JOURNAL DE NUIT DU QUÉBEC - 2
suemai
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MONTRÉAL-NORD - 06-11-2015
23h10/QUÉBEC – 5h10/FRANCE
Bizarre de journée et pas du même coup. J'ai terminé le second volet de l'épisode trois des Bounty Hunter. Mais je vais devoir écrire un dernier chapitre. Pas mal de sexe, comme toujours, mais l'action se prépare. J'ai déjà débuté. Ça va saigner. Oups… je veux dire que trois filles et un mec, aux commandes de webcams, vont venir à bout dune quinzaine d'anciens militaires, des tueurs les gars. Mais il y a toujours un prix à payer… l'action se situe entre 1967 et 1975. C'est la grande période du mouvement Hippie. Des festivals de Monterrey pop et des Woodstock. Plutôt intéressant, enfin j'crois, bien documenté. Une commande. Je tairai le nom de ce membre de short. Mais j'rame^^
Vers les 14h45 – 15h. J'ai fait ce dont on parlait hier. Plongée sous-marine. Cette fois en solo. Normalement on fait à trois. Ben si accident, un qui reste avec le blessé et l'autre qui remonte pour les secours. Une règle fondamentale que j'ai enfreinte. C'est la guillotine familiale qui m'attend. Génial, ni André, ni Swager vont vouloir ma mort. Au pire, pénalité au grenier sans scotch. Bof, une cure de désintoxe ::--))
Le sac à bonbonnes, une fois bien endossés, c'est portable. Les nouveaux trucs. Trois compartiments, d'un plastique rigide, contenant, l'oxygène, on s'entend que c'est de l'air avec un soupçon d'oxygène pure, sinon c'est : «Oh comme la vie elle est belle…» Le tout relié à l'embouchure. Combinaison isolante, palme intégrée, gants à grippe, Bon le truc sécure max. Naturellement Flox aboie comme si j'étais déjà morte. Je suis du coté falaise. Je me laisse glisser. Là c'est plutôt génial. Pas question de descendre plus bas que 15 mètres. J'ai une montre (fait tout), intégrant un altimètre. Je nage, enfin je palme. C'est fou la quantité de silences qui existent dans le monde. Là c'est le contact de l'eau avec le bloup de ma respiration et une noirceur qui s'accentue en descendant. Effectivement, je n'aperçois pas le fond, mais j'ai des plats, de petites surfaces qui me permettent de faire des arrêts. Là il y a un genre de fougères, ce sont des algues qui ne sont pas grugées par les sels marins, il me semble. À un moment donné, j'ai cru apercevoir une concrétion. C'était rouge et ça se dandinait. Mais vraiment trop creux. Ya du lichen sur la roche, bizarre. Je ne savais pas que ça vivais sous l'eau, du moins je n'y ai jamais porté attention. Quelques poissons, des carpes surtout. Quelques perchaudes en banc de six à dix. Une truite grise qui m'a draguée je crois. Pourtant la truite grise nage à grande profondeur. Alors c'est ainsi pendant une heure à écouter ce … mais c'est con, on n'écoute pas le silence, on le vit c'est tout. Mais je flottais dans tous les sens du terme. C'est fou cet état d'apesanteur. C'est si creux tout au fond. Et dire que tout se passe à cet endroit, le grand festin d'un lac se préparant à congeler. Pratiquement la danse des icebergs. Ma jauge indique que les bonbonnes sont toujours pleines. Je m'étends sur le dos et je me laisse porter. Magique. Bel endroit pour mourir et s'y faire ennoyer.
Comme je me porte bien, je décide de refaire surface pour ne pas tenter le diable. Dès que je sors la tête de l'eau, j'entends Flox hurler avec les loups. Le soleil tombe. Tout juste le temps de me sécher et de revenir at home. Au retour, je vérifie la tanière de mes copains. Soudain je vois un renard qui me fixe. On se regarde l'équivalent d'une seconde et hop dans le terrier. Je rigole, il était tout mignon. Je rentre. Pour se faire pardonner, Flox me ramène mes Davidoffs dans sa bouche dégoulinante. Heureusement les cigarillos sont intacts. Je passe la boîte au sopalin, ici on dit essuie-tout. Les buches du poêle brulent toujours. J'en rajoute, du merisier. J'ai faim, je crois. Au menu, pâté chinois. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s'agit de viande haché de maïs et de purée de patates. Tout est empilé par étage et gratiné. Excellent. Une recette typique d'ici. Le chinois, vous aurez compris, c'est pour le maïs jaune. Je trouve ça juste amusant et bon. Un repas pour les démunis, qui est devenu célèbre.
