Jeux de jambes
la-musique-de-l-ame
Mercredi, 9h du matin. Après un week-end épuisant et deux jours à procrastiner, je me décide enfin à sortir ! Le travail m'attend et il ne me reste plus que trois jours pour boucler les opérations de la semaine. Dernier défi avant le départ : trouver une tenue qui ME plaise dans le miroir. Mon plaisir avant celui d'autrui, au moins dans ce domaine. Mais pas facile quand on n'a quasiment pas de fringue adaptée à la saison et si peu de choix dans sa garde-robe... Qu'importe, je vais composer une fois encore. J'opte pour un short noir "de soirée", très chic, surmonté d'un pull en laine dans les tons jaunes. Le contraste des couleurs me semble parfait. En-dessous de la ceinture, une paire de collants noirs aux motifs géométriques et aux mailles légèrement espacées. Le résultat est ajouré et offre une transition idéale entre mes hanches et la paire de bottines en cuir noir que je choisis pour leur confort. Casser les codes et adopter un style décomplexé, tout moi ! Je trouve néanmoins le short très court mais ma fille valide, me voilà donc fin prête. En m'asseyant au volant de la voiture je marque un temps d'arrêt : la liberté avec laquelle ma jambe droite s'écarte de ma jambe gauche me donne l'impression d'avoir oublié une pièce maîtresse de mon accoutrement. Je plonge à peine les yeux dans mon entrecuisse, persuadée d'être sortie en petite culotte, que le short léger me revient en mémoire. La poussée de chaleur et l'accélération fulgurante de mon rythme cardiaque passées, j'étouffe un éclat de rire, amusée par ma réaction aussi spontanée qu'inhabituelle. Une fois remise de mes émotions, j'achève de m'installer pour me rendre finalement au travail.
J'arrive rapidement à destination. Au moment de sortir de mon véhicule, pas de seconde surprise mais je me sens comme ces adeptes des jupes pour lesquelles la position assise se résume souvent à une partie de cache-cache sous haute surveillance, d'un sens comme de l'autre, entre leur intimité et le regard des passants. Jeu de dupes parfois s'entend, et je ne suis pas de celles-là, mais l'idée de me mettre à leur place sans risquer de dévoiler la moindre parcelle de lingerie finit par germer dans mon esprit. Jouir d'une situation en bénéficiant des avantages sans les inconvénients, qui s'en priverait ? La portière grande ouverte, profitant de mouvements de jambes non entravés, j'écarte mes cuisses lentement et davantage que de besoin, imagine un ballet d'yeux aventureux posés sur moi dans une scène au ralenti dont je suis seule réalisatrice. Je m'applique à vivre, à ressentir chaque instant, chaque fraction de seconde aussi intensément que possible, vois ces globes se rapprocher de mon entrejambe, plus près, toujours plus près jusqu'à m'effleurer de leurs cils, tant et si bien qu'un frisson me parcourt l'échine. Je souris, les joues au seuil de l'empourprement après mon comportement impudique mais satisfaite. Mes esprits retrouvés, je quitte la voiture et gagne mon lieu de travail.
Je marche avec une légèreté, une aisance auxquelles je commence à m'habituer. J'apprécie, apprivoise mon ciseau de jambes et c'est presque avec regret que je m'assieds enfin sur ma chaise, pourtant confortable, les gambettes glissées sous ce bureau jaune et gris qui n'attend plus que moi. Mais aujourd'hui rien n'y fait, la paperasse m'ennuie au plus haut point et la gourmandise me reprend. Cueillir l'instant présent, sucer la moelle secrète de la vie... Je croise les jambes avec une sensation différente de d'habitude puis les décroise, simplement puis largement. Ma liberté de mouvement et cette impression déroutante, inaliénable, d'être en petite culotte ne me quittent plus. Je finis par reculer ma chaise et dégager de leur cachette ces parties de mon corps que je préfère, parées de noir des hanches aux pieds. Je me félicite une nouvelle fois d'avoir choisi cette tenue et la contemple dans un excès de narcissisme, adossée sur ma chaise, alanguie, le regard fuyant et plongeant le long de mes jambes tendues. Descente vertigineuse. Machinalement je laisse une main glisser sur mon short, puis les deux dévaler ma cuisse jusqu'au mollet. En épousant sa forme sous les mailles de mon collant, un récit me revient en mémoire, celui d'un ami qui avait développé, à force d'attirance pour les talons et par extension pour les jambes, un attachement singulier à certaines formes de mollet.
