Fils, et je ne sais qui je suis pour eux dont les regards vont se fermer à me voir au sein de Votre Lumière. Et ce désert brûlant qui me gifle dans une caresse mauve, ne serait-ce point l’univers entier qui mugit en son être ?

-        Va Mon Fils, va porter Ma Lumière, et lorsqu’ils éteindront celle-ci, tu me reviendras Mon Fils Aimé.

L’homme baissa la tête et observa le sable aussi fin que possible. Il vit aussi ses pas qui s’effaçaient peu à peu à cause de la légère brise qui soufflait sur eux. Il joignit ses deux mains en guise de prière et se mit à trembler. Bientôt, il devrait affronter la horde humaine des cracheurs de malédiction qui tôt ou tard, lui enlèveront la vie afin qu’il rejoigne Son Père. Car tel était son destin voulut par le désir infini de ce Père habitant les cieux. Il regarda l’horizon qui définissait la frontière qui sépare le ciel et la terre. Après, il y aurait la cité des mensonges, du commerce de femmes, celui des animaux mais aussi celui du commerce des esclaves. Là où des marchands sans scrupules, vendaient à prix d’or la chair humaine de ces hommes devenus de pauvres bêtes sans défense. Poussé par une main invisible, il reprit la marche afin de se montrer à cette cité dont les hurlements venaient lui caresser les tympans. Il sut qu’il allait mourir car telle était la Volonté Suprême de Son Père !

**********

La cité ne l’attendait pas. Pourtant, il vit une jeune femme s’approcher de lui et lui sourire.

-        Je sais qui tu es et pourquoi tu es venu. Viens avec moi, je t’attends depuis de nombreuses nuits. Je ne connais pas ton nom mais je sais qui est Celui qui t’envoies ici bas. Tu es là pour sauver la cité, mais je te dis qu’elle ne mérite nullement cette vie que tu vas lui offrir en échange de la sienne. L’espèce humaine n’a aucune valeur vis-à-vis de celle que tu nous donne, aussi je t’en prie, restes avec moi et tu seras heureux malgré le défi que Ton Père m’a envoyé de par ses Anges.

L’homme la regarda en fronçant les sourcils.

-        Ne serais-tu pas cet ange maudit dont Il m’a parlé maintes et maintes fois ? Tu es là pour me tenter, pour que je ne puisse accéder au désir Paternel ?

-        Non, tu te trompes. Je ne suis pas cet ange dont tu parles et dont te parlais Ton Père. Je dois devenir la mère de Ton Fils car lorsque tu ne seras plus de ce monde, il devra continuer cette marche dans le temps. Les siècles sont le chemin qui mène à la rédemption de la cité qui se vautre dans l’inutile et l’inhumain. Et le chemin sera bien long sous le pas des morts. Ton Fils à Toi devra les accompagner pour qu’enfin, la cité puisse renaître de ses cendres. L’univers attend l’homme sacré pour que la vie naisse dans chaque continent qu’obscurcit le vide des ténèbres. La vie est la lumière qui combat ces ténèbres où nul ne peut exister. Aussi, Notre Fils Lui, accèdera au plus haut degré de l’intelligence qui favorisera l’éclosion de la vie par delà l’univers.

Inquiet, dubitatif, l’homme la regarda et il s’aperçût combien sa beauté lui donnait des frissons. Il avait envie d’elle, la prendre dans ses bras, la déshabiller, la pénétrer de son glaive de chair tendue et aussi dure que la lame d’un acier le plus pur. Sa beauté parfaite était celle d’un vrai démon, pas celui transcrit dans les livres des humains, mais celui qui gisait nu dans la fièvre de son corps possédé bien avant sa propre naissance. Oui, il va la suivre, oui il va la mettre nue, oui lui aussi se mettra nu à son tour. Et ils feront l’acte perpétué par ces hommes et ces femmes de la cité où s’accordent violence et meurtres. Oui, il n’écoutera nullement les paroles de sagesse qui gisent mortifiés dans des livres abscons. Oui, ils feront l’Amour avec ce A majuscule face aux destins qui prolifèrent au sein des galaxies. Et rien ne les empêchera de forniquer comme le font les vivants de cette sphère appelée cité. Il s’approcha d’elle et l’embrassa. Elle répondit par ce baiser par un autre qui sentait bon le bonheur de deux âmes convaincues par l’Amour.

