LA BALANCOIRE

Catherine Killarney

Un petit texte que m'a inspiré un célèbre tableau de Fragonard...

Le château était en pleine effervescence. On attendait pour le soir la visite du marquis de Kervalec et de ses deux fils. Emilie savait que l'ami de son père, haut personnage reçu à la cour, ne s'était pas déplacé pour rien. A quinze ans, richement dotée , Emilie constituait un parti des plus convenables. Sa mère lui avait affirmé que les deux garçons avaient aussi belle allure l'un et l'autre.

Emilie avait donc soigneusement choisi sa toilette : une robe de soie corail, avec de la dentelle et des petits nœuds blancs, et un tour de cou en fleurs assorties. Sur ses bas blancs, elle avait enfilé les adorables pantoufles du même ton que sa jupe puis sa femme de chambre Manon s'était occupée de l'opulente chevelure blonde, qu'elle avait relevée en petit chignon.

Tandis que les adultes échangeaient les salutations d'usage, Emilie proposa aux deux jeunes gens de leur montrer leur parc. Elle attrapa son chapeau de paille et ils descendirent jusqu'au petit bois où l'on avait installé une escarpolette.

- Mademoiselle, asseyez-vous ! proposèrent-ils.

Emilie s'exécuta, rougissante et l'un de ses deux compagnons s'empara des cordes qui permettaient de donner de l'élan à la jeune fille, sans la toucher, ce qui aurait été fort osé. Le deuxième garçon s'assit en face et ébloui contempla la dentelle de la robe et des jupons qui flottaient autour des délicates chevilles blanches. Absorbé par cette vision charmante, tandis que son frère rêvait de lâcher les attaches et de pousser de ses mains le jolis dos de la demoiselle, les deux garçons ne virent pas arriver le marquis et les parents d'Emilie.

- Et bien jeunes gens, n'allez-vous pas un peu vite en besogne ? Emilie, descends de là et ramasse le soulier que tu as perdu… Ma fille, vous me décevez.

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