Jungle urbaine

  Moi qui n’aimait plus les villes il avait fallu m’y résoudre. La plupart de nos clients respiraient mal en dehors de la jungle urbaine. Il leur fallait du boucan et l’air épais comme de la colle. Un certain rendement énergétique pour avoir déjà l 'impression d’exister. Encore que j’ai tendance à généraliser. Pour être amoureux de Barcelone il faut vraiment pas l’avoir connu avant. Mais si je m’intéressais de près à cette idée, je pourrais dire la même chose de n’importe quel endroit au monde. Il y a une forme de pourriture qui s’est mise à ronger la planète, et qu’on aura du mal à définir si on veut l’étudier à fond. Les nègres et les arabes envahissent les villes blanches, et les blancs ont perdu toute leur substance. On a affaire à une nouvelle civilisation où il n’y aura que des perdants, et dont personne peut jurer qu’elle tiendra debout. Un monde plus clean et technologique que tout ce qui a existé avant, bourré de caméras, et en même temps gagné par la pourriture. Crade, violent, factice, inhumain. Les hommes de toutes les couleurs ne savent plus ce qu’ils sont, et pire encore, ce qu’ils vont devenir. L’occident s’abandonne au tiers monde, et le tiers monde n’imagine pas une seconde le piège dans lequel il est en train de tomber. Barcelone se voit coincée entre les deux mâchoires et en crève. On avise un bar surmonté d’un néon bleu vers lequel de concert on se dirige. Julius s’écarte pour me laisser entrer mais c’était sans compter avec le videur. Vous connaissez quelqu’un à l’intérieur ? Je me tourne vers le black à dreadlocks. Une belle bête qui m’accroche une épaule de ses gros doigts comme si on était de vieux potes lui et moi. M’obligeant à reculer avec l’aplomb de celui qui gagne d’avance tous ses combats. Il y a pas vraiment de monde autour mais je répugne comme toujours à m’expliquer. Le videur continue en anglais. Si vous connaissez personne je peux pas vous laisser rentrer. J’hésite une seconde avec un raie de lumière qui me fait cligner des yeux. Je suis même à deux doigts de faire demi tour. Quoique le type porteur de tout le faux message d’une nuit Barcelonaise mériterait de finir au fond de son puits de merde. D’ailleurs je ne comprend pas l’histoire. On est à peine une dizaine d’ombres à s’agiter en comptant celles que je perçois dans l’entrebâillement de la porte en fer. J’y vois quelques gamines de dos au comptoir, les jambes à moitié écartées et frémissantes. C’est que des promesses en l’air et je pige pas ce que deux types dont un bien mûr pourraient gâcher dans une rue crapoteuse redécorée en direction du tourisme de genre. Dire qu’on a été foutu d’aller chercher le dernier bar au loin simplement parce qu’il brillait plus que les autres. Un néon bleu et des lumières fauves en guise de piège à rats, plutôt une taverne miteuse et sur-vendue. C’est bien beau d’aimer par principe tout ce qui ressemble à un plateau de cinéma, faut pas non plus se retrouver au centre de l’action avec un baraqué gras des reins qui brûle d’ennui et se fait chier comme un mort dans la nuit tombante. Je ne suis pas doué pour ces explications d’homme à homme. Tout ce qui fait appel à la bestialité archaïque dont nous serions tous porteurs au plus profond de l’inconscient.  J‘ai choisi depuis longtemps un monde à part. Dans le mien les choses sont divisées selon leur authentique valeur. Le but étant de ne jamais perdre une seconde à profiter de L’instant Présent.. Jouir de la vie, des choses, de tout ce qui se mesure à l’aune des viscères, de la graisse laissée par le passage des étouffe-couillon. Autant dire les neuf dixièmes de tout ce qui se produit et se vend sur terre. Quand on pense que des gens sont prêts à tuer père et mère pour s’offrir la dernière cochonnerie d’Apple. Pauvres crétins. Travaillant comme des fous pour payer de leur poche une corde qui va leur fracasser la nuque. Suivez moi dans toute cette histoire et vous en saurez assez à la fin. Plus jamais vous ne verrez ce Monde de la même façon. ..

                                                     de "Nucléus"

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