Je cale des litres d'eau. Je me fais un petit bol de chips, toujours les mêmes et je monte vous écrire. Là il faudra que je demande à André de me préciser ce que j'ai vu et que je ne connais pas. Ce sera pour demain que je vous ferai la nomenclature. Un feu. Ais-je besoin de le mentionner, un scotch double et me voici à vous taper la vérité. Je le dis pour ceux qui croient à une jolie histoire un peu crédible. Écrirais-je pour la thomaserie française. Mais non, un gag voyons. J'aime mon île et mon île m'aime Dès que je termine, je me relie pour ajuster et je colle tout au haut. Ensuite, ensuite… j'aimerais un film je crois, mais pas n'importe quoi, un truc plus, plus… voilà «Talons et Aiguilles, Almodovar.» Magnifique. Je vous le conseille. Du cinéma d'auteur accessible. Ou encore Volver, Pénélope Cruz elle me fait … hum, craquer. J'ai tout sur USB. Un peu d'air avant, la nuit qui me joue la calme. Bien, c'était moi. La fille de feu (::--)), comme me nomme certain(e)), perdue quelque part dans le vaste monde du Québec.
Un gros bisou à tous, il devrait arriver au bon moment ce texte. +++ Sophie
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MONTRÉAL-NORD - 05-11-2015
23h50/QUÉBEC – 5h50/FRANCE
Tout en lisant aujourd'hui, il m'est venu l'envie de vous parler psycho-linguistique. Pas très intéressant comme sujet. Me revoilà sur l'île, seule. Flox qui ronfle comme toujours. Ce fut un départ d'adieux. Tout de même, l'île n'est qu'à 750 mètres de la maison. Je fais toujours le trajet à la nage, l'été. Je me suis équipée d'une bonne combinaison de plongée. C'est confortable. Pour ceux qui ne connaissent pas, une couche d'eau se forme entre le tissu et la peau. Cette eau prend rapidement la température du corps et le maintien. Ça va me permettre des folies.
Comme je disais hier, le s…… et les c…… m'ont gentiment suivie. Non, j'ai dû tout camoufler. Après inspection et en trichant, un tout, tout, tout petit peu, j'ai légalisé auprès de la douane. André rigolait. Il était le passeur. Martin, le plus hardi, mais le plus terrifié par mon trompe-la-mort, m'a laissée sur la berge. Nous avons transporté le matos à l'intérieur et après quelques bises, il s'en est reparti.
Le lac est mouvementé comme s'il craignait quelque chose de pire que l'hiver. Martin l'a aussi remarqué. Un sifflement se fait entendre un peu partout. Si je ferme les yeux et que je me projette dans un film d'horreur, et bien, je me mets à rigoler pour vrai. Les films d'horreur, c'est pas mon truc.
J'ai déplacé ma table de travail face au feu. C'est bon. Le crépitement des flammes, pour moi, ça ressemble à un gazouillis. Par contre, j'avoue ne jamais avoir reconnu l'oiseau émetteur. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que ce n'est pas un oiseau migrateur. Non, promis, je ne retombe pas dans mon délire. Je bois modérément, je fume énormément. D'ailleurs, je vais manquer de Davidoffs, André doit m'en acheter. André par ci, André par là, il demeure omniprésent dans ma vie. Un pilier.
Émilie, Cindy et Liliane m'ont concocté de petits contenants de nourriture, regroupés en sections et m'identifiant ce que je dois ingurgiter chaque jour. Une enfant, je me sens. Un gros bébé. Mais si. Je leur en donne aussi beaucoup. On s'adore et on prend soin les uns des autres.
Evelyne me semblait triste avant mon départ. C'est la maman de Swager, l'amante de mon père et donc Swager devient mon demi-frère. Je vous avais dit que je vous parlerais de la famille. Ce sera pour bientôt. Je désire prendre des notes, pour ne rien oublier.
