La bête

inky--2

Je me sens prisonnier. Mais prisonnier de quoi ? De moi ? Oui, mais ce n'est qu'une partie de la réponse. La solitude au fond n'existe qu'accompagné. Que ce soit accompagné de sombres pensées, de gens trop ordinaires, de méchanceté, de conditions misérables en tous genre ...

Je me sens comme enfermé dans une cage, avec plein de monde autour. A la limite, si les parois de la cage étaient hermétiques aux sons et à la lumière, j'en mourrais évidemment. Mais il semble que l'on n'ait pas choisi cela pour moi. Car la cage est plutôt faite de barreaux de fer très épais. Les gens " m'entendent ", ils peuvent même " me toucher " ; ils entendent des hurlements et des cris étouffés parfois, et ils se disent, ignorant que le mot " Hurlement " existe, que ce n'est que la façon de s'exprimer de la charmante bête. Or cela n'est évidemment pas le langage de la bête ... mais finalement, si.

La bête aimerait parler avec les gens, mais c'est trop tard. La bête aimerait s'amuser, mais c'est trop tard aussi. Pourquoi aimerait-elle tout cela ? Et bien parce que dans son coeur, il y une empreinte. L'empreinte de l'insouciance, l'empreinte de l'enfance certainement. Puis les gens ont grandi, ils sont devenus adultes. Pas la bête. Pourtant, la bête a grandi aussi. Et cela sans oublier l'insouciance de l'enfance. Et relativement rapidement, elle s'est rendue compte que chez les autres, l'insouciance s'est transformée en souciance. Non pas qu'il s'agisse de l'idée de se faire du souci pour quelque chose, ou pour qu'elqu'un ... non ! Mais la souciance ! C'est à dire le fait de tout transformer en objets de désirs intéressants, de tout évaluer, de tout peser, de tout acheter, bref ... c'est à dire de faire de tout quelque chose, au moins quelque chose. Or, la plupart du temps, en observant les Hommes, on aurait de bonnes raisons de penser qu'alors, rien c'est toujours mieux que quelque chose. 

Alors la bête, devenue aigrie, est aussi devenue méchante, véhémente, critique, sarcastique. On l'a alors enfermée dans une cage, en jetant la clé dans les égoûts. Et depuis ce jour, la bête n'a pu y sortir d'une part, et d'autre part elle ne le souhaite pas, au fond de son coeur. Car elle ne veut pas perdre son " insouciance ", mais surtout car elle ne veut pas trahir et son coeur et son esprit ... le pourrait-elle d'ailleurs ? ... C'est trop tard, elle a prit le pli de sa vie de bête de foire. Et si un jour, par un heureux hasard, on venait à lui ouvrir la porte de sa cage, et bien elle ne sortirait pas. Que ferait-elle alors ? ... Ce qu'elle ferait c'est de faire rentrer dans sa cage celui ou ceux qui ont tenté de la libérer, et elle refermerait la porte, en exigeant cinq ou six verrous supplémentaires.

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