La blondeur de la nuit partie 5
line-cebee
XXIX
Combien de pieds après le dernier virage ?Cinquante-six ôté de mille.Oui c’était cela, beaucoup moins que trois-cent mètres. Le panneau indiquait des inondations fréquentes en aval, ça ne pouvait pas être plus loin. Une fourche. Où aller ? Sur la gauche ? Sur la droite ? Une halte. Écouter, laisser venir.Le temps s’écoulait. Onze systoles, c’était beaucoup trop long. Il fallait choisir.L’éclair permis un cliché précis. Les empreintes étaient plus profondes de ce coté et l’eau faisait des baquets miroitants dans les ornières. Attendre encore. Huit systoles. L'orage était proche.Un autre éclair donna de la vue sur le chemin de droite.Il était très étroit pour un véhicule à quatre roues. Les branches de pins étaient pliées. Elles n'avaient pas encore retrouvé leur forme initiale. Le passage était récent.Il n’y avait aucun doute.C’était là, sur la droite.
Quand la blonde massive fut installée au milieu des objets métalliques, les portes arrières claquèrent et le véhicule se remit en branle. Jena était désormais incapable de prendre la mesure des nouveaux événements. La terreur qui avait jusque là paralysé son corps, commençait à jeter ses filets sur son esprit. Son interlocuteur ne faisait plus aucun cas de sa présence et lançait, à travers les plissures de son regard torve, des coups d’œil complices au rétroviseur intérieur.-T’as fait gaffe, en venant ? Il y eut du mouvement à l’arrière puis, quand la silhouette s’immobilisa, une voix éraillée aux accents traînants répondit.-RAS. C’est pas facile d’endormir la môme, surtout depuis que son frère n’est plus là. Mais elle prendra l’habitude, va.-Pas de mouvements par chez vous ?-Pas un flic, pas de traces de Jean Sté. Personne n’est venu fouiner. -On a une hôte de distinction, reprit l’homme en riant. Jena serra les dents et continua de fixer la route.-Commence pas à utiliser des mots de plus de trois syllabes pour impressionner la dame. -Oh tu sais Suz, pas besoin d’en rajouter. La petite dame est déjà bien impressionnée. Et, je crois qu’elle a bien raison… Qu’est-ce-que t’en penses, feula-t-il. Suzanne Latour ne partageait pas les mêmes raffinements sadiques que son acolyte. Pour toute réponse, elle grogna et tenta de déplacer son énorme postérieur vers une place moins encombrée, sans succès. Après cet effort, son débit verbal était entrecoupé d’un souffle plus court et des gargouillis affleuraient ses cordes vocales. Son ton était pourtant sans appel :-Ouais, ben compte pas sur moi pour vous accompagner jusqu’au bout. Moi, je reste au volant. En cas de problème, je bouge et je repasse te chercher après. Jena Mileto avait distingué le changement de pronom d’une phrase à l’autre. Un sanglot se présenta à l’encolure de ses voies respiratoires, elle le ravala avec véhémence. Elle s’interdit de craquer… Quand bien même Suzanne Latour venait de trahir lourdement qu’elle ne repasserait chercher qu’une seule personne à la fin du premier acte.Dés qu’elle eut posé son pied dans la bourbe épaisse qu’était devenu le sol de la forêt, Jena su que ce voyage serait le plus terrifiant jamais vécu… Et peut être, elle avait du mal à se le figurer, le dernier. Sa bouche était devenue très sèche malgré l’air ambiant et elle avait du mal à déglutir. Devant elle un faisceau jaune forait le noir épais du bois et jetait des éclaboussures lumineuses sur les troncs et les branchettes. Derrière elle le souffle dense et rapide de son suivant frisait ses oreilles et sa nuque et la ramenait sans cesse à la terreur sans fin de l’instant. Il lui avait interdit de se retourner sous peine de lui exprimer physiquement son mécontentement et elle tenait à retarder le plus possible l’échéance d’un contact physique quel qu’il soit. Elle faisait violence à chaque fibre de son corps pour maintenir son cap sur la trouée jaune qui allumait