Julien ou la Fatalité.

Florent Lassale

La justice l'emporte toujours de l'intérieur à la fin. Tout est crime et châtiment.


 

    Ce que Julien ignorait avant cette aventure, c’est à quel point le destin revêt le masque du hasard pour nous jouer ses plus fameux tours. Il ne pouvait se douter ni comment, ni à quel point, la fatalité qui se moque des forces sociales, la fatalité qui fait fi des coutumes et des obstinations personnelles l’attendait au coin d’une rue, grimée et capée sous le costume de l’impensable pour lui ménager une rencontre qui changerait sa vie à jamais.

Pour l’instant, il avait à peine cinq minutes pour remonter à pied le Boulevard de Magenta en travaux et il fallait qu’il soit à l’heure à son rendez-vous avec sa cliente rue du Chevalier de la Barre. Une visite délicate comme d’habitude.

Le principe pour Julien qui en retirait le salaire princier de mille soixante-douze Euros nets par mois était de mettre en relation des gens qui pour certains refusaient, voire méprisaient par conviction les intermédiaires et de leur faire néanmoins conclure des affaires par son entremise.

Le reste du temps, il passait ainsi ses journées dans un bureau sombre et sans fenêtres où dépérissaient deux plantes en pot pendant qu’il téléphonait à des gens qui mettaient en vente leurs biens immobiliers dans des journaux d’annonces réservés aux particuliers. De sorte qu’il lui arrivait presque tout le temps de tomber sur des interlocuteurs fulminants d’apprendre qu’il les contactait au nom d’une agence. Le boulot était l’exploitation rationnelle d’une crise de nerfs perpétuelle. Il fallait essuyer avec le sourire des refus impolis et des vexations répétées pour arracher à force de cajoleries un rendez-vous pour les clients de l’agence.

  Au début, le boss, Mr Rogolade, créature chétive et rouée, située entre le notaire et l’aigrefin, lui avait fait miroiter des perspectives de commissions fabuleuses et lui avait promis monts et Béhèmdoublevés d’ici la fin de l’année. Mais depuis huit mois les mirobolantes promesses tardaient à se concrétiser dans le plan de la réalité.

En attendant, il marchait toujours à pied, prisonnier d’un costume de mauvaise coupe étroit et terne aux pantalons trop courts qui exhibaient piteusement ses chaussettes en faux fil d’Ecosse sous des souliers de ville fatigués. Il sentait un point froid sur sa peau à l’endroit où la semelle était trouée au pied droit. Heureusement, il ne pleuvait pas aujourd’hui et ses orteils resteraient au sec.

Il n’imaginait pas lorsqu’il était gamin que l’âge adulte serait si pénible et les chaussures si fragiles. A vingt-cinq ans, Julien se pensait pauvre, digne et pas dupe, même s’il sentait bien l’expression d’une sorte d’injustice qui dépassait ses facultés dans tout cela. Les relations lui manquaient aussi, et il n’était ni beau, ni imposant, et ne possédait pas la verve confiante de ceux que le succès distingue d’une automatique allégeance. A peine avait-il réalisé il y a trois semaines maintenant, une petite vente sur un deux pièces dans un quartier sans grandeur et dont il attendait encore le versement de sa commission.

Il pressait le pas sous le soleil d’avril. Une douce après-midi de printemps. Un beau ciel limpide et bleu qui appartenait à tout le monde déroulait sa magnificence et cette pensée le revigora pour lui rendre un peu de la vigueur qui lui manquait. Car il manquait de sommeil. Il pensait qu’il aurait bien dormi un million d’année s’il avait pu s’écouter.

Ses nuits devenaient courtes en fin de semaine lorsque le désir de vivre se mettait à le dévorer. Il allait les jeudis et vendredis après le travail s’enivrer dans les bistrots de la Butte au pied de laquelle il occupait en célibataire une petite studette de douze mètres carrés. Là il tentait d’enrôler dans sa sexualité ridicule des filles pleines de vie et de complexité pour  finalement passer ses week-ends à récupérer de ses cuites et à se consoler de ses retours solitaires.

 Il n’avait ainsi et par la force des choses, ni femme, ni petite amie, pas même de copines pour le badinage. La psychologie féminine lui était finalement tout à fait imperméable. La vie, et son sens secret, a fortiori, lui était encore plus imperméable. Il se sentait comme la caricature d’un de ces personnages du nouveau roman désœuvré : triste et frustré, écrasé et dépassé par une mécanique sociale qui lui était la plupart du temps incompréhensible. Par certains moments cependant, il se sentait pourtant presque concerné, prêt à en découdre avec l’iniquité des choses et puis l’idée lui passait gentiment avec une sorte de honteuse résignation et une petite nausée. Comme une crise de foie, et puis, il se mettait à songer à autre chose. En résumé, un jeune presque normal dans une époque presque prospère.

  

Ainsi tandis que Julien guidait sa barque d’un pas brave et obstiné, à quelques encablures de là, se nouait un autre drame qui attendait de se solidariser au sien.

    

    Elle s’appelait Kate. Elle était américaine et radieuse. Elle mesurait un mètre soixante dix-neuf et déployait à chaque mouvement la magie d’une silhouette ensorcelante. Elle possédait cette grâce native des élus de ce temps qui les projettent sur les couvertures des magazines et leur permet de nouer de solides et lucratives relations. Elle pleurait dans un mouchoir Comme des Garçons qui lui avait été offert sur le dernier défilé où elle avait travaillé. Même lorsque ses yeux étaient rougis par le chagrin et son visage endeuillé par la tristesse, elle restait belle.

    Elle regardait la flèche du Sacré-Cœur et la sentait transpercer son sein. Elle souffrait comme souffrent les âmes d’élites. En solo et de façon abusivement absolue. Son chagrin emportait avec lui la terre et un ciel trop pur pour ne pas être douloureux dans ce moment où l’idée même de pureté avait déserté l’univers tout entier. L’éclat du soleil qui noyait la pièce en entrant par la grande baie vitrée de son loft ne parvenait pas à réchauffer son âme en proie aux frissons du désespoir. Elle se sentait abandonnée, manipulée, avec le sens que prend ce mot lorsqu’il s’applique à une femme désirable et qui s’est laissée désirer.

Elle se sentait mutilée de cette amour qu’elle avait offert en présent à un petit salaud de rocker, à une petite chimère hollywoodienne qui l’avait laissé rancir à Paris au son des accordéons roumains tandis qu’il se faisait serrer par les tabloïds en train d'embrasser une pute portoricaine sur Mulholland drive.

Elle frappa, coléreuse, du plat de la main sur la table basse replaça le verre à pied qui venait de tomber et se resservit le fond de ce champagne tourné du magnum rescapé de la soirée d’hier.

Elle se remit à pleurer et ses larmes coulaient dans le champagne éventé. Des larmes acides qui brûlaient ses joues et voilaient la lumière de ses grands yeux bleus chamarrés de paillettes dorées. Elle entendit alors Sabrina qui était à côté en train de ranger le foutoir que la bande avait laissé derrière eux la veille et, comme elle voulait être seule, lui donna congé jusqu’au lendemain.