Je vais ajouter une bûche, l'humidité gagne du terrain. Donc Evelyne, je vais passer quelques jours avec elle. Je l'aime beaucoup. Elle a préservé beaucoup de mon père. Elle conserve encore son odeur; les petites saveurs à l'orange ou à la pistache, ce que j'aime les glaces à la pistache, de menthe fraiche et de sardines. Mais non pas de sardines, c'est beurk. Je dirais d'un mousseaux vieux de mille ans et qui nous enterrera. Une grande musicienne qu'Evelyne. Elle improvise n'importe quoi et son jeu me rappelle celui de M… non, je laisse tomber. Désolée, c'est obsessionnel, un job de psy en perspective.
Je vous ai déjà raconté que Swager a bu, sans le savoir, un trompe-la-mort. C'était lors d'un tournoi de billard. Il fallait le voir jouer, phénoménal. Les tables se vidaient une à une. Un véritable prodige, sauf que… il a passé 3 jours sans dormir et que Julie s'est retrouvée, la pauvre, fort mal en point. Je m'en suis voulu. Mais qu'est-ce qu'on a rigolé.
Finalement je parle toujours de la famille. Je veux vivre seule et voilà qu'ils me manquent. La petit Mystrel, la petite fille de Cindy et de Francis, indirectement de Francis si vous voyez, bien, je m'en ennuie déjà. Chaque matin, ou presque, elle monte au grenier et s'étend tout au coté de moi. Le seul problème, c'est qu'elle me pose une question aux cinq secondes. Pourquoi ceci, pourquoi cela, je vous laisse imaginer. Nous avons déjà débuté les leçons de piano. Elle adore la musique contemporaine, très, très contemporaine.
Qu'est-ce que je fais demain. Bien, vérifier, grâce à Flox au flair légendaire, si mes petits amis sont bien terrés et leur donner un peu de bouffe du même coup. Je vais tester la combinaison. J'ai tout ce qui faut pour de la plongée. J'ai occupé Martin le temps de piller le bateau. Ce que c'est lourd les bonbonnes hors de l'eau. J'ai tout. La flore du lac à cet endroit est magnifique. Ce sera pour demain. Le feu se meurt et moi aussi. Je rallume le tout, je mets le chauffage d'appoint et je m'endors sans crier gare. La nuit ne me résistera pas.
Je pense à vous et réellement. Ici je ne suis plus folle, je suis bien. Alors une super de journée et j'essaierai d'obtenir la recette du trompe-la-mort, et vous la transmettre, si ça vous dit… et pour les irréductibles ensommeillés. Grosse bise à tous, Sophie.
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MONTRÉAL-NORD - 03-11-2015
22h50/QUÉBEC – 4h50/FRANCE
alô, il semble que l'automne refuse de se transformer en hiver. Je compatis, mais où vont les saisons quant elles ne servent plus ? Sacré question…C'est angoissant. Pourtant, l'hiver vient tout juste de sévir : heure normal, la noirceur nous tombe dessus… ouche… tôt. Ça fait un moment. J'entre à peine. Flox et moi avons pris un peu d'air. C'est bien les jambes indolentes, toutes molles, qui ne cherchent pas du solide. Un bon petit/gros vent. Génial pour vous fouetter les sangs et faire brûler vos cigarillos plus rapidement. Un petit scotch, histoire de se tenir au chaud… je sais… c'est la pirouette de tous buveurs, mais enfin. Passons.
Bon allons-y, posez-moi vos questions… Comment je me sens ? Ben ça… là plus du tout. Je scotche un peu partout. Le jeu de mots (gnègnègnè). Ok, ça va mal. Pas très éloquent. Ok, ça va bien. Vous ne me croyez pas, là je vous comprends. Donc, je ne sens plus rien, serait de mise. Comment Pourquoi…? Ben j'sais-tu moi. Tiens le cafard, c'est pas mal… non ! Comment non… Ok, vous me la jouez serrée. Hein, hein, hein. Non, please, pas cette nuit et en plus je vous entends ronfler, vous ne saviez pas han ! Désolée, quel manque de savoir vivre. Pourquoi on ne dit jamais un manque de savoir mourir ? Sûrement un secret de cachalot. Oui… oui…! De cachalot. C'est difficile à faire parler un cachalot. Une baleine ? Houlà, ça fait peur ça! Je veux dire le mot. Bon une question de perception; tout comme le chat de ce pauvre Mr. Arnaud. Une petite minute, je me sers un verre, pas long je re … … … … … … … Flox, tu ne vas pas te mettre au scotch, tu vas me couter la peau des fesses. Oh la bourde!!! Ben… j'ai fait comme Yana et, mais là vous oubliez l'Barry, juste les fesses. Pas mal. J'ai pas le plus beau cul, mais pas le plus laid, donc, on pourrait dire : Un cul d'cafard. Ha! J'oubliais! Grande, trèèèès grande nouvelle, vous d'vinez pas ? Je reprends qu'en janvier, si j'crève pas avant. Hum, finalement… y'a pas que du mauvais dans le vrai grand silence. Au pieu à longueur de journées, pas de pyjama, pas de douches, pas de rinçage de cheveux, pas de trompe-la-mort, pas de … bon, pas de quoi, merci. Vous vous y perdez ? Moi-aussi. Onezim va nous apparaitre, avec ses trottoirs géants. Flute, j'vais faire des cauchemars. Comment, Impossible ? Pourquoi ? «Dsfgip fspi ib ipsofip spfo.» Ah, je comprends mieux, merci. J'ai pris du poids, et oui ! Comment ça ? J'sais pas… tiens, le manque de stress… mais non que je ne marche pas au plafond, c'est quoi l'truc. J'passe pour une dingue. Bon, c'est vrai. Pas toujours équilibrée la fille.