les bois et avançait prudemment ses pieds dans le sol gluant. A la manière d’Orphée, sanglé d’œillères invisibles, elle cheminait dans la boue noirâtre sans se retourner. La comparaison était bien trouvée, si on omettait qu’Orphée avait été contraint de ne pas se retourner sur le retour des enfers… Alors que Jena Mileto en prenait sans doute la route... Après une côte très instable, ils avaient débouché sur un plateau dont les ténèbres empêchaient de prendre la mesure. Il n’y avait pas de sentiers entre les arbres, mais la voix la dirigeait avec précision. Ils s’enfoncèrent pendant un temps indéfini dans le souffle glacé de la forêt. De temps à autre une direction claquait comme un fouet. Il fallait prendre garde aux racines et aux branchages et arracher ses pieds aux mâchoires de la boue, pour virer de bord. Les faisceaux lumineux éclairaient Jena de derrière et la césure noire de sa silhouette créait un angle mort en plein milieu de son centre de vision. De chaque coté de son visage des nuages blanchâtres accompagnaient ses exhalaisons. Comme si la scène n’était pas assez abominable, chaque pas coûteux était accompagné d’un cliquetis. Ces cliquetis, elle en était maintenant sûre venaient d’objets métalliques que l’homme avait pris soin de sortir du coffre, avant leur marche...Funèbre.Le mot avait jailli dans sa conscience malgré elle. Elle ravala à nouveau des larmes et s’exhorta aux pensées les plus rationnelles. Elle contracta ses poings et ses bras et offrit une camisole humaine à son buste flageolant. Mais des échos morbides continuaient de déferler dans son esprit et elle sentit la contenance qu’elle avait jusque là maintenue, se désagréger.Il arrivèrent dans un espace qui s’apparentait à une clairière. Un dernier baiser poisseux aspira les pas de Jena, puis la voix lui intima de s’arrêter. Elle s’exécuta raide et silencieuse et l’angoisse ravagea encore plus son corps immobile. Des milliers d’insectes brûlants couraient dans ses membres et son squelette et cette fois, il lui était tout bonnement impossible d’avaler sa propre salive.-Retourne-toi.Le ton était toujours aussi sec, mais elle y perçut à nouveau une pointe jouissive. La parenthèse était à présent refermée. Le jeu reprenait. Un jeu dans lequel le chat avait tous les atouts et dans lequel, malheureusement, elle était la souris.
XXX
Quand Jena se fut complètement retournée, un hoquet la secoua. L’homme avait abaissé la lampe torche et un halo mystérieux émanait du sol. Dans son autre main, saillait un sac informe et le manche d’un outil. Il jeta la besace à ses pieds et s’appuya crânement sur la pelle.- Tu m’excuses, j’ai pas eu le temps de la vider après ma dernière petite virée. Ouvre là et ajoutes-y tes effets personnels. - Vous parlez de mes vêtements - Doucement chérie, tu vas trop vite en besogne, rétorqua-t-il en riant. On n’en est pas encore là ! Commence par y mettre ton téléphone, tes bijoux et la jolie montre que tu portes au poignet. Ça pourrait t’encombrer pour la suite. Jena s’exécuta du plus lentement qu’elle pût. Pendant que ses mains réalisaient ces gestes de façon automatique, son cerveau scannait à une vitesse folle l’étendue de ses savoirs, à la recherche d’une solution. Mais ce travail ne donnait pour résultat qu’une série d’avortons idiots, dont la mise en œuvre aurait précipité l’issue malheureuse qu’elle pressentait.Quand le sac fut à nouveau dans les mains de son destinataire, elle se décida à jouer ses dernière cartes.-Se servir du handicap pour réussir des rapines de seconde zone. Quelle gloire !