Sabrina la regarda drôlement lorsqu’elle la releva de son travail et insista pour rester avec elle, mais cette sollicitude l’irritait et Kate refusa froidement.

Sabrina partie, elle se retrouva seule, comme on l’est tous, se disait-elle. Elle fit coulisser la grande fenêtre respira un peu l’air de la butte, s’en retourna prendre le dernier Magnum de Mumm qui dormait dans le réfrigérateur puis alla s’asseoir en tailleur sur la moquette épaisse du salon, le visage inondé de soleil et plaça la bouteille glacée entre ses cuisses puis elle fit sauter le bouchon.

 Mais le soleil fut obscurci par un nuage et le champagne ne fit que nourrir un peu plus sa mélancolie, la bouteille était vide maintenant, le salon s'était rempli d’une vilaine lumière grise et elle était assise au bord d’un gouffre qui rappelait la vie mais n’était pas la vie. Un abîme sombre dont le fond insondable renvoyait des rêves d’une jeune fille l’écho lugubre de ses illusions perdues.

    Éperdue, la douleur dans la poitrine comme un feu liquide, elle repensait à l’humiliation subie. Pour retourner le fer dans la plaie, elle souleva l’épais coussin du fauteuil et en extirpa le magazine honni. Les photos policières de Ted, les menottes aux poings, avec cette tapineuse était trop insupportables, elle déchira la couverture avec ses mains, un de ses ongle cassa, elle continua, en larmes, avec ses dents.

Elle devait faire cesser tout cela, elle devait faire taire sa douleur. « ô toi ma douleur, tiens-toi tranquille » lui avait récité un soir un gentil petit looser rencontré rue de Clignancourt. Ah comme ces poètes français savaient dire ces choses et comprenaient quel fer odieux fouaillait dans sa poitrine ! Elle voulait en finir, se venger. Punir ! Punir ! Punir ! Elle voulait régurgiter la vie de ce corps trop splendide pour se venger d’un monde trop dégueulasse. Elle voulait du gâchis, elle voulait se profaner, insulter le ciel de lui avoir tant donné pour rien d’autre que souffrance et humiliation.

Comme les autres, pire que les autres ! Elle n’y tint plus. L’image de Ted et de sa putain passa devant le drapé noir de son esprit. Le titre du magazine comme une enseigne lumineuse dégoûtante ne cessait de clignoter. La trahison à son paroxysme pulvérisa le dernier vestige d’amour-propre qui tenait encore en elle.

Alors, dans un bond où la beauté le disputait à la noble souffrance, elle sauta dans le vide depuis le cinquième étage de son loft de la rue du Chevalier de la Barre….

C’est à cet instant précis où son corps sublime et nacré allait rougir l’ingrat pavé parisien que la main d’un ange, ou peut-être celle d’un démon, poussa Julien sur sa trajectoire.

    Pour Julien évidemment ce fut le coup de foudre. Au sens fondamental du terme. Il reçut Kate comme une onde de choc d’une puissance extraordinaire. En une fraction de seconde, elle lui rompit la colonne vertébrale et brisa son existence tandis que fortuitement elle ne retira de cette chute qu’une clavicule cassée qui d’ailleurs se remettrait bien vite.

 Les pompiers arrivèrent avec célérité. Des passants curieux s’attroupaient autour de la scène. Des rumeurs s’échangeaient. « Avaient-ils sautés ensemble ? »  Quelques imaginations romantiques tissaient dans leurs fantasmes les légendes dont sont faites les histoires de quartier.

On pouvait les voir l’un sur l’autre comme deux pantins désarticulés, amalgame insensé pétri par le hasard d’une grotesque étreinte. Évanouis par le choc, il formaient un couple obscène et irréel. La robe légère et raffinée, la longue chevelure soignée de la jeune femme, le contraste étrange avec le costume essoufflé et l’air un peu pitoyable du jeune homme dont le corps était couché dans un angle impossible nourrissaient les commentaires.

Ensuite ils furent prestement emmenés à l’Hôpital où des soins diligents leur furent administrés. Ils devinrent immédiatement le fait remarquable du jour. On occupa avec opportunisme la loge médiatique naturellement dévolue à Kate Boss, mannequin américain de renom établie à Paris. Ils ne s’étaient pas encore parlés que l’histoire de leur rencontre se répandait déjà comme une traînée de poudre dans la capitale de la romance. 

Un célèbre tabloïd fit immédiatement un de ses plus importants tirages saisonnier sur cette fable moderne et Arnaud Vainstain l’agent français de la jeune femme y travailla de concert pour exploiter tous les avantages de la situation.

Ainsi, la légende de Julien et de Kate fit même la Une du vingt heures télévisé. L’anecdotique et tragique rencontre chauffa les imaginations. Des photos furent prises tandis que le couple restait plongé dans un indifférent coma à l’Hôpital.

Au bout de deux jours Kate se réveilla. Elle était saine et sauve et s’en tirait avec une simple fracture. Ce fut une sensation. Ses avocats et son agent, grâce à une organisation draconienne damèrent le pion aux journalistes et aux paparazzis. Ce qui fut dit dans l’intimité de ce réveil demeure caché, mais des déclarations transpirèrent.

On apprit que c’était un accident. Un terrible accident. La jeune fille s’était penchée un peu trop et avait perdu pied. Kate Boss n’avait pas tenté de se suicider comme l’insinuait perfidement les mauvais esprits et la malveillance publique. L’histoire, la vraie était plus banale et plus triomphante que les odieuses assertions de certains vils cancans de presse qui faisaient de la calomnie une source d’information. L’histoire était plus simple et plus tragique. Il était bien entendu que la jeune femme assumerait toute réparation de cet accident envers la victime encore dans le coma.

Peut-être était-ce un signe du destin, ajouta Arnaud Vainstain. N’oublions pas que Julien lui avait sauvé la vie. Avait-il donné la sienne pour que continue de briller l’étoile de Kate ? Allions-nous le voir revenir parmi nous ?

Le suspense était évidemment poignant.

On convoqua les vieux parents de Julien qui habitait en province, dans le Cantal.

Des équipes télévisées surgirent comme un bataillon de parachutistes au milieu d’un village de quinze âmes qui n’avaient jamais vu de caméra et filmèrent la stupéfaction du couple. On les fit venir à Paris où ils n’avaient jamais mis les pieds.  Ils furent traînées sur des plateaux de télévisions où ils balbutiaient des sanglots et des remerciements. Kate les embrassa et leur prodigua ses encouragements. Ils faisaient oui de la tête en sortant leur mouchoirs. On les fatigua tant et si bien que la mère de Julien tomba gravement malade à son tour. Finalement, ils regagnèrent le Cantal pour soigner la vielle dame éprouvée.

Pendant ce temps, Julien reposait dans les limbes de l’inconscience, entouré d’une forêt de tubes et de respirateurs. Il ne rêvait pas. Non. Il était simplement heureux. Sans le savoir évidemment.

   Quant à Kate, elle était sortie, et après quelques séances photographiques à l’Hôpital auprès d’un Julien gisant dans une marmoréenne inertie, elle regagna les Etats-Unis pour quelques temps. Son départ fut assez mal pris par le bon peuple de France, vexé de cet abandon. Le juge chargé de l’enquête eut des déclarations assez dures et réclama non officiellement son retour sur le sol de la République.

