La belle qui passe

nessim

poème à vers libres


C'est l'automne, un cours d'eau découpe une terre humide, 
une femme au bord, promène des yeux absents.
Le vide de son regard, n'a de place qu'au courant
porteur du goût amer du mâle dont elle se vide
maintenant.
C'est le jour c'est le moment c'est l'heure,
pas celle que l'on décide mais celle qui s'impose.
Besoin venu de fuir, fermer tous les compteurs
descendre les volets et laisser porte close.
Elle y est,
pour finir de défaire, 
hier, marqué, à ses pieds
au bord de cette rivière.
Ca fait déjà longtemps qu'elle aurait dû la faire
cette dernière lecture, d'une page, des trahisons,
couper ad-vitam ce qui reste du cordon,
faire un dernier hommage, dernier rite funéraire
Là, où son homme laissait son cheval dans l'eau,
pour s'occuper plus loin de son autre monture,
brûlé par le désir, fallait qu'il frotte sa peau,
on ne peut pas se battre contre sa vraie nature
ma pauv' dame !
Disait-il souvent en riant
en plus de préciser : c'est de la viande, pas du cœur
un grand désir très fort, naturel et...charnel !
Et puis s' il l'a trompée faut pas lui tenir rigueur,
l'important c'est l'amour, et lui, il n'aime qu'elle.
Ajoutant vin aidant, comme s'il en fallait
insultes pour la dernière qui l'avait soulagé,
et qui bien entendu ne fera que passer
qui est déjà d'hier....qu'on peut bien oublier.
Alors…   
Comme il avait changé son homme son cavalier  
qui n'a eu de leur vie qu'une vue bien cavalière.
Sans regret ni envie elle jeta comme une pierre
au lit de la rivière bague, selle et photos,
restes et traces du passé, en pluie, le tout à l'eau,
comme on défait les draps au bout d'une nuit de fièvre,
le mot fin, dans les yeux, un plein d'images aux lèvres
soleil levant
air transparent  
Seule, assise, le regard flotant, une phrase est venue,
de celles qu'on ne pense pas s'entendre dire un jour.
Elle l'a dit presque absente, juste : "je ne l'aime plus",
sentence de mise à mort au procès de l'amour.
au centre d'une arène
en plein soleil
un matador sommeille
pour une nuit éternelle  
Formule libératrice  ce "je ne l'aime plus"
plus  question de justice,  plus besoin de coupable
elle fait taire la mémoire des traces de coups reçus
les blessures ouvertes deviennent cicatrisables.  
elle en a eues
elle ne "l'aime plus"
Elle est belle de ce vent qui lui vient de demain
elle n'a plus d'amertume, son regard est serein
en quittant la rivière, elle chuta et soudain
dos à terre elle chanta, bras tendus vers le ciel.
Il la remit debout d'un seul souffle de main,
en lui offrant la plume qui lui manquait aux ailes.


Ecoute-la chanter, eau qui court, eau qui passe,
sa voix brille d'étoiles dansantes à ta surface,
écoute cette mélodie, brise d'automne qui efface
aux jours à venir, du passé toutes les traces.  
Elle va marcher lentement singulièrement légère,
jusqu'au jour annoncé où souvenir se perd,
jusqu'à en oublier qu'il y avait une rivière,
si bien qu'aux temps venant, l'eau coulera derrière…  


La rivière, elle se souvient d'une belle de passage
qui sans l'aumône d'une larme, a bouclé ses bagages
et d'un cheval tout blanc sans selle en fin d'hiver
galopant seul, d'avoir… mis cavalier à terre.
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