-Tu te moques de mes accessoires ? J'en ai des plus perfectionnés, mais ils sont bruyants. La pelle c'est rustique, mais très efficace. Je l'ai testé sur une dame revêche la dernière fois, ça a mis fin à toute protestation. Heureusement, je n'ai pas que ça à faire de me fader les tarés, les bonnes femmes et les vieux ! Familière, elle adopta le même ton et frappa là ou il était le plus faible. A l’endroit même de son orgueil. - Parce que tu veux me faire croire que tu t’occupes d’autre-chose que des basses besognes, avec ton sac à malices, ta pelle tordue et tes calembours antédiluviens ? Cette fois, les derniers semblants de civilité tombèrent, comme un masque trop lourd.- Ah, marmonna-t-il, tu veux peut-être que je te fasse le récit de mes exploits, petite conne ? Ça ne me dérange pas de tailler une bavette avec toi, mais le temps n’est pas au beau fixe et d’autres affaires m’attendent.Il balança la lourde pelle en travers de son buste et cria :-Creuse ! Ce fut le signal. Quand le manche de bois râpeux et humide cogna les paumes de Jena, une décharge chaude et piquante envahit ses veines. La vague remonta son corps pour brûler ses joues et une pression phénoménale envahit sa tête. Elle vit une dernière fois le halo jaune battu par des rangées d'eau. Comme un phare dans la tempête, il lui indiquait la direction. En même temps qu'elle referma ses doigts sur l'objet, toutes les ouvertures de son corps se refermèrent. Ses mâchoires et ses yeux se cadenassèrent alors qu'elle arma son geste..Elle frappa de toutes ses forces sur le bas de la silhouette. Il y eut un bruit mat et la lampe vacilla. Quelques trombes d'eau plus tard, la lumière s'éteignit et la nuit reprit son empire. Elle entendit alors une voix sourde s'élever du sol en un grondement bas et menaçant, comme une promesse méchante : -Je vais te crever, salope. La course folle de Jena commença à travers les branches fantomatiques et les terres noires des bois...Cela ne soulagea pas son esprit enfiévré mais ralluma les incendies de l'angoisse. La terreur l'aiguillonnait et la perspective renaissante de sauver son être lui insufflait encore plus de peur. Le noir était total aux fonds des bois dans lesquels elle s'enfonçait avec l'espoir d'une orée. Elle agrippait l'herbe des talus, glissait dans des glaises odorantes, offrait son visage aux épines et son corps aux heurts invisibles. Elle n'entendait aucun souffle la talonner. Pourtant elle avait la certitude que ce terrain tombait plus sous la science de son poursuivant que sous la sienne, et qu'il fallait en sortir pour être sur de ne pas être rattrapée.A la faveur de certains éclairs, elle décidait d’une direction dans le labyrinthe végétal. Entre deux éblouissements, des intervalles aveugles la jetaient contre des remparts boisés ou au fond de talus gluants. Elle se laissait dégringoler comme une poupée de chiffon puis après quelques expirations galvanisantes, elle repartait de plus belle.Après une chute plus violente, elle resta sur son séant trempé, les pupilles dilatés et les naseaux écarquillés, à la recherche de signes de poursuite. Mais, la mélopée de la pluie et l’odeur douceâtre de l’humus recouvraient tout et elle ne pouvait se tranquilliser vraiment. Dans sa cage thoracique, son cœur menaçait de rompre la barrière de ses côtes.Une nouvelle décharge éclaira vivement les alentours, et derrière une poignée de troncs chétifs, elle entrevit avec félicité, une paroi de roche claire. Son souffle était court et ses jambes rompues par l’effort et l’effroi. Elle imaginait de façon presque infantile, qu'une quelconque anfractuosité sèche et douillette pourrait recueillir son corps accablé. Le caillou salutaire avait sans doute conservé un peu de chaleur en son sein et pourrait s’y cacher en attendant que la lueur du jour lui rende un peu d’esprit. Des griffes épineuses firent un dernier rempart à son abordage, puis ses mains avides se lancèrent sur les granules rocheuses à la recherche d’un asile. Quelques pas chassés la lancèrent le long d’une pente argileuse dans laquelle se lovait l’énorme morceau de roche. Haletante elle continua de chercher en aveugle, une niche dans laquelle se glisser.