   Ainsi, une semaine plus tard, Arnaud Vainstain plein d’entrain, de confiance en l’avenir et de bienveillance pour ses propres contradictions sautait dans l’avion pour New-York afin de convaincre Kate de rentrer sur Paris.

   Arnaud Vanstain était un bon gaillard et un beau garçon brun et athlétique. Il pouvait en terme de stature donner les change aux colosses américains qu’il croisait à Big Apple. Arnaud se coiffait et s’habillait de façon ridicule et dispendieuse, mais cette tendance passait pour de l’originalité dans son milieu professionnel. Par ailleurs, il était suprêmement rusé et possédait le talent inné de la manipulation psychologique dont il usait sans relâche.

A la sortie de l’aéroport, il prit un taxi pour Park avenue et se fit déposer devant la maison où  Kate habitait avec sa mère.

C’était une vaste et riche demeure à l’américaine. Le mobilier et l’ensemble était de bon goût et confortablement aménagé. Arnaud se fit conduire dans le salon par la bonne lituannienne, Gricha, une petite bombe sexuelle, et attendit seul un bon quart d’heure.

Kate entra et, de toute évidence le reçut de mauvaise grâce. Elle évoluait en laissant deviner ses formes délicieuses sous un négligé de soie imprimée enfilé par dessus un vieux jean. Elle avait un verre de whisky à la main. Arnold le vit et en retira de l’irritation : l’alcool,  comme la dope, c’était une calamité dans le show-buisness. Lui ne buvait pas, ne fumait pas, ne se camait pas, mais, pour sûr, baisait à mort.

Elle dit d’une voix traînante en français avec juste cette petite pointe d’accent qui faisait tant son charme :

- Salut Arnold.,cy

Elle l’appelait Arnold, par caprice.

- Kate Salut!,fi

-    Qu’est-ce que tu fais là ?

Kate s’affala dans le canapé de cuir. Une bouffée de parfum délicat envoûtait son sillage. Ses cheveux s’éparpillèrent comme une éclatante gerbe de blé mûr sur le dossier où elle posa sa tête, son verre tenait élégamment en équilibre au bout des ses longues mains fines et manucurées. Elle rectifia aussitôt en clignant  ses yeux verts et veloutés :

-    Non ne me dis pas ce que tu fais là.

-    Tu picoles maintenant ?

- « Tu picoles maintenant ? » : on peut pas tous être érotomanes compulsifs.

-    Voilà une semaine que tu ne me réponds plus au téléphone. Je m’inquiète

pour toi. Je voulais te dire cela et puis Julien semble être tiré d’affaire. il est toujours endormi et son dos est sérieusement touché !

-    Ah. Bon. Maintenant je sais. Mais à l’avenir, ne me parle plus de ce type. Cette histoire sinistre me déprime quand j’y repense. Je me revoie : ce n’était plus moi ! Je veux oublier cette Kate là.

Un silence passa. On entendait le glaçon que la jeune femme faisait tourner contre les parois du verre. Arnaud reprit :

-    C’est pour ça que tu carbures au bourbon maintenant ? C’est depuis cette histoire. Je comprends que tu veuilles mettre une certaine distance avec tout cela Kate. Mais tu es partie si vite, sans un mot, tu as filé à l’anglaise.

-    N’est ce pas ce que je suis ? Américaine : c’est pareil. Écoute, Arnold, j’en ai rien à foutre. C’est toi qui a monté toute cette histoire toute cette « romance musette ». T’en as profité que j’étais dans le cirage pour faire tout ton tapage. Pendant que j’étais entre la vie et la mort tu vendais ma dépouille aux magazines. Ma mère refuse de te voir à cause de ça et j’ai certains  amis qui iraient jusqu’à Paris pour te casser la gueule si je ne les retenais pas.

-    Darling, Je suis ton agent. Je suis là pour ça : c’est mon métier et c’est le tien aussi. Je te le rappelle. Tu es une star. Tu es éternelle. Quoi qu’il t’arrive, c’est l’épisode d’une geste qui te dépasses. Alors un événement aussi sensationnel. Tu te rends compte de la somme de magie, de rêves, de folies que tu….

- Ta gueule Arnold ! - Ta gueule Arnold! SHUT THE FUCK UP ! FERMEZ LA BAISE!,en

Kate s’était levé. Une vraie tigresse quand elle s’y mettait. Saloperie de caractérielle. Et puis ces menaces ridicules. Arnold s’écrasa dans un fauteuil et eut un petit rire d’apaisement.

Kate reprit dans son français presque parfait :

-    Tu m’emmerdes Arnold. Tu m’emmerdes…J’ai envie de m’amuser moi. D’oublier tout ça, et toi tu arrives comme  ça. Pour me polluer mon bonheur.. J’ai rendez-vous avec Trissa et Janet à quatorze heures, soit dans soixante-douze minutes et je ne suis pas habillée ni encore maquillée par ta faute. Ce soir je passe la soirée avec Ted on va écouter Nervous cabaret au Gorx et toi, tu viens me parler de ce …type……qui est tout cassé..  Bon. C’est triste…J’ai dit que je payerai ce qu’il faut pour le, comment dire ? Le… réparer, alors fais le nécessaire. A quoi servent les deux avocats à qui je donne des montagnes d’or ? C’est ton affaire. Moi, je veux ma tranquillité, Arnold.

-    Kate. Qu’est-ce que tu a dis ? J’ai pas bien entendu ou quoi ? Tu as recollé les morceaux avec Ted ? Laisse tomber Kate. C’est un sale petit junkie. Il a les bras tellement troués que l’air lui  passe au travers comme une grille de ventilateur..

-    Ta gueule Arnold, au moins, il est drôle, il est beau et il a un certain génie. Ce qui n’est pas forcément le cas de tout le monde….

-    Ecoute, Kate. D’accord. Va pour ce petit salaud de Ted. Après ce qu’il t’a fait. Douce mère de ta mère ! Enfin…. Mais ton Arnold est aussi un génie. Sais-tu qui j’ai rencontré au gala culturel franco-américain du Trocadéro ?

-    Non. Mais je sens que tu vas me le dire si j’insiste..

Rétorqua Kate D'UN tonne las.,eo

- Tiens-toi bien. - Tiens-toi bien. Pi ? Beaucoup? Pi ? Beaucoup? Pi ? Beaucoup?,ht

- What ? - Quoi? A bird ? Un oiseau?,en

- Non ! - Non! Peter ! Peter! Peter Spi ? Peter Spi? Spi ? Spi?,no

- Peter Spillman?,en

-    Non ! Mieux. Le sommet.

A ce mot, les yeux de Kate s’illuminèrent d’un joyau à l’éclat farouche. Elle s’anima et dit dans un souffle :

- Peter Spielberg?,en

-    OUIII ! Le Master God of Hollywood ! Il veut faire un film sur ton histoire avec Julien. Un roman d’amour. Un truc grandiose. Dix scénariste, et la crème, sont déjà sur le coup. Il te veux toi, dans Le Rôle.

