La bête
yahn
Il faisait nuit. Seuls quelques rayons de lune traversaient les feuillages. Je me sentais étrangement bien, apaisé. Je faisais mon tour comme tous les soirs dans la forêt. Tout était calme. Plus loin, dans la clairière j'aperçus un feu de camp. Autour, deux hommes installés sur des couvertures, leurs visages éclairés de flammèches orangées. J'approchais discrètement jusqu'à l'orée du bois. Ils étaient là à quelques mètres mais ne pouvaient pas me voir. L'un avait la quarantaine, l'air posé. Il faisait cuire des merguez. A côté un jeune avec des cheveux longs, belle gueule, très agité et parlant fort. L'homme cherchait à lui dire quelque chose et finalement le gamin écouta. Visiblement il avait du respect pour sa parole. Je tendis l'oreille aussi.
« Il y a longtemps – ou du moins il me semble – j'ai erré dans ces sous-bois perdus où tu vis aujourd'hui. J'ai vu ce monde, ou du moins ce qu'il est possible d'en voir tant le brouillard y est dense. J'y ai traîné longtemps au milieu d'autres bêtes, me blessant contre les murs et les gens. Seuls quelques pâles rayons de lumière creusaient ça et là l'ombre des feuillages me rappelant qu'un autre monde existait peut être. J'ai beau t'alerter sur la noirceur de ce chemin, tu ne veux rien savoir et t'y complais. Alors je dois te prévenir : dans ces limbes vit une bête, une force qui n'a rien d'étrange et tout de maléfique, et elle y campe pour toi. Tu la reconnaîtras quand elle viendra. Elle ressemble à cet « animal esprit » qu'on croise « par foi » dans d'autres chemins de rêves, ceux du chamanisme. Mais elle ne sait aucune médecine. Si tu n'y prêtes pas attention et ne fuis pas ce monde très vite, elle bondira sur toi telle une malédiction. Elle n'aura pas le regard d'un jaguar ou l'envergure d'un aigle planant au-dessus des cimes, mais juste une forme sombre qui te traînera vivant, presque inconscient, telle une dépouille sur ton parcours ».
Je n'aimais pas la voix de cet homme et repartis comme j'étais venu. Pas de brouillard ce soir, étonnant.
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Un récit vraiment bien mené. Une atmosphère inquiétante.
· Il y a presque 11 ans ·Je décide d'insister comme elea : une suite ?!!!
Sylvie Loy
Merci beaucoup Sylvie... pour la suite, deux voix contre une (celle de ma flemme), je m'incline... je vais donc confier le dossier à mes neurones les plus tordus pour écrire la suite... encore merci !
· Il y a presque 11 ans ·yahn