Jeu de piste

elvire

Fin d'après-midi, elle revient lentement à la voiture, un peu fatiguée par sa journée de boulot. Faim, soif, sommeil, l'impression d'être une carpette pleine de boue. Bien moche comme carpette. Elle enlève machinalement la publicité pour une pizzeria sur son pare-brise – cela pourrait l'attirer, si la publicité n'arrivait pas tous les jours sur sa bagnole – et...

« Tu es si belle. Je veux juste « rendre hommage » à ton corps. J'ai cru mourir lorsque je t'ai vue. Ta nuque, tes seins, tes reins, toi. Ton cul bon dieu. J'en brûle, c'est dingue à quel point. Je ne suis qu'au service de ton plaisir, beauté. Maile-moi. N'aie pas peur du loup. »

Suivit d'une adresse mail, ca.dorfan@machin.fr . Elle reste figée devant le petit mot fixé au pare-brise de sa voiture. Regarda autour d'elle, personne. Pourtant, elle sent des yeux de voyeur posés sur elle, matant ses seins, ses fesses, ses jambes... Reluquée. C'est à la fois dérangeant – merde, on l'observe, on la suit,... - et flatteur. Plus flatteur que flippant, en fait. Quelque chose lui dit qu'on ne lui veut pas de mal. Et puis... le culot est charmant. Elle relit le petit mot, un sourire en coin. Elle inspire, profondément, reluquant avec délice sa propre poitrine gonflée. Elle est assez sexy pour attirer un mot coquin en pleine rue. C'est...excitant. Elle glisse le mot dans son décolleté sans réfléchir. Bien au chaud entre ses deux seins, dont le balancement avait attiré l'attention d'un entrejambe inconnu, qui rêvait de prendre la place du petit billet. Elle rentre chez elle en gloussant comme une adolescente, avec des frissons dans tout le corps en prime. Envoyer un mail.

Alors comme ça, j'ai un cul bandant ?

Mail lapidaire, désolé, mais elle frétille trop sur sa chaise, soudainement trop dure pour ses fesses, pour avoir l'air intellectuelle. Qu'est-ce qu'elle s'en foutait d'avoir l'air intellectuelle, s'il y avait du foutre dans l'affaire. Promis, elle essayerait d'avoir l'air intelligente quand elle sera moins en manque. Elle hésite entre aller s'occuper comme elle devrait en attendant la réponse, ou bien rester assise là en fixant l'écran d'un air non seulement stupide mais aussi extatique. Elle allait se décider pour sauver son honneur, quand, merveille de la technologie moderne, un nouveau mail atterrit dans sa boite.

Si tu es la beauté de la rue, tu as non seulement un cul bandant, mais aussi des jambes fantastiques, on dirait que tu veux toujours les avoir entrouvertes...

Qui veux-tu que je sois d'autre ? Tu laisses souvent des mots obscènes ?

Elle se mord la lèvre. Un peu déçue. Évidemment, un macho qui poursuit les petits culs qui trainent.

Jamais. D'habitude je mate même pas... Trop vulgaires ou trop laides... Mais là... J'avais très envie de toucher...

Elle sourit, caressant du bout des doigts la naissance de ses seins, dans la courbe de son décolleté.

On t'a jamais appris à toucher qu'avec les yeux ?

Non, plutôt avec les lèvres.

Foutre sa langue partout, c'est crade.

Elle est tout-à-fait d'accord pour accueillir une langue vorace entre ses cuisses. Mais une langue un minimum gentleman et propre serait privilégiée.

Pas partout, seulement là où cela te ferait du bien... Et puis...Comme je l'imagine, ta chatte est loin d'être sale...Poilue peut-être, un rien sauvage... Un corps-à-corps un peu rustre... Je ferme même pas les yeux, j'pose juste ma main sur ma braguette et je t'y vois...

Elle ne répond pas, laissant le délice que ces mots procurent en elle quitter son cerveau pour descendre jusqu'à son bas-ventre. Elle met son cerveau en pause, et regarde les mots s'afficher les uns après les autres.

Tu sens l'odeur du stupre, de la sensualité, tu te tords... Putain que c'est bon...

