Peut-être

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Peut-être était-il une fois.

Peut-être…

 

Deux enfants nés des entrailles d'un monde en noir et gris. Des enfants dont les yeux débordaient de couleurs vives et chatoyantes, gorgées d'étincelles. Mais cela n'était autorisé, mais cela était interdit, alors les grandes personnes ont attrapé du fil et une aiguille. Et plus jamais les enfants n'ont discerné la lumière. Et plus jamais ils ne purent se parler.

 

Tu te souviens ?

 

Même éloignés, même aveuglés, nous nous tenions la main pour ne pas nous perdre. Et puis le temps a passé. Et puis les années ont filé dans la nuit. Mais je me souviens, tout de même. Ou je me rends compte désormais. La peur d'être séparés. Les chemins qui s'éloignent dans des directions opposées. L'absence qui se recroqueville et se cache, les vies qui évoluent, là, le long de la ligne blanche qu'ils suivent tous sans réfléchir. Te caches-tu aussi dans les hautes herbes  désormais ?

 

Souvenirs d'onomatopées, de blessures qui ont eu du mal à être cautérisées. Une amnésie, car non tu ne te rappelles-pas, ou si ? Ce manque à l'origine indéfinie. Quand je t'écoute, aujourd'hui, quand je t'entends, c'est aussi intense et dangereux qu'une opération à cœur ouvert. Je glisse en hypoglycémie, tout le temps. Je dégringole, je tombe, j'accumule les malaises. Mais tu m'aides à me relever, et je marche à peu près droit. Ce n'est pas évident, cette opération là. Je sens désormais les battements frémir. Comme lorsque j'ai coupé les fils pour retrouver les vraies couleurs du monde. Et ma voix.

 

J'émerge d'un océan de pétrole, après avoir tant de fois cru m'y noyer. Je ne suis pas de ces sirènes entêtantes dans les océans chauds, de celles qui chantent en chœur pour faire chavirer les navires et leurs matelots, cela même si je suis ensorcelée. (Mais ça, tu le sais déjà)

 

Il suffit parfois d'un rien, d'un rayon de soleil, d'une étoile blessée, d'un murmure dans l'ombre. D'un souvenir, d'un avenir, d'un mot.

 

La souffrance peut toujours gagner, ses crocs plantés dans la chair, dévorant une proie qui ne riposte plus. Car jamais la sorcière ne marque les contes de fées, seules les princesses ont droit à cette fin mielleuse. Mais je ne veux devenir Reine, non.

 

Non, moi, je veux partir en cavale avec toi.

 

Refuse leur dictature, refuse leur monarchie, prend ma main et fais-moi confiance, fuyons, créons notre propre monde… cachons-nous, changeons d'abris, nuits après nuits, pour que jamais ils ne reviennent coudre à nouveau et nos yeux, et nos lèvres… et nos rêves.


  • Quelle belle écriture que la vôtre. Il en ressort une impression douloureuse , sombre, mystérieuse mais c’est vraiment prenant aux tripes...j’aime aussi ce souffle ténu de l’espérance, du désir de se libérer et de vivre coûte que coûte...

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    nehara

    • Et vos commentaires me font beaucoup de bien : merci vraiment :)

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Zt245dd

      redstars

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