La belle et la botte
Pierre Miglioretti
Dans la rue, une charmante donzelle
Cherchait avec le plus grand zèle,
Une chaussure à mettre à son pied,
Un amour véronais qu’elle pourrait copier.
Elle arpentait ainsi les tavernes,
Pour que l’amant la discerne,
Distillant dans son corps soigné
Le parfum de l’amour empoigné,
Divulguant de son corsage de damnée,
Les chairs du regard jamais dédaignées.
N’aurait-elle pas mieux fait,
Pour ne pas risquer les méfaits,
De ne revêtir qu’une poche à déchets,
Attirant plus mouches que gras gorets ?
Mais on reconnaît plus facilement l’âme-sœur
De plein jour que dans un bain de vapeur.
Aguicheuse guettait-elle au café,
L’homme promis par sa bonne fée.
Se trouvant conséquemment prise d’assaut,
Par un de ces affreux puceaux pourceaux,
Elle prit son sac et la poudre d’escampette,
Laissant échapper un escarpin dans la tempête.
Passé minuit et le pied déchaussé,
Seul le logis et le plaid écossais
Pourraient dans son corps peu calfeutré,
Restituer la chaleur naturellement attitrée.
Mais, bientôt au loin, vient la héler
Un jeune galant, par l’alcool rendu fêlé.
Lentement et titubant car soûl-allié,
Il trimbale de la demoiselle le soulier.
Etonnamment il se trouvait que le breuvage
Avait rendu le jouvenceau plus que sage.
Ainsi sourit-elle de ses blanches quenottes,
Lorsqu’il osa lui proposer la botte.
Si l’amour demande l’étincelle
Nul besoin de feux artificiels,
Se munir de quelques silex
Rendra incandescent les sexes.