Kate s’abandonna à la félicité que lui procurait la nouvelle et cria :

- C'est Génial. - C'est génial. Peter Spielberg. Peter Spielberg. ! ! Peter Spielberg, le THE Peter Spielberg. Peter Spielberg, Peter le LA Spielberg. Mother Fucker ! Motherfucker!,de

Une voix de femme parvint du fond de la maison qui dit en anglais  :

«  Kate, pas de grossièretés sur ta vielle mère ! ».

-    Ouais, c’est génial, reprit la jeune femme en prenant Arnaud par les épaule,.

pour un peu je te trouverais baisable sur ce coup.

- Bébé, Gene passait.,ht

Elle le regarda avec une âcre intensité et ils hurlèrent ensemble :

- Géniaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaal!,tl

     Julien se réveilla comme on revient d’outre-tombe. Avec le désir d’y retourner pour y reposer éternellement. Autour de lui, hormis l’incroyable galimatias de tubulures et de tuyaux qui lui sortaient de presque tous les orifices, il remarqua la caméra sur pied posée devant son lit avec la petite lampe rouge qui clignotait à côté de l’objectif.

Une infirmière entra en trombe tandis qu’il ouvrait doucement les yeux. Elle portait avec délicatesse un petit objet noir à la main. Elle se dirigea directement vers la caméra numérique, appuya sur une commande, extirpa la cassette de l’appareil, la remplaça, réactiva l’enregistrement et ressortit avec une célérité professionnelle sans avoir remarqué l’oscillation nourrie de l’électroencéphalogramme.

De toute évidence, Julien constata qu’il était dans une chambre d’Hôpital. Il semblait ne pas ressentir de souffrance particulière. De plus, il n’avait aucun souvenir de ce qui avait pu lui arriver. C’était le trou noir. Il s’examina. Rien ne semblait cassé. Il voulut  se lever du lit mais ses jambes refusèrent d’exécuter l’ordre donné par sa volonté.. Il réitéra plus fort croyant à une défectuosité due à l’état de choc mais ses jambes ne bougeaient pas d’un poil, ni à la quatrième, ni à la quinzième reprise.

Il revoyait cette scène d’un film où l’actrice tente à force d’obstination de faire remuer un petit orteil après dix ans passés dans le coma. C’était peut-être son cas ? Une sorte d’effroi l’envahit. Non, ce n’était certainement pas son cas.. Lui, c’est les tuiles qu’il se payait, pas les moments d’héroïsme cinématographique.

Il y pensa et la panique le submergea. Alors il se mit à hurler.

Dans les cinq minutes qui suivirent ce premier rugissement une demi douzaine de personnes surgirent dans sa nouvelle vie.

Ce fut d’abord la petite infirmière antillaise des cassettes vidéo qui se précipita vers lui en hurlant comme une prophétie :

-    Ah ! Doux Jésus… Vous êtes réveillé.

Julien fut revigoré par l’éclat de tendresse dévote qu’on pouvait deviner dans ce regard et trouva la jolie infirmière tout à fait à son goût.

Elle se précipita vers lui, ajusta deux tuyaux, alla vers la caméra et dit :

-    Julien vous avez une déclaration ?

-    Non. Éteignez ce truc. Je vous en prie. A quoi rime tout ça ?

A ce moment là, un homme en blouse blanche d’une cinquantaine d’année à l’allure sportive mais au teint un peu jaune entra en grand fracas, suivi de deux autres médecins et découvrit un sourire chaleureux.

-    Le retour du fils prodigue. Ah ! Julien, vous êtes attendu. Docteur André Présume. Je m’occupe de vous depuis votre admission à l’Hôpital.

-    Que m’est il arrivé, bon sang ?

- Les deux.,tr

Le docteur Présume qui avait préparé ce moment dans le calme de ses heures de loisirs se tourna vers l’objectif. L’infirmière vidéaste réglait la lumière profondeur de champ. Les deux assistants vérifiaient les écrans, pouls et appareils. A Présume dit :

-    On peut dire que votre cas est la conjonction rarissime d'événements fortuits. Vous êtes le personnage principal d’un poème probabiliste. En effet, il y a de cela deux mois et quatre jours que vous êtes plongé dans le coma. Il y a de cela deux mois et quatre jour,  une gloire américaine de soixante deux kilos pour un mètre soixante dix neuf vous tombait littéralement dessus au terme d’une chute de treize mètres de haut, et vous percutait de plein fouet tandis que vous passiez nonchalamment sous sa fenêtre.

Julien réfléchit un petit moment où on le regarda avec une sorte d’attendrissement condescendant.

Il dit d’une voix blanche :

-    Vous voulez dire qu’une bonne femme m’est tombée sur le coin de la gueule ?

-    En d’autres terme, je crois que votre assertion résume bien la réalité de la situation.

-    Où est-elle ? Qui c’est ?

-    Mais, Julien. C’est Kate Boss, le célèbre top model américain. Elle vous est tombée dessus. Crac comme la foudre du ciel. Julien. Vous êtes …touché par …touché par….

Le docteur sembla subitement griffé par un souci fugitif et resta la main en l’air en panne d’inspiration. Toute cette histoire était si passionnante qu’il en perdait parfois ses moyens oratoires.

Deux journalistes de BOOM MAGA entrèrent en trombe et inondèrent la pièce de flash bleus, rouges et crépitants. Un jeune type avec déjà de l’embonpoint et une mine réjouie le salua d’un ton presque badin :

- Gilbert Bastonb, journaliste à BOOM MAGA, on est les premiers sur le coup man… C’est Boom Staka Boom, meeeeeeeeen ! Vous êtes ré-vé- YEAH ! Du scoop. Julien, un des plus français connu de France. Ré-V-Yeah … Julien come back sur l’hexa- gone. Waow. La love storaïe, aïe, aïe avec la naïllchonne. MEEEEEEEEEEN.

Alors, comment ça fait de retrouver le plancher des vaches, Julien ?

Julien prit un air sombre et préoccupé :

-    Justement j’ai pas pu y poser les pieds sur le plancher. Mes jambes ne répondent plus.

La nouvelle jeta un froid. Gilbert Bastonb se tourna vers le caméraman et dit : « on coupera ça ! hein ? » puis il baissa les yeux. Les visages se tournèrent vers le docteur Présume qui se composa un air pour la circonstance, s’éclaircit la voix et asséna noblement :

-    Julien. Ta colonne vertébrale n’a pas supporté l’impact et s’est irrémédiablement fracturé à plusieurs endroits. Nous allons faire des tests, mais je constate que tes facultés intellectuelles ne semblent heureusement pas altérés. Bien sûr, comme je le disais nous allons faire des tests, des examens et des évaluations supplémentaires. Les tests, tout est dans les tests. Les éléments moteurs du  tronc et des membres supérieurs semblent en bonne état néanmoins les tests, les tests. Tendez le bras. Les tests nous diront, ah là, là, là. Les tests, la vérié est-dans-les-tests !

Le docteur Présume avait sorti son stéthoscope et écoutait à divers endroits le pouls de son patient puis il examina sa pupille avec une petite lampe..

Gilbert Bastonb revint à l’assaut cependant :

-    Docteur Présume, pensez-vous que Julien remarchera un jour ?

-    On ne peut pas dire. Des miracles se produisent. Mais en l’état des données actuelles de la science, je ne vois guère de rémission possible. Je préfère parler honnêtement. Évidemment, tout dépend des tests.