Dans sa tête, elle le voit aussi bien qu'il l'imagine. Il tape d'une main, une langue lascive qui passe et repasse sur ses lèvres, sa main libre qui masse son sexe déjà gonflé à travers son jean. Un pervers libidineux, diraient certaines saintes nitouches, s'estimant tout à fait saines d'esprit. Elles le sont sans doute... Mais elle est d'accord pour perdre un peu l'esprit... Cette langue qui s'affaire sur ses lèvres à elle, les palpitantes et gonflées, qu'elle dévore autant qu'elle les lèche. Cette main qui saisit son sein, dévale son ventre et se repaisse de toutes les courbes de corps. Ce sexe, qui s'enfonce en elle sans relâche, sans la laisser respirer. Il l'excite rien qu'en écrivant par pc interposé.

Je préfère l'odeur du sperme.

Elle met une éternité à répondre, tellement ses doigts tremblent. Particulièrement ceux à l'entrée de son vagin.

Parce que tu ne sais pas à quel point ta chatte est bonne. A quelle point j'ai envie de prendre tes fesses, de te soulever de terre pour glisser ma main entre tes cuisses, d'empoigner ton entrejambe...

Et me montrer comment t'es au service de mon plaisir?

A genoux, à cheval, ma langue sur tes lèvres, me frotter contre toi jusqu'à ce que tu me supplies de te faire jouir... Te voir te tordre, t'agiter, haletante, sous moi.... Cabre-toi comme si t'allais te briser...

Pour demander plus...

En même temps qu'elle tape, elle se rend compte qu'elle murmure à voix basse, elle sent presque ces mains parcourir son corps, éveiller chaque parcelle de sa peau, sans répit... Elle s'emballe.

Ne t'inquiète, tu auras tout ce que tu veux et plus encore... Si tu veux jouer....

Jouer à ?

Trouver le trésor au fond de la caverne gardée par le vilain dragon phallus... Cabine téléphonique, en face de la banque.

Déconnexion. Coïtus interruptus. Le virtuel laisse inassouvi. Elle veut envoyer l'ordinateur par la fenêtre, dans la frustration la brûle. Bordel.

Elle sort de son immeuble, les jambes tremblantes et la bouche sèche. La porte qui se referme implacablement derrière elle l'a fait sursauter, comme une mise en accusation de flagrant délit d'un crime très honteux. Oh mon dieu. Oh mon dieu. Elle est complètement dingue de faire ça. Mais cette pensée même fait dresser les poils de sa nuque, presque frisotter ceux de sa chatte, et l'excite encore plus. Elle ne fait rien de mal ; cela allait faire un bien fou à son corps, qui lui fait mal tellement elle en avait envie. La chaleur de son pubis l'effraye presque.

La cabine est vide. Qu'est-ce qu'elle croyait, qu'il y serait, nu son beau sexe gorgé de sang et de sperme dressé vers elle ? Non, juste un mot à l'écriture hâtive – est-il aussi humide et flageolant qu'elle ? -

Aller s'offrir un sandwich à l'étage du fast-food. Poste wifi à gauche.

Elle porte le message à ses lèvres. Envie de s'acharner dessus comme elle le ferait si une queue s'offrait à elle. Voracement, avec gourmandise. Il sent une odeur forte, un peu aigre et musquée. L'odeur du sexe, de la bête qui se déchaîne, des corps qui se heurtent. Sexe. Elle ne voit plus rien tant elle est concentrée sur une bite. Il n'y a plus que ce mot, bite, qui clignote dans sa tête, dans ses lèvres sèches, dans ses lèvres humides, dans ses seins frissonnants. Elle veut une bite, là maintenant, en elle. Pour la labourer, la renverser. La pénétrer. Encore et encore. Elle court presque au fast-food, mais se force à prendre un pas qui a l'air normal. Oui oui, elle a si faim qu'elle court se prendre un sandwich, rester crédible.

L'atmosphère surchauffée et un peu grasse de l'endroit la calme un peu. Juste un peu. Elle tremble un peu moins, mais sente toujours une goutte de sueur descendre le long de sa colonne vertébrale et l'humidité dévaler l'intérieur de ses cuisses. Mais même lorsqu'elle se faufile dans la masse des clients, se battant pour se frayer un chemin et se collant sans le vouloir à ces corps inconnus, personne n'a l'air de remarquer son état. Être seule avec son secret fait battre le sang dans ses artères encore plus rapidement, et elle monte les escaliers aussi vite qu'elle pout, les ongles enfoncés dans la rampe. Elle se sent sur le point de tomber.

L'étage est quasiment désert. Elle aperçoit un ordinateur portable, seul et abandonné au poste wifi. En veille. Impatiente, elle se penche dessus et enfonce frénétiquement un touche au hasard, réveillant le virtuel endormi. Un post-it est ouvert sur le bureau, quelques mots juste :

Je vais te faire hurler, et tu aimeras ça...

