Juste avant l'aube...
redstars
04H50
Je me suis couchée très tôt hier, lasse.
Il fallait que j'abrège la journée, une fois pour toutes, que je lui mette un terme. Dès vingt-heures trente, je cherchais déjà le sommeil, ensevelie sous les draps. Je n'ai pas passé trop de temps à le chercher dans la forêt noire, car j'ai vite sombré au pays des mauvais rêves. Tant pis, c'est toujours mieux que de tourner en rond dans la vraie réalité. Avec ses mauvaises nouvelles, avec ses dépressions, avec ses manigances, ses mensonges, ses cruautés. Son égoïsme, ses folies autorisées, ses guerres et ses menaces. Et ces grands hommes qui oublient leur petitesse, et les conflits, la peur. Non, c'était au-dessus de mes forces. Plutôt dormir. Continuez sans moi, vu que (de toute façon) je tourne à l'envers.
Je m'éveille, accompagnée d'un café très édulcoré. Seule. J'aime ces heures encore noires où tout semble encore dormir, où tout semble encore possible, où le calme règne encore et dehors et dedans.
Comme si le monde ne tournait plus, enfin. Comme une pause avant que tout ne se remette en marche, à tournoyer, à s'agiter, à faire du bruit... Oui, c'est quelque chose comme ça que je ressens. Comme si la planète ne bougeait plus, figée, comme si les gens avaient disparu quelques heures, comme si j'étais seule à écrire ou bouquiner, à profiter du restant de nuit avant l'aube. Et l'envie de toujours, et l'envie de sortir, d'aller n'importe où, m'enfuir sans laisser de trace dans cet univers en suspend. Fuir comme une étoile filante dans la nuit qui se meurt, là, une dernière fois.
Entourée d'une guirlande lumineuse et de bougies, je peux entrevoir les volets clos depuis ma fenêtre, et le ciel si sombre que les montagnes au loin semblent invisibles. Une voiture passe de temps en temps, mais dans ce petit village en bas des montagnes, c'est encore l'hiver dans les ruelles et dans les cœurs. En tout cas dans le mien.
Bientôt, la vie reprendra. Les voitures, les parents pressés qui tireront leurs enfants jusqu'à l'école avant de se rendre au travail, les travaux, les discussions à droite, à gauche, et la lueur du jour, et la lumière du jour, de celle qui annihile les étoiles que je cherche en vain dans le ciel de ce matin.
Je me rappelle quand je vivais la nuit, c'était cette même sensation, ces mêmes ressentis qui me plaisaient. Tout paraissait en hibernation. Tout semblait disparu, comme volatilisé, comme s'il ne restait que moi, comme si je pouvais enfin reprendre mon souffle.
Et puis, en clinique, il a fallu me redonner des rythmes dits normaux. On me surveillait pour que je me lève à telle heure, que je reste debout tant d'heures, que je ne m'allonge pas avant telle heure. J'étais devenu un vampire. Et ça ne me dérangeait pas, au fond. De sentir ces canines pointues qui avaient poussé luire dans l'ombre...
Je vais cesser d'écrire et profiter, et me calfeutrer dans la plus douce des mélancolies, là, au chaud dans mon gros gilet rouge sombre.
Profiter avant que le monde se remette à tourner dans ma tête. Profiter des lueurs fragiles, celle de la flamme qui vacille. Et peut-être écrire encore, sans réfléchir. Voire pleurer un peu, mais juste un peu, car cette heure est aussi celle des larmes les plus amères.
On verra...
J’aime tout ce que vous écrivez parce que vous le faites vraiment bien ❤️
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Merci infiniment Nehara pour vos commentaires et ces lectures <3
· Il y a environ 7 ans ·redstars