Le Docteur Présume faisait partie de ces individus sincères et bienveillants comme parfois l’humanité a la grâce d’en mettre à la disposition de la communauté. Julien le sentait bien mais il lui tenait pourtant une sorte de rancune à ne pas voir malice dans toute cette fatigante mise en scène.

Gilbert se tourna vers lui et demanda :

-    Julien. Que vas tu faire à l’égard de Kate Boss ? On parle de procès ! Est-ce que tu envisages le genre d’une  telle éventualité ?

-    Écoutez, je ne sais même pas qui est cette fille.

Gilbert Bastonb fit un petit bond semi-épiléptique:

-    Men. C’est une bombastique tigresse à la beauté scandinave C’est une grave  star. Une étoile qui t’es tombée sur la tête. Men. Julien. Men. Riche grave. Men. Grave pleine de dollars.  Alors ? Kesstufais ? Men.

- Men................ - Hommes ................ J'en sais rien. J'en sais rien.,fi

C’est vrai, il en savait rien Julien. Il se réveillait dans un autre monde que celui qu’il connaissait, avec des jambes pas en état de marche et un tas de types vociférants autour de lui. Déjà dans sa vie normale, il gérait les événements au jour le jour, à la corde, à coup d’expédients, à l’arrache et au poignet. Alors qu’on vienne pas lui demander de but en blanc de changer l’axe de rotation de la planète alors qu’il était en convalescence dans une chambre d’Hôpital.

La porte de ladite chambre claqua à nouveau. Un grand escogriffe traversa la pièce en bousculant l’opérateur vidéo pour s’avancer enfermé dans une immense gabardine et présenter à Julien une longue main osseuse à serrer au bout d’un interminable avant-bras.

- Bienvenue dans le monde des vivants Julien. Francis Fransisque de Popaul. Nous sommes prêt à faire l’acquisition de tous les droits sur vos déclarations. Ne dites rien de plus. Mon journal ira jusqu’à quinze milles euros pour en obtenir l’exclusivité. Savez-vous qu’un film est en cours de tournage à Hollywood sur votre histoire ?

C’est alors que trois personnages habillé en costumes de ville vinrent compléter la bruyante assemblée et firent leur entrée en silence. Ils regardèrent tout le monde qui s’agitait autour de Julien et deux d’entre eux déclarèrent en sortant leurs cartes.

-    Police. Tout le monde dehors. Vous aussi, Docteur.

  Julien apprit toute l’histoire. C’était une tentative de suicide. La fille s’était jetée pour en finir et vlan : elle lui était tombée dessus. Elle disait qu’elle avait glissé en voulant rattraper un texte, un bout de papier, une adresse griffonnée qui s’envolait par la fenêtre. Une histoire abracadabrante. Julien pouvait évidemment porter plainte pour mise en danger d’autrui et blessures graves. Il était handicapé par sa faute maintenant. La causalité était indéniable. On lui apprit également que sa mère était morte des suites de sa maladie. Tout ça lui fut un immense chagrin.

Julien dit en sanglotant qu’il allait réfléchir. Les avocats de la fille achevèrent la visite du procureur et des policiers qu’ils saluèrent amicalement et offrirent immédiatement au garçon une forte somme compensatoire pour renoncer à toute action en justice. C’était compliqué et terrible pour le pauvre Julien qui souffrait de se voir dépassé à ce point par les événements et se retrouvait tout à coup face à tant d’importantes décisions à prendre.

Il répéta à tout le monde qu’il allait réfléchir et qu’il voulait manger et se reposer pour le moment….

     Le film marcha du tonnerre, ça s’appelait Kate and Jules : on l’avait rebaptisé comme ça pour la symbolique, pour le côté chantant, l’exotisme français, le romantisme tour Eiffel. Il devint un blockbuster et le faux Julien dépassa en célébrité le véritable qui fut oublié, relégué parce que trop réel et finalement trop misérable.

Kate Ross était lancée. Son interprétation avait favorablement impressionné la critique. Le film était beau et plein de la mièvre douceur des comédies sentimentales produites outre-Atlantique, il fut comparé à Trois mariages et un enterrement.

Autant dire qu’un tas de gens très bien appréciaient cette histoire un peu grotesque. Dans la version cinéma, Julien était évidemment plus grand, mais aussi plus beau, plus fort et, touche suprême artistique, plus pauvre encore qu’il ne l’était en vérité.

On en avait fait un amnésique qui errait depuis sa fuite d’un asile psychiatrique pour fuir les traitements déshonorants que lui faisait subir un certain docteur Gogolevski. Là dessus, il courait dans la rue pour échapper à ses limiers et recevait Kate sur le nez. Crac, alors c’était love at first sight : il tombait éperdument amoureux et retrouvait la mémoire. Là-dessus, il apprend qu’il est riche et qu’il est  la cible d’un complot… La belle américaine s’éprend du petit gars et le protège de son mieux.

C’était d’une indécence que Julien n’arrivait tout simplement pas à supporter. Cela parlait de lui, mais d’un autre lui. Le film lui avait tout pris de ses rêves et toute sa vie. Il était assis sur le néant. Le film accaparait son histoire et la confisquait pour des besoins de rentabilité. Certes, il n’était pas beau, ni fort comme le héros. Mais il était foutu. En fauteuil, il pouvait encore heureusement bander. Bander pour Kate.

Parce qu’il l’avait vue Kate dans le film. Et mon Dieu qu’elle était belle. Comme il en avait de la veine, l’autre, le faux héros de cette véritable histoire de pouvoir lui voler ces quelques instants de bonheur portés à l’écran. Kate, divine Kate qui lui avait foutu sa vie en l’air avec quelle désinvolture gracieuse elle lui avait rompu l’échine. Kate, à la cambrure de roseau, à la voix flûtée, intelligente et flamboyante. Comme il l’aimait cette Kate là. La Kate du film.

Pas la vraie qui ne lui avait jamais donné signe de vie, ni exprimé le moindre regret.

Julien avait regagné une petite villa qu’une association d’aide aux handicapés lui avait trouvé avec l’appui de la mairie. Il opérait là sa rééducation. Ou plutôt, son éducation. Il devait désormais apprendre à vivre constamment assis. Il devait apprendre à ne plus savoir de façon autonome déplacer la moitié morte aux sensations de son corps. Il devait vivre avec l’idée qu’une orgueilleuse femelle étrangère lui avait par caprice pulvérisé le dos pour toujours. Une ingrate qui lui devait la vie. Il regrettait amèrement d’avoir signé le document de renonciation à ses droits de poursuite avec les avocats. Il aurait voulu lui en faire baver. La violenter même. Ah, s’il la tenait.

 Kate, mon amour pourquoi m’as tu abandonné ? Et subitement des larmes lourdes roulaient le long de ses doigts qui encerclaient un front rendu auguste par la souffrance.