Elle sourit à nouveau. Machinalement elle pose ses doigts sur le clavier, jouant à trouver une réponse à la hauteur. Il lui semble presque entendre une voix sensuelle lui chuchoter cette phrase à l'oreille, tant son imagination lubrique travaille dur. Tout ses sens sont en éveil au point d'être douloureux d'être trop sensibles. Elle guette. Elle guette la moindre sensation qui ferait basculer son excitation fébrile.

Elle pousse un cri rauque en sentant deux mains chaudes se poser sur ses hanches. L'individu l'empêche de se retourner, mais elle sent l'empreinte fiévreuse de son corps se coller contre son dos, contre ses fesses. Par réflexe, elle ferma les paupières et elle perd immédiatement pied, elle perd conscience de l'endroit. Comme dans un rêve, temps et espace tourbillonnent et change. La seule réelle, c'est ce corps près du sien, et la brûlure des paumes sur ses hanches.

La vague de chaleur descend, descend encore, descend jusqu'au rebord de sa jupe. Elle retient son souffle, elle est tellement au bord de l'implosion que le suspens, que les doigts laissent avant de glisser entre le tissu de sa culotte et son sexe, la fait trembler. Elle est prête à supplier. Juste pour encore un peu plus. Mais les doigts n'hésitent pas longtemps et se faufilent là où ils doivent être. Ils prennent leur place naturellement, exactement là et comment elle le souhaite. Doucement, presque tendrement ils viennent écarter ses lèvres, caresser son intimité d'une manière qui la fait haleter, effleure son clitoris. Un souffle chatouille sa nuque, parsemant son cou de baisers voraces. Un mouvement de rein vient heurter son bassin, alors que où les doigts aventureux se décident enfin à mettre fin à son supplie en la pénétrant. Vif, bref mais infiniment intense, ce soudain va-et-vient lui fait ouvrir la bouche pour pousser un cri qui ne vient pas. Une bouffée d'air pour un noyé. Ses mains glissent du clavier où elles étaient toujours posées lorsque les doigts, sous une impulsion nouvelle des hanches reviennent glisser à l'intérieur de son sexe.

Trop d'attente et d'excitation explosent finalement, et, privée d'appui elle s'effondre sur le sol. Assise sous la table, jambes entrouvertes sur un sous-vêtement pendant, sa jupe largement retroussée offre une vue inoubliable. Elle se laisse tomber, toute molle, sur le sol, les bras en croix. Sa poitrine est secouée de rires, tandis que ses joues ruissellent de larmes. Mais ses yeux brillent d'extase. C'est trop bête et en même temps, trop fort. Trop d'émotions la submergent en un instant, trop de sensualité réveillée en quelques mots. A travers le voile qui la sépare du monde réel, elle perçoit une voix, qui s'adresse à quelqu'un d'autre.

« -C'est rien, elle a trébuché et elle s'est cassé la gueule. Ne vous inquiétez pas ! »

Un instant de silence, mais elle n'en perçoit pas la durée, se battant pour rester l'esprit embrouillé par ce plaisir dérobé.

« -Qu'est-ce que tu es maladroite, ma belle... »

Il y a un sourire tendre dans la voix.

Elle se redresse tant bien que mal, pour prendre la main qu'on lui tend pour l'aider. On écarte doucement la table et on la remet debout. Lorsqu'elle relève les yeux vers son amant, elle tombe nez-à-nez avec une jolie brunette. Un joli brin de fille, des yeux chocolats qui brillent de gourmandise, une mèche folle en travers du visage, un sourire à la fois timide et malicieux. Son amant virtuel. Son amante réelle. Encore un peu dans le ciel, elle ne réagit pas tout de suite. Leurs mains se tiennent toujours. Lorsque son vis-à-vis entrelace timidement leurs doigts, elle réussit enfin à cligner des yeux, à reprendre haleine. Les mots tournent et retournent dans son esprit, jusqu'au vertige quand elle vient timidement prendre un baiser sur les lèvres de celle qui les a prononcés, qui a réussit à l'exciter en quelques phrases, et à la faire chavirer en quelques instants. Elle la trouve douée, terriblement douée. Elle la trouve belle, monstrueusement belle. Attirante. Si elle lui avait fait un tel effet à distance, si elle parlait, vivait et faisait l'amour aussi bien qu'elle écrivait... Alors elles pouvaient bien tenter. Elle l'embrasse avec curiosité et fougue, instinctivement.

Pseudonyme : Elvire.

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