Lorsque les deux corps s’unirent, il y eut un effroyable orage qui fit trembler la cité dont les pleures accentuaient la dérive. Le frémissement des corps, l’acte charnel à son point culminant, la sève masculine circulant au sein du bas ventre féminin, et enfin la synergie male et femelle s’opposa à la stérilité des corps sans caresse. L’ovaire venait d’être fécondé par un spermatozoïde ayant vaincu ses opposants tel ce gladiateur face aux lions dévorateurs de limbes. Il y eut des grincements de dents, dans un coin d’une lointaine galaxie, des dieux de secondes zones firent grimaces et ricanements haineux. Un enfant allait naître et pas n’importe quel être vivant, mais celui d’une femme et de cet homme descendu de la brume environnante. Désormais nul ne pourrait s’y opposer malgré la colère d’un Paternel excédé par l’audace de ce Fils mécréant dont la mort allait accentuer la divinité !

**********

L’un contre l’autre comme deux amants énamourés par une jouissance méconnue et enfin libérée, ils regardaient le plafond craquelé de cette chambre exigüe.

-        Tu as aimé, demanda la femme ?

-        Oui, répondit l’homme qui se sentait en harmonie avec corps et âme. Oui, je suis heureux, et à tes cotés, je ne puis réfuter ma mission donnée par Mon Père. Oui, je me dois à cette cité avant qu’elle ne succombe par sa bêtise et son arrogance ! Je me dois de la sauver même si les durs moments de ma courte présence ici bas, seront les seuls et uniques de ma vie terrestre. Je veux que tu m’accompagnes au bûcher, je te veux près de moi dans cette houleuse agonie et aux supplices libérateurs. Tu seras ma lumière bénie, celle qui va m’éclairer sur le chemin du retour vers mon Père.

Alors qu’ils s’embrassaient, un groupe de miliciens firent irruption dans la chambre dont la porte était entrebâillée.

-        Toi, dit l’un des hommes en pointant son doigt vers l’homme, tu vas me suivre car le Grand Médiateur veut te rencontrer. Tu as été livré par l’un de tes compagnons d’autrefois, celui qui déjà fit de toi le dieu unique de certaines églises ! Et la foule citadine te veut dans le ciel bleu gris au mât d’une croix symbolique mais bien réelle. Et toi la femme, sais tu qui est cet homme pour batifoler dans ses bras ? Le sais-tu seulement ? Tu seras la bannie de nos divinités et de notre cité, nous t’enverrons sur une autre galaxie que la nôtre afin que se profile ta repentance. Viens homme, suis-moi, sinon mes soldats t’emmèneront de force.

-        Je te suivrai milicien si tu laisses la femme en dehors de cette arrestation que je sais nécessaire. Je te suis même en enfer s’il le fallait, et saches que tu devras me suivre aussi et tes générations suivantes devront payer la dîme de cet acte.

-        Tais toi, tu es un imposteur, nous ne te suivrons pas, nous attendons un autre que toi. Tu n’es pas Celui que la cité doit prier chaque nuit et chaque jour afin de rendre obsolète la malédiction du Père ! Et tu te vautres dans les bras de cette impie ? Va-t-elle prier au près de ses semblables ? La voit-on dans nos temples ? Dans les grottes où s’impliquent nos dieux tout puissants ? Notre Saint-Veilleur a dit que jamais elle n’est venue dans le sanctuaire ni dans le chœur du temple ? Elle chante oui, mais sur les marches et sur les trottoirs de la sainte cité, alors quoi ? Et tu serais là pour elle ? Demain, la glorieuse cité de JERUSA va s’honorer de ta défunte dépouille enfin, et le vin coulera dans les bouches assoiffées, la chair dans les corps rassasiés. Viens, ne fais plus attendre le Grand Médiateur.

L’homme se leva en même temps que la femme qui disparut derrière un grand linceul bleuté. A moitié nu, chaussé de spartiates que lui donna l’un des miliciens, l’homme sortit de la chambre. Alors que le ciel venait d’engendrer une brume grise chahutée par de lourds nuages mauves et aussi par le tintamarre d’orages belliqueux !

**********

La foule hurlait et les chiens aboyaient. La rue grouillait d’un monde crachant, vociférant contre cet homme à demi nu, habillé de hardes et qui devait sentir la saleté ? Il avait de longs cheveux gras, un visage émacié, une longue barbe en fouillis. De grands yeux bleus lançaient une lueur apaisante, et les miliciens, à ses cotés, cherchaient à le protéger de cette vague hideuse et meurtrière.

-        Tuez le, crucifions le, qu’il soit crucifié sous le soleil du désert, fustigeait la foule en délire.

Non loin du prisonnier, voilée à cause des regards mortifères, une femme pleurait et tenait d’une main son ventre. Oui, elle le savait, un être se façonnait dans son ventre. Elle devait attendre plusieurs lunes pour que cet être soit présent, nu par la sagesse du Grand Esprit qui gouverne les unités vivantes. L’homme, baignant dans un fleuve rouge, souriait malgré la souffrance endurée. Soudain, une lance lui brisa les cotes, s’enfonça dans son corps qui hurlait la douleur incisive.

