Jusqu'à ce que la mort ...

Antoine Berthe

                                                      Jusqu’à ce que la mort ?

            Je sentais ses seins contre ma poitrine.

          Ses tétons, durs comme du béton armé, me transperçaient les côtes à chaque tressautements.

            Ses cheveux me caressaient la joue alors que j’avais le nez fourré dans son oreille gauche.

            L’os de son bassin me pénétrait douloureusement l’aine et je remuais imperceptiblement à la recherche d’une position plus confortable.

            Il me semblait sentir le renflement de son pubis au travers de sa robe contre ma cuisse sanglée dans mon costard de circonstance.

            J’imaginais sa chatte glacée et un frisson malsain me parcourut l’échine.

                                                    *****

             Dehors dans le froid, Michel tapait du pied sur le sol, répétant ainsi le geste universel du planton en train de buller en attendant qu’on l’envoie glander ailleurs. 

            Son talon fit éclater la fine couche de glace couvrant une flaque traîtreusement masquée par la boue de novembre.

            Le bas de pantalon détrempé, Michel jura entre ses dents, lançant un regard furibard au collègue qui se marrait à la vue du spectacle.

            En même temps, il ne pouvait pas lui en vouloir.

            Fallait bien avouer qu’il n’y avait pas grande animation dans ce bled paumé dans ces circonstances sinistres.

            Déjà que le voyage n’avait pas été folichon.

            Le gamin n’avait pas desserré les dents de tout le voyage et il apparaissait difficile de tenir les conversations futiles habituelles avec le collègue vu le contexte.

            Cinq cents bornes avec des monosyllabes comme conversation. Juste un petit signe de tête pour remercier quand on lui enlevait la clope du bec pour lui secouer sa cendre.

            Bon d’accord, c’était à peine humain de même pas lui enlever les menottes pour qu’il puisse s’en griller une à son aise mais les consignes, c’était les consignes.

            Vu le pedigree de leur client, les deux flics ne pouvaient pas se permettre de prendre de risques. Vingt mentions au casier, presque une par année de vie. Il ne s’agissait pas de se laisser attendrir.

          N’empêche, une fois sur place, Michel et son collègue ne s’étaient pas vu entrer avec leur prisonnier dans le salon mortuaire.

           Le cercueil au centre de la pièce tendue de rouge sombre sous le crucifix ouvragé en cuivre.

            Les couronnes de fleurs sinistres.

            L’odeur entêtante de l’encens.

            Et surtout, toute la famille du taulard qu’il l’y attendait pour qu’il puisse avec elle se recueillir sur la dépouille de sa femme avant l’enterrement.

            Deux flics encadrant le jeune veuf avec en fond sonore les sanglots de la grand-mère, ça ne l’aurait pas fait.

            Aussi avaient-ils décidés de l’attendre dehors, montant la garde devant la porte du petit presbytère de montagne presqu’entièrement enseveli sous la neige.

            De toute manière, il n’y avait aucune autre issue. Juste une petite fenêtre au travers de laquelle ne serait pas passé un enfant rachitique.

            Le périmètre était sécurisé quoi.

            Et puis c’était bientôt fini de toute manière.

            Les croques-mort venaient de sortir le cercueil.

            Encore quelques instants et on récupérerait le colis pour le ramener gentiment à la prison après un crochet par le cimetière.

                                                        *****

             J’ai entendu le moteur du corbillard démarrer de l’intérieur de la boîte.

            Ça n’a pas réveillé ma belle trop bien endormie allongée sous moi …

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