Journal aléatoire d'un alcoolique en sevrage

lafaille

Jour n°4

Toujours ce bourdonnement dans les oreilles, bientôt un essaim me tiendra compagnie. Fout-Le-Camp n'est pas venu me réveiller ce matin, si fatigué ce chien depuis que je ne bois plus. Les promenades sont longues, la vie aussi, ce foutu temps qui ne passe pas. Impression d'être amputé des deux jambes tellement les fourmis sont nombreuses. L'amour, c'est ce jour-là que tout bascula pour moi, j'avais 14 ans et je tombai amoureux. Un drame, un amour sans retour, une base pour ma future vie affective. Je ne peux lui en vouloir, elle n'y pouvait rien. D'ailleurs, elle aussi au même moment connaissait un amour sans retour. Un an plus tard, je pris mon premier verre d'alcool, et la sensation me fut si agréable que je recommençai le lendemain, puis le surlendemain, j'avais trouvé l'amour de ma vie. Avec un retour. Un amour réciproque qui ne me lâcherait pas de sitôt. Aujourd'hui, quatrième jour d'abstinence, je suis parti en guerre, une lutte de la seconde, pas de relâche, rien ne me comble, et le désir s'enfuit. Je vis en guerre, des bombardements dans le cœur, et la tête sonnante, je survis du mieux que je peux. Des fois je me demande comment celle que j'aime aurait réagi si nous étions en temps de guerre, serait-elle revenue vers moi, aurait-elle eu envie de me voir ? Rien n'est certain. Ça me bouffe les entrailles des idées pareilles. Moi, je n'hésiterai pas une seconde, déjà en temps de paix, je suis là, toujours là. Quel gouffre ! Un ravin. Allons, n'y pensons plus. Putain, envie folle d'un verre. Cette nuit, me suis réveillé vers deux heures, j'ai rêvé qu'une souris me grignotait la cervelle, des lambeaux organiques gisaient sur le sol, du sang recouvrait le lit, et vivant mais scalpé, je regardais totalement abasourdi et décharné la petite souris gambader sur le sol, repue, elle se dirigeait vers Fout -Le-Camp. Il ne se réveilla pas, la souris eut beau faire de son mieux pour faire son intéressante, rien ne le perturba, il avait trop couru la veille. Fatigué le pépère. Et il ne m'aurait même pas défendu, je vous jure pour être une bonne pâte, c'est une bonne pâte. Tout de même, laisser son maître se faire engloutir la cervelle par une pauvre petite souris, il craint ce chien. Il craint, mais je l'aime. C'est mon chien. Mon seul et unique fidèle compagnon depuis l'arrêt de l'alcool. De toute façon, moi aussi je crains, nous sommes deux craignos, et nous nous aimons. Le reste je m'en balance. Ah il vient juste de relever la tête de son panier qui n'est rien d'autre que le canapé du salon, il s'emmerde pas, pourquoi le ferait-il ? T'as envie de sortir Fout-Le-Camp ? T'as faim ? ça me fait penser que je n'ai rien avalé depuis 3 jours, aucune sensation de faim, envie de vomir. Je sors. Avec Fout-Le-Camp.

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