     Kate s’éclatait top dans cette fête monumentale. C’était énorme. Ou bien c’était la pilule rose qu’elle avait avalé. Super trip. Ted dansait avec une sorte de négresse en chaleur. Il était si beau. Destroy, elle lui trouvait un air de prophète avec son air de martyr lumineux, ses longs cheveux blonds qui tombaient en cascade, ses yeux bleus translucides et puis sa voix qui la faisait fondre. Sauf quand il avait trop shooté, il chantait faux. Ridicule mais touchant. Elle aimait Ted même quand il chantait faux, peut-être même davantage. Il finissait en général par piquer du nez sur sa vieille Fender Mustang et elle l’avait vu parfois s’endormir, l’oreille à dix centimètres de l’ampli qui crachait un vilain larsen. Écroulé par dessus l’éclisse de l’instrument, penché sur son propre vide intérieur, elle l’avait tendrement regardé ronfler en appui sur son propre néant.

Elle alla se servir un verre de punch supplémentaire. L’alcool ne semblait lui faire aucun effet. C’était ahurissant…Elle se mit à danser et à se trémousser contre Vintage, un petit acteur gay qui collectionnait les culottes de petits garçons et qui portait des cuirs moulants de toutes les couleurs. On passait une chanson de Clap your hand say yeah C’est à ce moment là qu’elle le vit.

C’était un mec assis dans un putain de fauteuil roulant. Le type qui poussait la charrette était Paul Volhen, le producteur. Ce n’était forcément pas Julien, mais aurait-elle pu seulement le reconnaître ? Elle en doutait presque. A quoi ressemblait-il déjà ? Elle avait gardé un souvenir confus de l’homme qu’elle avait foudroyé à Paris.

Elle se dirigea en titubant un peu vers l’individu dans le fauteuil, salua Paul et se présenta à l’inconnu. Le type était éberlué. C’était un scénariste qui avait traversé un grave accident de voiture. Une fille comme Kate qui venait directement le saluer. Il en rougit de plaisir et bafouilla. Kate insista pour lui faire visiter la demeure et il se laissa emporter vers le jardin avec un sourire béat.

Kate le bichonna tant que Ted s’énerva et la traita de « petite putain d’ infirmière suceuse de queues ». Une dispute s’engagea et Ted lui mit une trempe devant tout le monde. Alors, l’autre Steven, dans sa chaise misérable, s’interposa et fut versé dans la piscine par un Ted démonté. Tous trois, ils quittèrent la fiesta terriblement fâchés.

De retour chez sa mère, Kate en avait assez de cette petite vermine de Ted et se sentait prête à rompre avec lui. Ce salopard ne respectait rien ni personne. Ce n’était qu’une magnifique petite salope prétentieuse égoïste camée jusqu’aux ongles. Elle en avait marre de se prendre des beignes par ce salaud. D’autant qu’elle avait rendez-vous avec Steven. Pourquoi avait-elle d’ailleurs accepté de le voir celui là ? Sans doute avait-il le sens du l’humour et pas mal d’esprit mais il ne l’attirait pas vraiment. Elle décida de manquer son rendez-vous avec lui et alla se coucher.

Julien lisait People Trash dans les vestiaires du gymnase handisport où il suivait un entraînement de hand-ball, il y avait dedans des photos de Kate et un étrange article où on racontait qu’un type dans un fauteuil avait engagé une action en justice contre Ted Prince Tatoo, le célèbre chanteur de rock qui avait conquis le cœur de l’actrice. Julien réfléchissait aux implications de cette nouvelle. Quelque chose bourdonna dans son esprit et déclencha le déclic d’un mécanisme secret. Il pensa à ce qu’aurait pu lui avoir conseillé sa regrettée  maman en de telles circonstances et décrocha son téléphone pour demander son avocat.

Une semaine plus tard, Kate se rendit à une garden-party chez Franck Tobosso, le chanteur de Minimal Tox, le punk-banddégotté par Phil Ball. Des petits mômes crasseux fringués gothiques et crevés de piercings qui pesaient deux millions d’albums et pas cinquante kilos par personne. Elle avait laissé Ted dans une pièce reculé de la maison en train de se chercher une veine à trouer, une cravate en guise de garrot qu’il tirait entre ses dents. Répugnant petit crapaud aux faux airs de prince charmant.

Elle préférait déconner avec le petit bassiste des Tox avec son regard de chat qui lui parlait d’une nuit qu’il avait passé dans un immense supermarché avec Cindy Droper et une bande de péteux qui étaient les propriétaires du magasin. Chick était chic et elle le trouvait presque séduisant, ce merdeux dépourvu de viande sur ses os étiques.

Kate se demandait comment elle pouvait se trouver désormais attirée par ce genre d’épouvantail incapable de prendre soin de son corps. Elle se sentait le jouet d’une sorte de perversité maladive qui lui dictait des inclinations désagréables et presque contre nature ces derniers temps. Elle repensait de plus en plus au véritable Julien qui faisait irruption dans sa mémoire, sculpté dans la glaise de quelques bribes photographiques et de souvenirs personnels diffus. Ainsi, l’image distordue par les forces de son imagination venait la surprendre et gâter les moments de joie relative qu’elle ramenait de son existence tourbillonnante.

Elle pouvait se trouver sur un plateau de tournage quand subitement, elle le voyait surgir de l’entrée des artistes. Ou plutôt non, elle s’attendait à le voir surgir depuis une porte qu’on entrouvrait. Elle dessinait en esprit les contours de ce visage dont elle était tellement incertaine, assis dans un antique fauteuil roulant. Et puis maintenant que le film Kate and Jules avait été tourné, toute cette vieille histoire avait pris un caractère abstrait et lointain. Elle chérissait cette abstraction, la ménageait comme une sorte de jardin secret. Mais elle éprouvait toujours un pincement au cœur due à la déception lorsque la porte s’ouvrait finalement sur le visage familier d’un membre de l’équipe de tournage. 

Qu’attendait-elle au juste ? Comme elle se trouvait perdue et ridicule ! Éprouvait-elle des remords ? Était-ce sa version à elle de crimes et châtiments post millénium ?   Ou bien, cherchait-elle parfois dans la foule des rues, un visage, une expression auprès de laquelle elle réclamait des réponses. Mais c’était une improbable quête dont le sens lui échappait et qui finissait par la laisser désœuvrée et triste. Alors elle s’enfilait un verre, une ligne ou une heure à se cramer souvent défoncée sous les lampes à UV. C’était pitoyable. Une cohue de parasites lui étaient en plus tombés dessus depuis le succès de Kate And Jules et l’énorme cachet du film  avait tourné en miel à mouches où venaient butiner quantité de gens.

Chick continuait de parler. Elle n’avait rien écouté de ce qu’il lui disait. Elle entendit juste :

-    Incroyable ce délire qui t’es arrivé en France. Tu as dû te sentir coupable un moment, non ?

La question la frappa comme un coup de fouet. Quel cosaque ce Chick. Coupable ? Quel mot démesuré pour une si petite affaire. Elle répondit :

-    Je vois pas de quoi tu parles mec. Mais c’est normal : vous autres musiciens, vous êtes complètement largués. A côté des réalités. A côté de vos pompes. Je vois Ted c’est le genre à pas comprendre où il est les trois quart du temps.Sur une autre planète, genre musique des sphères.

-    Ouais, mais Ted, c’est pas vraiment un super exemple.

-    N’empêche que c’est un vrai tueur à la guitare, lui.

