Juàrez Export Processing Zone

le_gallicaire_fantaisiste

La condition des femmes au Mexique - A la mémoire de madame Marisela ESCOBEDO. Respectueusement.


Juàrez Export Processing Zone,

Comment dormir tranquille sachant ce que je sais?


Juàrez Export Processing Zone,

Est-ce que tu peux imaginer ce cauchemar

Que l'on peut faire éveillée-vivante

Et puis l'instant d'après être tout à fait morte ?


Débarqué au mauvais port,

Je me suis redressé dans mon lit,

Toute la nuit j'ai eu froid,

Le dos glacé,

Le coeur rempli d'effroi.


Germé sur une terre avide,

Les roses de Juàrez ont fané,

Des centaines de jours maudits,

A jamais,

Toutes ces fleurs ont perdu leur parfum,


Juàrez Export Processing Zone,

Je me suis demandé pourquoi ?

Comment la vie peut être sacrifiée

Comme cela ?

Pour cela ?


Un petit va-et-vient d'un quart d'heure

A l`intérieur du corps d'une fille,

Qui ne veut pas de ce gars,

Une pauvre merde de frustré

qui veut satisfaire,

comme une envie de pisser,

Pour la drogue des cartels,

Pour le pacte signé par les griffes des autorités

De ne pas remuer la terre,

De passer un coup de râteau

De faire disparaître le faisceau des indices.


Et voilà seulement pour cela,

Soudain y'a plus rien d`elle,

Une vie humaine sans valeur marchande

La vie d'une pauvre fille des Maquiladoras,

Qui ne compte pas tant que ça,

Parce qu'on peut la prendre sans payer,

A Juàrez,


Ce fils de pute n`en a que l'apparence,

Mais y'a rien d'humain chez lui, 

Il est pareil à ce mec,

Qui revend sa drogue aux Zombies

Et qui leur tape dans le dos,

Comme un pote,

Ce sale fils de pute,


Elle est pourtant pas assez vieille,

Cette gosse Méxicaine,

Pour s'en aller comme ça,

Pour de la merde de drogue,

Pour soulager des porcs,


Je les vois ses grands yeux noirs

Sur les peintures murales qu'on a fait d'elle

Pour la chercher en vain,

La fille de Juàrez,

Ces grands yeux noirs peints,

Juste faits pour voir ce qui est beau et clair

Ces grands yeux noirs éteints,

Qui n'ont eu le temps que de voir le Mal

C'est clair,

On lui a fait tout le mal

Qu'on pouvait lui faire.


La Justice, la Police,

va se charger d'ignorer,

Les conclusions du FBI,

De saper le moral

Des témoins assistés,

sous menaces légitimes,

Cadavre mutilé par les Narco-trafiquants,

Je crois bien que cette fille,

Des zones franches du crime,

Ne va plus cesser de pleurer pour moi,

Dans une fosse intérieure de ma tête.


Jamais plus elle ne va rire

Pour moi,

Jamais plus elle ne va chanter,

Pour moi,

Et ni pour toi d'ailleurs,


C'est vrai, faut s'en féliciter :

On a bien de la chance,

C'est sûr de vivre ailleurs :

Cette fille mexicaine ne sait même plus respirer,

Puisque tout son corps s'est déjà mis à pourrir.


Juàrez Export Processing Zone

La parenthèse rêvée

Pour faire du fric,

Bienvenue à vous !

Aucun malaise,

Ici on tue les filles des Maquilas,

On sort les colis par derrière

Cache bien ta honte !

C'est le pays des assassins

De la misère rêvée


Partout dans la ville,

Pendus aux fenêtres,

Des rideaux pour occulter

L'impunité,


Et tout ce qui se voit trop,

Comme la corruption,

C'est pas la peine d'en parler,


Y'a des Maires qui évoquent des salopes,

Qui s'habillent ras de la moule,

C'est pour ça qu'on les a violé,

Il paraît qu'elles l'ont bien cherché,

A tous les prix,

C'est les filles qu'il faut charger.


Oh combien je voudrais pouvoir savoir,

Savoir comment consoler cette fille

Dans cette éternité où ils l`ont traîné,

Là-bas, toute seule,

Perdue dans le désert,

Avant cela, c'était rien qu'une gamine.


A midi, les cloches vont s`envoler

Je sais qu'elles vont sonner pour elles,

Dans le vent.


Et je me répète pour bercer sa peine,

Qu'il n'y a pas de frontière pour livrer bataille,

Sa peine c'est aussi la mienne,

Face à l'injustice.


 Est-ce que tu peux les entendre comme moi,

Quand elles sonnent si fort ces cloches à midi?

Je voudrais que tu écoutes,

Je voudrais que tu les entende,

Ces gosses qui jouaient, qui riaient, qui chantaient,

Je rêve qu'on puisse protéger ces filles,

Qu'on soigne la mémoire de toutes celles,

Qui ne sont déjà plus là...


Juàrez Export Processing Zone

J`ai monté le son de la radio

Pour couvrir les voix des supplications

Parce que tu vois,

J`avais la nausée

Et j`ai vomi mes tripes

Sur mon drap blanc

Tout du long,

Toute la nuit,

Allongé contre son linceul,

j'essayais de me réchauffer,

Pour elle.