Le trompe-la-mort, c'est un café, mon café du matin. Martin soutient, mordicus, que c'est de l'acide sulfurique dilué. Sulfureuse que je lui crie, le voilà qui cavale. Non soyons sérieuses; ne reste qu'Émilie et moi. Le trompe-la-mort, ben c'est un machin de Cindy et d'Émilie. Une mixture très dangereuse, et à absorber avec extincteur et mode d'emploi, sinon on risque la cata. C'est mon petit café matinal. Sans ça, je veg… vegetable… léguminise.
D'accord, je cesse de débloquer. J'ai le feu vert pour l'île demain. Un feu rouge, c'est préférable, je sais... mais dans ce cas-ci, nous ferons une exception. Non, pas pour ramasser les feuilles. Je vais refaire du solitaire. Un excellent régime cérébral, plutôt neurololo, enfin comme vous le sentez, hein.
C'est beau, ça sent ce qu'on veut. Ça vous tricote la chevelure. Entière satisfaction, c'est garantie. Faut que je vérifie si mes copains ont creusé… mais non, pas leur tombe. Demain l'île, des livres, de la musique, des c… et du s… et, bien entendu, le, la un,….. J'ai oublié.
Non, là je sais je vais vous perdre… vous me laissez une petite chance de me reprendre et demain je serai, lyrique et bucolique. Tiens, pas mal, bu = colique. Nouveau dico des tits mots. Donc demain, un fidèle compte-rendu de l'avant hiver. L'automne prolongé. L'arène des saisons. Tiens, je repose ma question : «Où vont les saisons quant elles ne servent plus?» On médite + un trompe-la-mort + on échange demain. Une super journée mes cousines, cousins, de plus, j'en ai pas d'autres, uniques que vous êtes. Grosse bise, Sophie dans le +++ Hips !
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MONTRÉAL-NORD - 20-10-2015
23h35/QUÉBEC – 5h35/France
alô, l'automne au Québec. Le spectacle de la feuille multicolore reste impressionnant, même pour nous qui, année après année, le vivons. Rouge orangé, jaune œuf, vert feuille, demi-teintes et quelques coloris inusités, tout dépendant des régions, voilà à quoi ressemblent nos forêts, le temps de quelques semaines. Sous des vents mystérieux, ces petits bijoux s'envolent et flottent, virevoltants, ne sachant où se poser. Parfois se forment de minuscules typhons, qui les aspirent les font danser et donnent une impression d'apesanteur. Certains irréductibles résistent à l'envahisseur. Les conifères s'élèvent haut et majestueux, comme nous disant : Minute les cocos, vous nous aimerez davantage lorsque tombera la neige et que nous nous régalerons de ses flocons. Un sapin enneigé c'est magique. Un mariage unique, une pureté difficile à décrire. Il faut y être.
Là, la terre, le sol, cette verdure qui se prépare à mourir, libère des baumes, de subtiles odeurs encore une fois difficilement descriptibles. Le lichen, se marie à une eau refroidit et laisse un goût de tendresse aux arômes acides et un peu sauvage. Quelques lièvres creusent leur tanière tout comme le renard ou la marmotte. Les écureuils, un peu idiots, cachent, un peu partout, des noix qu'ils ne retrouveront jamais. De toute manière, ils se nourriront, comme plusieurs espèces, de cocottes de pins de sapins. Une cocotte étant un fruit contenant de multitudes de petites graines comestibles.
