Kito x Valentin

azakura-san

"Rien que pour toi, rien que parce que c'est toi, et personne d'autre, pour toujours, à jamais. Si je le pouvais, je nagerais un océan pour te rejoindre."
"Parce que je n'ai connu personne d'autre que toi, parce que ma vie a trouvé un sens lorsqu'elle a croisé la tienne."
"Jamais je ne pourrais me résoudre à ne pas tenir cette promesse, crois moi un jour nous serons réunis et rien ni personne n'entamera notre étreinte."


Tels furent les derniers mots de Kito pour Valentin avant le Grand BlackOut qui n'était pressenti que pour dans quelques années par les plus éminentes entités scientifiques et spirituelles mondiales. En effet, une série d'évènements extra-planétaires devaient avoir pour conséquences de nombreuses modifications structurelles et métaphysiques, à commencer par un changement d'orbite planétaire et une altération fondamentale du phénomène éléctrique. Comme prévu, toutes les installations énergétiques, les centrales, les générateurs, les moteurs, les dynamo, avaient cessé de fonctionner. Mais surtout ce que personne n'avait pu théoriser ou même imaginer, c'était l'incidence sur le cerveau humain, devenu incapable de coordonner et traiter toutes les informations relatives aux sons et à la parole. La catastrophe fut si soudaine que de toutes parts, la panique saisissait les populations, provoquant terreur, désespoir, accidents, détresse et suicides.
 
La tête dans les mains sur le bord de son lit, laissant les larmes lui rainurer le visage, Kito ne pouvait détacher son esprit de Valentin. Le destin était si cruel. Pourtant, ils avaient tout prévu : se retrouver quelques mois plus tard pour se préparer à l'Evènement, partir pour la Neopolis ensemble, vivre enfin réunis et découvrir la nouvelle existence qui s'imposerait bientôt à eux, forts de leur union. L'appréhension et la peur les avait déjà profondément consumé et l'amour absolu qu'ils se vouaient l'un pour l'autre était bien la seule chose qui leur avait permis de faire face jusqu'à présent.
Avec l'énergie du désespoir, Kito se redressa, chancelant, le regard dans le vide, il se dirigea vers la fenêtre, l'ouvrit en grand et ferma les yeux, comme essayant de percevoir un signe, un message. Les règles n'étaient plus les mêmes, quelque chose avait changé, il le ressentait dans l'air. En bas, tout n'était que désolation, les Hommes étaient littéralement anéantis par leur propre folie. Kito contempla le triste paysage insensiblement, tel un juge devant le banc des accusés. Il les haïssait, tous ces faibles qui dans leur desarroi entrainaient avec eux femmes, enfants, amis. Pour tous, ce boulversement était insupportable, insurmontable, incapables d'entrevoir une ère nouvelle, un espoir naissant, les foules se pressaient sur le haut des immeubles, sur les ponts, au bord des fleuves et des ravins, afin de faire taire leur supplice sans avoir à mourir seuls. Kito n'eut même pas de sentiment face à ça, il franchit le seuil de la porte de sa chambre, sortit de l'appartement, descendit les escaliers, traversa la rue pour rejoindre l'axe central de la ville, et se mit à avancer. Il avancerait en direction de celui qu'il aimait, d'instinct il avancerait tant que celà lui serait encore possible de le faire, il avancerait car c'était la seule chose qu'il lui restait, la seule chose que son esprit pouvait concevoir. De part et d'autre, les cadavres s'amoncelaient. Certains l'interpelaient pour faire de lui le témoin de leurs derniers instants, sans doute parcequ'ils ne voulaient pas mourir dans l'indifférence la plus totale. Mais son regard dépassait ce que ses yeux lui montraient, rien ne pouvait lui faire quitter son objectif de vue.

Invariablement, il avança, errant, arpentant, gravissant, traversant, parcourant, progressant sans cesse. Des jours et des nuits durant, les paysages défilaient, s'enchaînaient, sous ses pieds, les choses avaient changé, il le ressentait dans la terre.
 