Juàrez Export Processing Zone

J'étais plongé dans le silence,

J'ai digéré l'horreur,

J'ai dit,

Il faut la recracher,

Il faut les balancer.


Je me suis répété mille cinq cent fois

En hurlant dans ma tête,

Faut pas lâcher,

Faut pas qu'on lâche,

Ce n`est pas un sort encore possible,

N'importe où dans le monde,

Ces choses que font des monstres,

Bad Game, Bad Trip,


Juàrez Export Processing Zone

Mais pourtant si,

Pour certaines filles au Mexique,


Et les rires et les rêves se sont éteints,

Soufflés comme les cierges dans toutes les églises,

à la FOI, un affront,

A cause de toutes ces croix noires sur fond rose.


Juàrez Export Processing Zone

J`ai écouté ce type corrompu

Qui a saisi le micro

Fallait qu`il parle vite fait,

Qu`il éteigne les braises,


Lui c'était un notable.

Il s`est mis a raconté une histoire,

Il a parlé d'une " légende noire "

Quand la justice se défausse,

Mais y'a tout ce qu`on a ressorti des fosses,

A Campo Algodonero,

A Lote Bravo,

A Lomas de Poleo,

A Arroyo Navajo,...


De l'autre côté de la rue,

Les mères des filles peignaient à nouveau

des croix noires sur les poteaux,

Dans toute la ville. 

Ça faisait beaucoup de filles,

Portées disparues,

Ou bien retrouvées tuées,

Et pour chacune une mère,

Qui trimbalait un pinceau,

Plus que ça, pour lui parler toujours :

«  Nuestras Hijas de regreso a casa ! »

« Nos filles doivent rentrer à la maison !»


Et puis juste derrière les mères,

Une procession de militaires,

qui repassait  pour y flanquer,

Un masque de peinture,

Il est toujours question de les faire taire

Comme leurs filles,


Pas question qu'on en parle,

Le vent de l'impunité soufflait plus fort,

Encore plus fort ce jour-là dans les rues,


Les journaux annonçaient,

Que le Pape s'apprêtait à redescendre sur terre,

Pour marcher dans l'ignorance,

Sur les corps des filles allongées,


Elles étaient toutes enchevêtrées,

recroquevillées-brûlées,

sous ses pieds,

Avec cette odeur de sainteté,

Qu'on sent depuis longtemps,

A Juàrez,


Juàrez Export Processing Zone

Alors les voilà toutes,

Presque entièrement recouvertes,

Du voile de l'indifférence,

Au nord du Mexique.


J`ai revu ces petites jusqu'à 13 ans,

Souriantes sur leurs vélos à carriole,

Elles baladaient leurs croix,

Leurs joues étaient roses,

En dessinant des arabesques,

Sur le sable qui revient du désert.


Tu le crois ?

Elles les portaient là-bas sans le savoir,

Et j'ai cru que j'allais en crever à mon tour,

En regardant toutes ces croix plantées,

Un peu partout dans cette ville,

Et qui étaient revenues sans ces filles,

Après.


Est-ce que le vent de l'impunité,

Va continuer de souffler plus fort ?


Est-ce que le vent de l'impunité,

Va toujours être le plus fort ?


Je me suis retourné vers elles toutes,

Elles qui n`étaient plus là,

Et il restait  toi :

Tu n'es pas capable de séduire une fille,

Sale bête vautrée, armée,

Tu te vides de la mort putride qui est en toi,

En prenant ton air fier,

Ton air de Zéro qui engendre la mort

Plutôt que la vie,

Tu tues les enfants des bidonvilles

Pour impressionner,

Pour t'amuser,

Tu rêves jour et nuit de les terroriser,

Tu les menaces comme un lâche,

Tu n'as que  le courage que te conférent tes armes,

Tu redoutes qu'on t'attrape,

Et tu achètes le silence sans sauver ton âme. 


Juàrez Export Processing Zone

Je veux crier partout,

Comme ces filles et ces mères,

Ce que tu es vraiment. 

Je veux passer  la frontière,

Emporter dans le vent le son des cloches,

Et le visage des enfants.


Moi,

Tu ne peux pas  m'en empécher.


Moi,

Je vais courrir le dire au monde entier.


Je vais le faire pour l'espoir,

Je vais le faire pour lutter contre toi,

Pour que la justice remporte la victoire

Pour qu'elle te fasse perdre ta guerre !


Je vais chercher le relais d'autres voix,

Et alors celles des filles,

Que tu as cru faire taire,

Vont de nouveau résonner,


Et puis,

Je vais faire courrir ce bruit si puissament,

Qu'un jour tu seras démasqué,

Chacune des croix que tu as voulu cacher,

Alors réapparaitra pour te faire affront,

Je me réjouis d'avance de ton effroi à toi,

Condamné devant les hommes,

Condamné devant Dieu surtout,

Ce n'est qu'une question de temps,

Pour te confronter à tes crimes.


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