La bête

Yannick Bériault

Il faut voir la veulerie du monde

Le regard fuyant de ceux

  qui soutireraient le souffle

   aux enfants engendrés dans

      les fééries éoliennes

    des périples sensoriels

        de nos terribles ancêtres

Il faut égorger la bête

    qui à même leurs faibles mains de vendus

  dévore chaque jour de semaine les petits,

 Égorger l’ogre moderne

        qui étouffe la genèse

          du sang blanc, qui n’attends

             que de féconder les plaines

                   et se love sur lui-même…

Nous allons préparer le festin,

     monter la faste tablée

        qui attendra le meurtre

      de la bête à quinze têtes

Préparer les artisans

    au tissage affairé de ses nerfs

   Faire des sauces subtiles

          avec son sang noir

Ce n’est qu’en changeant la bête

        en noble festin,

    en invoquant Bacchus

        sur ses chairs palpitantes,

    que sera conjuré son fantôme

               - hantise de trois siècles,

               pesant de sa carcasse gonflée

                   sur les fils et filles

                    de la modernité -

   et libéré l’avenir,

       les nouvelles ères naissantes,

         de ses pourritures sépulcrales,

           des ressacs agonisants

                de son aveugle gloutonnerie

   Inaugurés les périples innocents,

      les épopées sauvages

         des renaissantes

         Humanités,

      l’assouvissement,

            la violence des morsures,

              dans l’iris galvanisé

            des consciences solaires ;

Ouverts grands de Nouveaux horizons,

  La Bête consommée révélant en nos rêves de banquet

   les couleurs agitées de la multitude irisée,

    qui attend au fond des matières et des rêves

    les devenirs intrépides

  du corps rajeuni des assemblées humaines

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