Ici, lorsque je marche le long des sentiers, du coté maison et non de l'île, en fermant les yeux, j'entends la terre respirer. Elle embaume et chante. Un chant d'automne c'est une cacophonie dont on ne peut plus se passer. J'ai des recoins qui me sont propres, enfin qui devraient l'être, on me traque toujours l'été. Je les visites beaucoup durant cette période. Une petite glace se forme ici et là. Mon magnifique rocher est inondé et refroidit. Ça me donne l'impression que les lieux me quittent. Souvent, munie de haute botte de caoutchouc, je marche lentement au travers de mes oasis qui se referment sur eux comme des huitres. Souvent je m'assois sur une roche haute et je ne bouge pas, je laisse la nature et les animaux et l'air et le soleil se concerter pour nous concocter le plus bel hiver à venir. Je touche tout de la main et je respire. Ça sent bon quelque chose qui nous appartient. J'aimerais vous dire, mais il s'agit souvent de petites strates dégageant, chacune, un parfum plus qu'éphémère. Oups, je marche lentement et je bloque. Un magnifique chevreuil pointe son museau un peu partout. Il cherche sa famille ou encore, à quoi manger, où s'informe-t-il, auprès des arbres, de la rudeur de l'hiver qui vient. Il est magnifique d'un brun doré à petites tâches blanches. Souvent la famille apparait. Là c'est la grâce à l'état pur. Une démarche de princesses et de princes. (J'ai voulu prendre des cours un jour, mais j'ai été recalée^^). Si on pose la main sur le sol, on sent une terre encore souple, mais qui se durcit lentement. La terre nous abandonne, mais la neige nous prendra en otage. Si douce et blanche prison. Je vous parlerai le temps venu de l'hiver de ce ciel d'un bleu «Miles» et d'un soleil éclatant brulant d'amour pour sa froidure.
Je terminerai avec les bruits, ces bruissements uniques au monde. Ça craque, mais pas de n'importe quoi : La feuille craquante, à des niveaux de sons divers, dû aux diverses déshydratations. La branche, qui joue à cache cache et imprévisible. Ses extrémités sont encore vertes, mais son centre, déjà mort. Cette branche va mourir et peut-être bruler, en nous nourrissant. L'odeur d'humus, de fruits séchés, d'odeurs d'amandes de filets de sapin, de feu d'intérieur. Toutes ces odeurs apparaissant là, comme par magie. Le bruit de la main écartant un petit bosquet. Le bruit de nos respirations accompagnées de ce givre, petit frimas que notre haleine fait surgir. Les bruits d'ailleurs non identifiés. Le bruit de ceux qui pleurent en douceur, voyant l'été s'envoler. Le bruit de nos cœurs accompagnant les premiers soubresauts des lamentations de la terre. Tout ça c'est beau, mais c'est triste. L'image de la mort pour tous. Le froissement des ailes des oiseaux migrateurs qui s'envolent en silence, tout comme nous, malheureux de quitter les lieux. Une pie bavarde qui s'attarde. Toute cette cacophonie d'un grand opéra inédit. De l'automne naitra l'hiver qui cédera sa place au printemps et terminera son cycle à l'été. Puis, ça se répète sans fin. Cette année les castors nous préparent quelques barrages. Ils ont inventé l'art du tissage, pour sûre. Ils sont beaux avec leur tête de rat et leur queue aussi plate qu'un aviron. Des incisives incroyables, de petits yeux qui voient tout.
Nous voilà revenus à la maison. Un feu brûle. Chaque buche a son odeur. Je préfère le merisier. Accoudée, les flammes me caressent la pensée, Swager se rapproche. Il me masse le dos. C'est bon. André nous offre une coupe de vin. Comme j'ai raté mon concert d'hier, il aura lieu aujourd'hui.
On sort le piano de sa cachette. On le place aux endroits marqués. Je m'assois. Je ne sais pas ce que je vais jouer. J'entends soudain les sons d'un Alto et d'un violon. Evelyne et Julie au rendez-vous, une petite surprise. Blue in green, ma préférée de l'album Kind of blue, est déjà entamée. Je m'insère et je ressens Miles s'infiltrer dans mes doigts. Je lui laisse prendre possession de tout. Le velouté et le chatoyant acier, au rendez-vous. Visions d'automne naitra bientôt. Je l'entends déjà, gémissant les notes de ma tristesse.