Elle se sentait sur les nerfs subitement, elle voulait quitter cette réception snobinarde. Elle planta cette réponse dans les dents de cette sale petite peste de Chick et lui tourna le dos pour s’en aller.

Elle alla ramasser dans le vestiaire sa jaquette Jean-Paul Gautier que Ted lui avait emprunté pour venir, s’excusa d’une importante course,  prit congé rapidement puis sortit dans la nuit californienne en abandonnant tout le monde derrière elle.

Au volant de son coupé Mercédès noir, comme ça, avec ses cheveux au vent, et son profil de reine américaine elle ressemblait à une publicité pontifiante à dédiée à la beauté féminine moderne et profilée de ce début de  vingt et unième siècle. Pourtant des larmes coulaient comme des rasoirs sur ses joues que  le vent emportait rapidement dans la nuit. Elle prit une chambre au Hilton et rentra alors dans les draps de satin, prostrée dans une douloureuse et terrible méditation. « Coupable. » avait dit ce petit corbeau de Ted, ce chinchilla rabougri. Devait-elle plaider coupable ou non coupable ? Telle était la question.

Elle repensa au film et fut soudain submergée par la honte en récapitulant la sotte intrigue du scénario et la vulgarité avec laquelle on avait traité une question aussi importante que cet accident. Cet accident ? Cet attentat ! N’avait-elle pas attenté à quelque chose dans tout cela ?

Après trois jours de l’instruction et des délibérations du procès qui siégea en son for intérieur, elle se déclara innocente. Elle était tout simplement épuisée par l’épreuve mais libre à nouveau.

Julien voulait voir New-York. Tout. Il connaissait la ville dans les films bien sûr. Mais là, en vrai, ça le rendait tout excité comme un gamin.

Alors ils firent un grand tour. Time Square, Broadway, Manhattan, ils traversèrent le pont de Brooklyn et Julien en retira l’impression de rouler dans une carte postale. Lorsqu’on passa vers Park Avenue où demeurait Kate. Julien demanda à Arnaud Vainstain de stopper la voiture :

-    C’est ici qu’elle habite ?

-    Chez sa mère. Mais elle vient de passer trois jours sans donner de nouvelles. Elle n’est rentrée qu’hier.

-     Okay ! Okay ! Avez-vous parlé à ce comédien, Fritz Heigel : c’est son nom il me semble, à propos du petit rôle que je lui propose ?

-    Oui. Oui, votre idée l’amuse. On peut dire que vous faites preuve de ressources inattendues ces derniers temps.

-    Vous êtes certain que son français est parfait. Vous êtes sûr qu’il n’a pas d’accent ?

-    Si je vous le dis. Fritz est un grand artiste !

-    Voici l’invitation. c’est ce soir.

-    Je sais, c’est moi qui vous ai inscrit sur la liste.

Julien tendit une enveloppe à son interlocuteur qui commenta :

-    Si Kate apprenait ce que je fais pour vous en ce moment : vous vous rendez compte ?

-    Je me rends compte que je ne marcherai plus jamais.. Que ma mère est morte que j’ai presque tout perdu et, comble de l’absurdité, que j’aime Kate, l’insupportable connasse qui est responsable de tout cela. Je me rends compte que je serais un fou si je ne réagissais pas avec la dernière énergie.

-    Très américain tout ça. Bravo. Mais Kate est différente. C’est une déesse dont les actes ne sont pas heu...limités....accomplis sur le même plan d’existence que le nôtre. Elle est indéchiffrable et sublime.

-    Vous exagérez Arnaud.

-    Toujours ! C’est mon job après tout !C'est pour cela qu'on me paye !

La Fiesta était costumée sur le thème régence française. Un truc ridicule, s’était d’abord dit Kate. Elle s’était ainsi pour l’occasion déguisée en homme avec une cape, des haut-de-chausses et un pourpoint de couleur cramoisi. Son visage était chaussé d’un masque vénitien qu’elle tenait au bout d’une sorte de tige.

Tout le gratin des collines se montraient et se défoulaient ce soir chez Faxy, la porn-star illuminée qui récitait la Bible et recevait Hollywood dans son nouveau Castelet de Beverly Hills.

La maison était si vaste qu’elle ne la vit pas entièrement dans l’obscurité.

Des colosses filtraient l’entrée. Des vigiles avec des chiens et des flingues. Lorsqu’elle arriva dans le jardin, les Pretendolls dans un ravissant kiosque à musique viennois jouaient le thème de Dark Vador sur des amplis à lampes sursaturés. Des milliers de chandelles brûlaient sur des candélabres installés partout. C’était féerique. Le décor était fabuleusement soigné.

A l’intérieur de la maison, des tableaux gigantesques étaient accrochés sur tous les murs. Des trucs érotiques et d’autres carrément dégueulasses. Des trucs orientaux et bizarres. Des Delacroix et des Ingres, des Goyas, des Rembrandts et d’autres qu’elle ne connaissait pas. Il peignaient de telles choses ces types ? Un producteur qu’on arnaquait pas sur la question lui assura que tout cela était authentique. Mais elle ne le crut pas.

C’était néanmoins fastueux, des musiciens jouaient des pièces classiques dans diverses chambres où des filles sublimes et vêtues de gaze ondulante ou de jeunes hommes athlétiques et presque nus offraient rafraîchissements et cajoleries aux convives. L’atmosphère était chargée de sensualité et nombre d’invités avançaient masqués et à demi nus. Des voix célèbres s’élevaient ici où là de la pénombre d’une alcôve ou de derrière le faciès artificiel d’un masque cérémoniel. Elle crut reconnaître le rire de David Bowie ainsi que la voix de Christian Bale mais elle se trompait sûrement.

L’ambiance était capiteuse et irréelle. On sentait comme un spectre planer sur l’assistance, c’était l’esprit dénaturé de cette élite blasée qui imposait une atmosphère psychique très particulière. Elle traversait les salles comme on chevaucherait un songe. Puis elle fut projetée soudainement vers une autre irréalité.

D’abord elle crut qu’il s’agissait de Steven. Elle ne l’avait pas revu depuis l’autre fois. L’individu avançait en roulant vers elle tandis qu’il actionnait une petite manette qui commandait le moteur électrique de l’engin sur lequel il était assis. Il portait un masque très sobre et un vêtement noir et ocre. Kate se trouvait gênée d’avoir à s’excuser auprès de Steven et préféra l’éviter à la faveur de l’anonymat relatif que lui procurait la mascarade. Elle lui tourna donc le dos lorsqu’il était encore à plus de cinq ou six mètres de là. Ainsi, se dit-elle, il ne la reconnaîtrait pas.

Quelques instants après Kate sursauta lorsque une voix inconnue dit en français :

-    Impossible de te cacher Kate. Tu auras beau essayer. Je te retrouverai toujours. Songe que tu es mienne pour toujours…

Kate resta pétrifiée par la voix, ce ton étrange, un peu récitatif la saisit. Elle se retourna deux secondes plus tard en murmurant :

-    Julien ?

Mais le fauteuil roulant avait déjà disparu et la foule des convives étaient suffisamment nombreuse pour le dissimuler à son attention. Lorsqu’elle rentra chez elle avec Ted qui piquait du nez le front posé sur la boite à gant, elle tremblait au volant de sa voiture.

