La banque des aquarelles

arnaud-luphenz

En préparant mon exil, je m’étais procuré de faux papiers d’identité auprès d’un artisan en service commandé, le regretté Miguietti. Il avait été retrouvé peu après la transaction, la tête tranchée dépassant avec grand-peine d’une bouche d’égout. Fruit manifeste d’une faute de goût. Mais grâce aux talents de cet infortuné,Tristan Morete ouvrit ce jour un compte courant à la Banque des aquarelles. Quel nom enchanteur pour une vulgaire chaîne de dépôts ! Elle était surtout réputée pour ne pas trop s’attarder sur la provenance de ses finances. Un employé au sourire carnassier tenta de me convaincre, en dépliant sa panoplie de simagrées, que ma venue était le plus beau jour de sa vie. Qu’il soit aux anges rendait son visage des plus obscènes. Il semblait jouer sa carrière sur chaque argument et m’assénait des vérités comme autant de bouts de gras. En bon fossoyeur d’économies. J’expédiai au plus vite les formalités d’usage, en flairant un chapelet d’arnaques en embuscade. Mon instant favori fut celui où je m’extirpai de la tenaille en ayant fait exécuter mes volontés décimales. La porte tourniquet sanctionna ma réussite mieux que ma carte de retrait flambant neuve. Je n’étais pas près de retourner au pays des rentes viagères et du serpent monétaire. La roulette russe avait clairement plus de panache pour le forcené souhaitant hypothéquer son existence. La cible importait peu dans ce cadre. Emouvante ou non. Seul comptait le frisson fendant la chair.

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