XXXI
Soudain, un gouffre se présenta entre un renfoncement du caillou et le sol, et la main battit le vide. Sous la saillie rocheuse il faisait humide, la terre enflée vomissait son breuvage, mais la paroi était sèche. Jena s’engouffra dans la brèche avec agilité. L’endroit exhalait une odeur fade et omniprésente de terre et de craie et elle se demanda écœurée combien d’invertébrés béats se mouvaient dans ce sombre asile. Malgré tout, elle n’hésita pas à se lover furieusement dans un creux trouvé à tâtons et ses jambes repliées sous son postérieur, elle se mit à guetter les effets des stroboscopes naturels. Ses orteils gelés la faisaient à nouveau souffrir mais elle tentait de mépriser ses membres inférieurs, pour scruter au mieux l’ouverture noire qui donnait sur la forêt. Pourtant, il lui semblait que son corps violenté fonctionnait de façon inhabituelle. Dans cette obscurité insolite et inquiétante, elle avait la sensation étrange de sentir l’embrasure gigantesque de ses iris pour la première fois. Les ouvertures de son visage lui apparaissaient de manière consciente et irréelle à la fois. Elle percevait la chaleur le long de ses parois nasales et le goût acide de sa propre bouche malgré elle.Une tension presque insupportable l’opprimait. Elle s’intimait au silence en violentant son diaphragme, son souffle restait court. Inconsciemment, elle ramena un peu plus ses genoux sur son buste et berça son corps sur les bosselures de la pierre. Les muscles de sa poitrine et ses poumons brûlants réclamaient une halte que la peur empêchait. Elle resta un moment dans cette posture fœtale, rassurante, mais inconfortable. Au fond de sa caverne glacée, elle écoutait avidement le bruit entêtant de la pluie, comme le seul lien avec le monde des vivants. Plus une idée ne traversait sa tête et elle se sentait réduite à la simple condition animale, à la plus pure expression de la survie. Combien de temps se passa-t-il ? Elle n’en savait rien. Les séries d’éclairs s’amenuisaient et le cortège de tambours était allé se faire entendre ailleurs. Quelques roulements lointains traversaient encore la campagne, mais ils étaient assez faibles pour qu’elle entende sa respiration les couvrir. La pluie formait maintenant une bruine revêche et paresseuse et seul un froissement soyeux habitait la forêt.Jena Mileto avait relâché ses épaules douloureuses et les bourrasques anxieuses qui tourmentaient son corps tombaient aussi lentement. Elle sentait les pointes calleuses de la roche s’enfoncer dans les chairs de son dos et tentait de les absorber dans les plis morphologiques par des contorsions prudentes. Ses rythmes biologiques avaient retrouvé des mesures acceptables et elle écoutait le galop de son cœur ralentir.Alors, le calme qui venait de renaître se déchira et elle entendit une voix monter de la butte toute voisine. - C'est traître la terre ! Surtout les sols calcaires, c’est sec en été, mais à la moindre pluie ça se mets à péguer horriblement… Et ça conserve bien les empreintes. La sentence eut plusieurs échos différent au fur et à mesure que la voix se déplaçait. Un flambeau vacillant et jaune balaya l’entrée de la petite grotte. Des larmes brûlantes se présentèrent à la bordure des yeux de Jena.Elle était vaincue.
La pluie était fine maintenant, tout devenait plus audible. Les branchettes des buissons mouillés s’aplatissaient dans tous les sens. Mais, ces couloirs là ne mentaient pas.Là, au fond du talus, l’humus avait été arraché.Glisser lentement. Empêcher tout bruit. Retenir le souffle.Quatre systoles. Elles étaient plus rapides maintenant, car la fin était proche.
Quand la lumière caressa l’entrée de la grotte, les dernières cohortes de vaillance désertèrent le cœur de Jena Mileto. Elle laissa son dos couler le long de la paroi granuleuse et s’assit lourdement dans la moiteur froide.Tout coulait, ses larmes, son souffle, sa vie. Un long soupir vida son corps tandis que le faisceau tremblotant tentait de fouiller plus profondément les arcanes de la roche.-Te fais pas désirer. Sors de là. Elle ne réagit pas et laissa la main palper le noir puis saisir fermement sa cheville. Les yeux fermés, elle fut tirée sur quelques pas et se retrouva sous le crachin qui revigora inutilement son esprit. Elle garda ses mains sur sa poitrine et le visage offert, comme une icône déjà sans vie. Son corps,semblait orchestrer cette dernière marche avec intelligence et fermait les sas de sa réceptivité. Elle sentit comme une enveloppe perméable se glisser entre elle et le monde. Enfin, immobile et tranquille dans son lit douillet de boue, elle se décida à ouvrir les yeux et à contempler son destin en face.Comme pour accompagner ces derniers instants, la pluie avait cessé. Les nuées blanchâtres s’étaient déchirées par endroit et découvraient la lune et elle vit la silhouette entourée d’un froid halo, l’outil au bout du bras. Son observation en contre plongée la rendait à la fois immense et curieusement distante.Elle ne parlait pas.Il ne parlait plus.Le moment était venu et ils le savaient.Y avait-il un lien étrange et insaisissable entre le prédateur et sa proie ? Une dernière danse sans paroles qui leur permettait de soutenir le face à face funeste ?Elle crut qu’elle allait rire, mais s’aperçut vite qu’il s’agissait de derniers relents d’hystérie, qui mouraient déjà. Elle attendit.Alors de derrière cette silhouette, qui paraissait déjà immense, se dressa quelque-chose de plus grand… L’homme absorbé à sa tâche ultime n’avait rien vu venir, pourtant la masse le dominait complètement. Jena en eut le souffle coupé, mais sa physionomie malmenée par tant de vicissitudes n’exprima plus rien. Il n’y avait que quelques pouces entre les deux corps.A travers le crépuscule lunaire, elle crut reconnaître des boucles. Un casque de cheveux cuivrés coiffait la stature de l'ange vengeur. Comme une onction, la lumière de l'astre enlumina le tableau et pendant un instant du fond de sa tombe boueuse, la nuit lui parut parfaitement blonde…Il y eut deux bras levés.Il y eut un heurt sourd.Puis ce fut de nouveau le silence et le noir.