Elle avait cherché toute la soirée le fauteuil et son occupant mais ne l’avait pas trouvé. Ce dernier avait disparu, totalement. Personne ne l’avait vu. Mais personne ne faisait vraiment attention. Un moment elle avait cru le retrouver, mais l’objet de sa curiosité, s’il portait la même tenue se tenait debout, bien campé sur ses deux jambes et s’avérait un individu sain et vigoureux.

Elle s’interrogeait maintenant sur la réalité de cette rencontre. Avait-elle halluciné ? Le décor était si impressionnant et son esprit tellement confus que toutes les possibilités devaient rester envisageables. Voilà ce que ça donnait de trop gober de pastilles. Elle se jura de stopper les drogues pour quelques temps mais en vérité, c’était un soulagement de trouver une telle explication à cet épisode si inquiétant de la soirée.

Le lendemain, ce fut encore pire. Les paroles de l’homme masqué étaient forcément celles de Julien, se disait-elle. De qui d’autre ? Un farceur ? Un démon ? Elle songeait, étendue nue sur le ventre et pâlissait sous la lampe à UV à l’évocation des paroles qui retentissaient à son esprit. Elle était coupable et il revenait comme un fantôme pour la punir. Elle payait maintenant pour son indifférence de petite salope égocentrique, elle banquait pour toutes ses trahisons. Pour sa vulgarité. Elle douillait  pour sa lâcheté. Pourquoi ne s’était-elle pas écrasé sur le vilain trottoir parisien ce jour là ? Pourquoi devait-elle maintenant si impérieusement se racheter ? Pourquoi si soudainement voulait-elle à ce point le retrouver ? Elle y voyait un soulagement certain, le seule remède envisageable aux douleurs morales qui, la nuit,  lui faisaient mordre l’oreiller.

Depuis six mois, elle fumait une cigarette après l’autre, se défonçait comme jamais, trouvait les gens désagréables car elle se sentait indigne devant leurs regards et leurs questions. Julien tournait sur sa chaise roulante dans le manège de son obsession Elle s’assommait de chagrin devant le caractère irréversible de son geste. Alors, il se produisit un détail, un de ces insignifiants moment fortuit qui sont des messages que le hasard dicte à l’expérience. Un de ces moments chargés de symboles lorsque Kate pour dissiper ses idées noires alluma MTV. La télévision musicale jouait une vieille diffusion d’un concert de Jimmy Hendrix  qui se mit à chanter :

 

«Elle a appelé son fauteuil roulant au bord de la rive,en

Et à ses jambes, elle dit: vous ne serez pas me blesser plus!,en

Et la dans un spectacle qu'elle n'avait jamais vu, elle saute et dit:,en

Regardez lorsque le navire d'or passe mon chemin,,en

Mais il n'a pas eu à arrêter ....,en

And so casttle made of sands slips into the sea, eventually ! Et si casttle fait de sables se glisse dans la mer, par la suite! » »,en

Kate fondit en larmes. La beauté de la musique, la mélodie plaintive du chanteur, les notes qui tombaient comme des larmes de la guitare du génie à la Fender stratocaster, et surtout l’inquiétant lien entre les paroles de la chanson et son histoire à elle achevèrent de l’effondrer.

N’y tenant plus, elle s’affala, les joues inondées de larmes devant l’écran géant et toucha du bout des ses doigts fins et gracieux le visage de Jimmy afin de lui rendre un peu de la souffrance dont il venait de lui faire présent avec la beauté de cette chanson.

Pourquoi ne pouvait-elle pas faire autre chose que de se jeter aux pieds de Julien pour implorer son pardon ? Il devrait bien la laisser en paix alors. Mais cette paix était-elle possible sans lui ? Elle irait à Paris. Lui demanderait des excuses, une absolution afin de continuer à vivre avec cela. Elle ressentit l’impérieux mouvement de son âme qui réclamait d’agir sans délai. Elle se précipita donc vers son portable et composa nerveusement le numéro du mobile de son agent en France, Arnaud Vainstain.

La belle voix posée du français lui répondit rapidement, bizarrement la communication était excellente :

- Salut Kate ! - Kate Salut! Que me vaut l'insigne honneur ? Nous Qué vaut l'honneur INSIGNE?,fi

Kate ne laissa pas le temps aux politesses d’usage, ni aux plaisanteries. Les français l’énervaient souvent avec leur sens de l’humour alambiqué et narquois. Il  y avait quelque chose d’insultant dans ce babillage et elle demanda abruptement avec une voix froide :

-    Où est-il ? Julien. Où est-il ?

-    Comment ça ?  Kate ? Que t’arrive-t-il ?

-    Rien, je veux le voir. J’ai enfin compris Arnaud. Je n’ai fait que m’aveugler et tâtonner depuis le début de cette histoire. J’ai été hideuse et méprisable. Le remords a même fini par produire des hallucinations. Je suis tellement obsédée, tellement fatiguée. Oh Mon Dieu, je voulais être libre et les entraves me serrent avec plus de force que jamais. Je voudrais être aplatie sur le pavé parisien. Je déteste les journées qui commencent comme cela, avec cette saleté de chanson qui sonne à mes oreilles comme un sermon.

-    Quelle chanson ?

-    Ce truc de Jimmy Hendrix. Casttle made of sands. C’était sur MTV. Il y a ce couplet où il parle d’une jeune femme invalide qui cherche à mourir et qui dit à ses jambes :  « vous ne me blesserez plus maintenant ! ». Je pense à ce que j’ai fait. A ce qu’il ressent.

Arnaud, sais-tu ce qu’il ressent à mon égard ?

-    Je pense en avoir une petite idée.

-    Et bien ?

-    Il t’en veux de l’avoir abandonné, mais il sait à quel point tu es talentueuse, capricieuse, géniale et..

-    Arnaud ! hurla Kate. Arrête ton char. Je suis sérieuse. Extrêmement sérieuse.

-    Mais moi aussi ma chérie !

-,en     

Arnaud Vainstain annonça du tac au tac  comme il l’aurait fait d’une nouvelle marque de vêtement :

-    Julien est ici, à New-York !

Kate en fut subitement toute fébrile. Julien était à New-York. Cette nouvelle la traversa comme une décharge électrique.

Arnaud  avait fait une pause, il évaluait l’effet de l’annonce qu’il venait de lui faire.

 Kate alors comprit tout ce qui jsuque là lui avait échappé. C'était l'empreinte du dstibn ! Elle se dévoua corps et âme pour lui et leur mariage fut célébré trois mois plus tard à Boston où Kate était née. Julien avait-il gagné ou bien était-ce les circonstances qui avaient triomphé ? Finalement, Julien avait trouvé dans la tragédie qu’il endurait la force de surmonter la fatalité qui l’avait terrassé un après-midi de printemps.

Ce fut donc la puissance même des événements qui devaient faire d’une petite andouille velléitaire le héros grandiose de son propre destin et de sa vie.

Et Julien se disait que la vie, c’était bien mieux que tous les films du monde.

                                                             BUT.,es

A paris le 20 juillet 2013

FLORENT LASSALE.

12 rue Crémieux

75012 Paris.,en

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