Il brava les tempêtes, le froid, la pluie, les vents, ou encore la fournaise et l'obscurité, la seule chose lui dévorant les entrailles était la solitude. La seule image qu'il percevait avec discernement était le visage de Valentin. Franchissants obstacles après obstacles, trébuchant, vacillant, chancelant, il lui fallait poursuivre, irrémédiablement, perpétuellement, réduire encore, et encore, l'intervalle.

"Si je le pouvais, je nagerais un océan pour te rejoindre."


Au terme d'un interminable périple, ses yeux s'ouvrirent sur l'immensité infinie et bleue, un bleu si doux pourtant, comme empreint de compassion. Ce fut comme un éveil, l'éveil d'une douleur si intense, une tristesse infinie, le véritable tonneau des Danaïdes. Le vent se leva en une bourrasque, lui cinglant le visage, dévoré par la crasse, tané par le soleil, laissant appaitre tels des saphirs sur un lit de grenat, ses yeux à l'expression à la fois vaillante et désespérée. Si seulement il ne pouvait ne serais-ce que voir par delà tous ces flots, voir pour savoir si celui pour qui il avait prêté serment allait bien... Juste ça. Savoir au moins s'il n'était pas triste, ou malheureux, savoir s'il ne manquait de rien, savoir s'il pensait encore à lui, savoir si... s'il était encore en vie.
Cette douleur était si violente, repensant à leurs moments de complicité partagée, cet amour innocent qui avait pris racine, unissant leurs coeurs pour l'éternité. C'était devenu une certitude partagée, une évidence. Il repensait au sourire de son bien aimé, aux mots d'amour et d'affection qu'ils s'envoyaient sans cesse, à cette fierté qu'il ressentait chaque jour de pouvoir rendre heureux celui qui, jusqu'à présent n'avait pas eu une vie facile, à ce besoin de le protéger, aux moments de rire, où chacun se sentait comblé n'attendant qu'une seule chose, le moment où enfin ils seraient réunis, corporellement.


Kito resta prostré ainsi un moment, seul au monde. Le corps animé de spasmes de sanglots, inconsolable, il finit par oter ses vêtements, pénétra dans cette abîme horizontal jusqu'à n'avoir plus pied. Le cycle des marées n'avait pas cessé, mais les choses avaient changé, il le ressentait dans l'eau. Il nagea, si loin, si longtemps, il nagerait, encore et encore, jusqu'à l'épuisement, il n'avait plus nulle part où aller, et, il se devait de faire celà. Déployant une volonté sans borne, avec hargne, avec rage, il ne s'arrêta pas, et tint bon, des jours et des nuits durant, lui sembla-t-il. L'effort attenuait sa peine, plus il avançait, moins il ressentait ce chagrin, et tout commençait à se mélanger en une farandole de sensations entre apesanteur et mélancolie, regrets, peine et détachement. Il lui semblait quitter son corps, emporté par les flots sur lesquels son âme paraissait glisser avec allégresse. Il se sentait partir en ayant le sentiment d'avoir fait ce qu'il fallait.

Lorsqu'il reprit conscience, Kito se trouvait face contre le sable humide. Il se releva, étourdi, sonné, il ne savait ni où il était, ni même s'il se trouvait être encore en vie. Au loin, sur la plage dont les galets brillaient de mille feux sous un soleil radieux et un ciel opalescent, il aperçut une forme. Il s'avança en puisant dans ses dernières ressources; quelqu'un était assis, la tête dans les genoux. A chaque pas, Kito manquait de s'écrouler. La silhouette se redressa, puis s'approcha en direction du jeune homme qui dans un ultime vertige, s'effondra d'épuisement. Sa vue se troubla, il sentit qu'on lui prit la main, puis un doigt de dessiner des lettres dans sa paume :


"Je t'attendais, parce que c'est toi, et personne d'autre."


Rien n'avait changé, il le ressentait dans leurs larmes. A présent plus rien ne les séparerait.
Etait revenu le temps de l'amour, et celui de croire aux miracles.

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