Il en avait dénombrées trois, chacune ayant sur lui une emprise différente, un charme propre, un visuel particulier suivant la manière dont le muscle soléaire et les muscles jumeaux, respectivement muscles inférieur et supérieurs du mollet, avaient trouvé leur place. Une introduction à l'anatomie postérieure de la jambe qui aurait eu vite fait d'ennuyer le commun des mortels mais qui, connaissant l'individu, avait attisé ma curiosité. Je me demandais comment cette entrée en matière allait bien pouvoir déboucher sur la sensualité dont je le savais emprunt. La première forme qui le mettait en émoi, donc, était la poire inversée, résultat d'un muscle soléaire particulièrement fin à sa base en comparaison des muscles jumeaux. Indiscernables, ces derniers formaient l'illusion d'un seul et même muscle. Une touchante fragilité se dégageait de ce type de mollet, pareille à celle d'une structure en cristal sur pied, fragilité accentuée par un large fessier. Le point d'orgue se produisait lorsqu'un talon obligeait l'amas musculaire à vibrer à chaque pas, de gauche à droite, comme une corde sensible. Un appel à le prendre en main pour l'envelopper comme une coupe, un Graal, avant de lui faire retrouver son équilibre, le réconforter comme on rassure un enfant secoué par les sanglots. Il jalousait les collants au plus haut point pour cela, eux qui bénéficiaient d'un contact entier et permanent avec cet objet de désir. Sa danse, légèrement contrainte, n'en était que plus aguicheuse. La peau de ces mollets devait être d'un soyeux incomparable, disait-il, et imaginer les caresser le transportait déjà au seuil de l'orgasme. Parfois il se surprenait à vouloir les presser, comme ces petits ballons en caoutchouc.
La seconde forme ressemblait beaucoup à la première en terme de lignes et de proportions : une différence de diamètre importante entre la base du muscle soléaire et l'amas uniforme offert par les muscles jumeaux, mais dans des dimensions plus imposantes. Une petite taille, de larges cuisses sous un jeans slim plutôt qu'une jupe et une paire de bottines à gros talon achevaient de donner au tableau une impression de prestance, de puissance comme en témoignait le claquement sourd de la chaussure sur le sol sans que le mollet ne tremble d'un iota. S'il voulait le tenir entre ses paumes, c'était cette fois pour ressentir sa force, toucher ce pilier que rien ne pouvait en apparence ébranler. Loin de la fébrilité précédente, la démarche était à l'inverse assurée, intimidante, presque dominatrice.
La troisième forme était la plus athlétique, avec un muscle soléaire large à sa base et des muscles jumeaux bien distincts. L'ensemble faisait penser à une sculpture de chair, robuste, les traits délicieusement affinés par la protubérance que conférait le port de talons hauts. Les mollets nus tout juste frémissants à la marche donnaient l'image d'un entretien quotidien, une force tranquille qu'il fallait respecter, traiter avec soin, bichonner. Les collants noirs unis, légèrement translucides et d'aspect brillant qui les enveloppaient souvent les rendaient presque précieux par leurs microscintillements. La propriétaire de ces jambes devait y mettre le prix mais il en valait vraiment la chandelle. Ne pas les lécher du regard chaque fois qu'elle s'éloignait était devenu mission impossible.
Chacun de ces mollets lui racontait une histoire, et chacune d'elles m'avait parlé, emportée dans une certaine mesure. Je repense à ce jour où il m'avait demandé de tourner sur moi-même alors que je portais une jupe et des collants. Je m'étais exécutée. Ni lui ni moi n'en avons parlé ensuite.
J'aime beaucoup la description anatomique des mollets.
· Il y a plus de 6 ans ·Très originale
La fin laisse un peu sur la faim
unrienlabime
Merci beaucoup d'avoir pris la peine de commenter cet aspect/partie du texte, qui ne parle pas à tous les lecteurs et je le comprends parfaitement. Très anatomique il est vrai, je l'ai pourtant écrit(e) avec la même aisance et la même émotion que le reste sans être du "métier", quelques recherches sur la toile tout au plus. Quant à laisser le lecteur sur sa faim en cette fin, qu'il me pardonne... et patiente simplement :) J'écris bien assez sur les jambes de nos belles dames pour le nourrir encore... et assurément bientôt !
· Il y a plus de 6 ans ·la-musique-de-l-ame