Jours de pluie (Dr Forlen)

Caïn Bates

       Рай, 3ème jour de l'an 0, jour de pluie. Cela fait quelques heures que l'on entends des moteurs d'avions vrombrirent encore et encore. Ma femme et moi sommes réfugiés avec d'autres familles dans un bunker enfoui sous un ancien goulag, l'air y est glacial et l'odeur de la mort semble flotter dans les couloirs de béton. Derrière la porte blindée, de nombreuses familles implorent qu'on les laissent entrer, ne serait ce que pour quelques heures, le temps de reprendre des forces dans un lieu sûr. Nous ne laissons entrer que les enfants et les couples de moins de 30 ans. Les autres mourront probablement à l'extérieur s'ils ne trouvent pas un refuge dans les jours qui viennent. 

      Malgré la tension et les mouvements de paniques, les enfants ne pleurent plus quand on les arrachent aux bras de leurs parents, les mères se séparent de leurs progénitures sans broncher, les pères se séparent même de leurs biens les plus précieux et de leurs vivres pour s'assurer que leurs filles et leurs fils ne manquent de rien. 

        Ce matin encore, j'ai vu l'un des volontaires à la surveillance donner un flacon de ciguë à un groupe venu demander asile, il a lâché un "Izvinitie" avant de refermer le battant du sas sous l'œil de deux autres réfugiés qui le tenaient en joue. Cet homme est désormais mort, les enfants ont trouvé sa dépouille dans un coin du dortoir, la tempe trouée. Pour plaisanter, certains ont proposés de le conserver au cas où on manquerait de nourriture, un jour nous serons peut être réduit à nous nourrir de chair humaine, c'est ignoble. 


       Рай, 24ème jour de l'an 0, second jour de tonnerre. Le sol tremble sous les bombardements incessants. La peur de voir le plafond ou l'un des murs de notre abri cédé est plus que palpable. Les premiers cas de stress post traumatiques commencent à apparaître. Nous enfermons les malades dans des salles exiguës comme du bétail, les malades mentaux sont sanglés à des chaises ou des lits de fortune avec des cordes et les ceintures des réfugiés. Je crois avoir décelé les prémices de la paranoïa chez l'un des gardes armés à l'entrée du bunker et, dans le doute, j'ai remplacé ses munitions par des simples douilles. 

         L'air devient presque irrespirable et il n'est pas rare de suffoquer dans les pièces les plus éloignées. Par sécurité, nous avons placés les enfants dans le dortoir le plus large pour éviter tout étouffement pendant le sommeil, les adultes se relayent le droit de dormir, certains tiennent à peine debout. Avec l'aide d'autres "colocataires", nous sommes parvenus à négocier le repos des femmes enceintes en échange de leurs heures de travail, malgré les tâches accumulées, le sourire de mon épouse m'aide à tenir. 


          Рай, jour inconnu, jour de pluie acide. Nos brancardiers sont revenus amochés, l'un d'eux est sévèrement brûlé au visage, un autre a été laissé à l'extérieur mais d'après l'équipe il ne pouvait plus marchait et vomissait du sang. Les bombardements avaient cessés au prix d'une zone ravagée par les radiations. Les trois blessés ont été amenés à l'infirmerie, des coups de feu ont retentis et la salle a été scellée.

        Nous avons perdu le compte des jours et nous ne savons pas depuis combien de temps nous sommes à l'intérieur ni combien de temps nous devrons encore y rester. Deux des cinq nourrissons accouchés ont péris peu après leurs naissance et la mère de l'un des survivants est très affaiblie, j'ai un très mauvais pressentiment quand au destin de mon enfant, ma femme devrait lui donner naissance d'ici peu 


         Рай, 4ème mois de l'an 0 (?), jour de pluie. Un groupe équipé de combinaisons antiradiations, trouvées dans un bureau, a mené une courte expédition. Du haut des collines avoisinantes, ils ont aperçu un bidonville au loin et un bombardier se poser à proximité. Les survivants n'avaient pas l'air de vraiment de se protéger des quelconques radiations, soit c'est bon signe, soit ils sont inconscients. Toutefois, je songe à sortir de cette prison aussi vite que possible, c'est devenu invivable ici. 

  

         Рай,  6ème mois de l'an 0, jour d'éclaircie. Au milieu du chaos, ma petite devushka est née, ma femme et moi l'avons donc appelée Nana. Et comme de nombreux pères avant moi, j'ai cédé l'essentiel de les biens pour que les médecins prennent grand soin d'elle.

                            
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        Capitale, 3 jours après l'incendie, jour de pluie. La milice bombarde les environs depuis presque deux jours. D'après les annonces, ils cherchent un certains Hobbes, une chasseuse nommée Diane et, bien sûr, le criminel récidiviste et ennemi public numéro un: moi, Alec Kraven. 

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