-        Pourquoi tuer cet homme, demanda t-on au Grand Veilleur ?

-        La foule le veux, la foule le demande, la foule l’aura. Il ne faut jamais refuser à la foule qui bat le chemin, sinon la guerre envahira notre sainte cité !

On hissa l’homme sur une croix qui crevait le ciel devenu triste. Les nuages assombrirent ce dernier, l’orage envoya des éclairs comme des flèches sur le sol craquelé. La peur se lisait sur les visages, dans les regards de ces gens qui n’étaient plus des humains. Mais une cohorte de fièvre et de sauvage désir de tuer ! L’un des miliciens demanda à cette foule ce qu’elle voulait. Soit délivrer cet homme de ses entrailles, ou cet inconnu qui crachait venin sur les têtes toutes proches.

-        On veut BRATABASE, on veut BRATABAS, hurlait-elle.

-        Bien, que l’on descende BRATABASE, le guerrier orphelin et tueur de chair tendre puisque la foule a parlé !

La nuit était venue si vite, trop vite, et le ciel grondait toujours, la pluie fragilisait les visages tourmentés. Une femme était restée seule près de l’homme qui peu à peu, glissait le long du tunnel qui monte vers la mort. Tellement pleutre, la foule s’était cachée sous des monticules de honte. Alors levant son visage plein d’amour et de bonté, la femme vit l’homme lui sourire et un linceul blanc vint recouvrir son corps arraché à la vie. Nul ne connaissait son nom, et d’aucun l’aurait oublié dès le lendemain. Lorsque la femme agenouillée se releva, elle vit que seul restait le linceul blanc maquillé de rouge. Elle savait que l’homme venait de rejoindre Son Père et elle se décida pour quitter les lieux. Une belle nuit s’avançait avec des étoiles de lune afin d’apaiser la vieille cité meurtrie. Ainsi se termina cette histoire que m’imposait une machine remplie de l’esprit démoniaque du diable des écrivains maudits.

**********

Ayant terminé ce récit, je me levai afin de me préparer un café puis un bon cigare. Il me fallait sortir mon chien sous un grand ciel bleu de printemps. Soudain, des mots qui n’étaient pas ceux de mon clavier, se sculptèrent sur l’écran cathodique.

-        Toi, tu es le fils de l’Homme, et il te faut réduire à néant la grande cité de mensonges, de stupre, d’argent et de guerres. L’univers n’en veut pas tant qu’elle ne sera que cet infâme adolescent qui ne pense qu’au travers de son ventre et de son sexe ! La grande cité ronde ressemble à s’y méprendre, à celle qui autrefois, rusait pour mieux amadouer les dieux ! Elle devenue rouge depuis que son écorce protectrice se déchira sous les coups de boutoirs de ce Père Vindicatif. Bientôt, ce sera au tour de la grande cité de subir un sort identique, et c’est à toi que revient le privilège de l’anéantissement de la chair sans conscience. Toi, Mon Fils, Mon élu…

Surpris, me demandant si jamais la folie venait de gagner du terrain sur mon esprit de science ? J’eus l’idée saugrenue de vouloir mémoriser ce faux dialogue, mais hélas, il disparu en une fraction de seconde ! J’entendis ma femme qui me demandait de venir à la table puisque nos amis se trouvaient là.

-        Pierre, viens et ramène l’apéritif, je suis à la cuisine.

La pendule murale que je venais de poser, m’indiquait l’heure du repas. Douze heures ! Et puis, j’avais faim. Je laissai la machine providence contact veille, et concocta une idée simple : effacer ce foutu récit qui me donnait la chair de poule. Hélas, impossible, il ne voulait pas s’effacer. Bien au contraire, il s’additionnait à volo, faisant défiler les mots et les verbes à la vitesse « grand vé ». En colère, je débranchai la machine diabolique et enfin libéré d’elle, je sortais de mon bureau. Mes amis me saluèrent et mon pote Nanar me questionna sur ce dernier récit conçu pendant les heures dites nocturnes.

-        Alors, on peut le lire enfin, me lança t-il.

-        Non, répondis-je, je l’ai effacé. Il ne me plaisait pas. Une histoire de pompiste qui trouve une fille sur le bord de la route, et poursuivi par un gang de malfrats, cela n’a aucun intérêt littéraire.

-        Tu as raison, acquiesça mon ami. Trop facile, archi connu.

Ce que j’ignorais, c’est qu’une main invisible venait de rallumer mon ordinateur afin de subtiliser cette histoire !

                                      J.FERRARY

****************************************************************

Signaler ce texte