XXXII
Simone Clerc salua les deux personnes présente avant de s'éclipser. Le lieutenant Luce tendit une tasse brûlante à la jeune femme et l'invita à s'asseoir. Elle s'exécuta lentement veillant le liquide noir avec prudence. Sa couverture de survie la gênait dans ses mouvements, mais elle tenait à la garder sur elle.-Vous êtes une hôte de distinction vous savez, habituellement on boit ça dans des gobelets au plastique trop fin et on s'y brûle les doigts ! Ça va aller ?- Une hôte de distinction, ouais, marmonna Jena, arrêtez, vous allez me faire cauchemarder. Après ce qui vient de m'arriver, aucune tribulation domestique n'est capable de m'impressionner – Elle s'interrompit l'air grave- Dire que j'ai vraiment faillit y passer. Il y eut un silence pesant. William Luce éprouva soudain le besoin de se dégourdir les jambes et se leva en direction de la fenêtre. Le ciel commençait à exhiber des bleus crépusculaires. On était à moins d'une heure du jour et bientôt le trafic reprendrait sur la route détrempée et déserte. - Oui à mon avis, on est sur une affaire où il est question de plusieurs meurtres. Elle blêmit. -Vous êtes sur ? On en aurait entendu parler. -Non. Un seul n'est pas passé inaperçu, c'est celui de la forêt de Fontviel. Les autres retraités ont subit des étouffements, des chutes provoquées que sais-je encore. - Il a parlé d'utiliser sa pelle.Le lieutenant de police revint vers le bureau et griffonna un papier- On tient des liens ! On va sans doute trouver une correspondance entre la pelle et la marque contondante sur le corps de Fontviel. Pour le reste, il y aura des blancs.-Des blancs ?-Oui dans les liens entre les différents protagonistes.-Mais justement, quel rapport avec moi, avec mon patient ? Je n'y comprends rien.Il se racla la gorge.-On a retrouvé la mère de Jean Stéphane Latour solidement attachée au volant du véhicule avec des vêtements qui doivent être son fils. Il l'avait tellement serrée qu'elle pouvait à peine respirer. Ma collègue est justement en train de l'interroger. Suzanne Latour est du genre à mentir comme elle respire, mais de toute façon, il y a des chances pour qu'elle ne sache pas tout. Les enfants Latour servaient aussi à des personnes qui avaient des projets plus fructueux que dépouiller les appartements de retraités... et retrousser des jupons au passage. Jena se sentit nauséeuse. Elle ferma les yeux et les ombres des bois l'envahir à la seconde. William Luce continuait:-Pour ce qui est du Travesti, on n'en saura sans doute pas plus. Le crâne a été fracassé. Pensez-vous que l'intention était de tuer ?- Au risque de vous décevoir, je n'ai aucune certitude à ce propos. Il plongea son regard clair ses yeux et attendit la suite. Elle avala une gorgée de café chaud et la laissa glisser lentement jusqu'à son estomac. -Je ne suis même pas sure à cent-pour-cent, que c'était bien mon patient, je vous l'ai dit, il faisait noir. Et puis, c'est pas de la légitime défense dans ce genre de situation ? - Ce n'est pas aussi simple que ça. -Si ça l'est ! Son intervention m'a sauvé la vie ! -Il a l'air de bien savoir se fondre dans le décor pour un innocent. -Il est terrorisé et seul. Jusqu'à présent, chacune de ses déclarations à propos des choses louches qui gravitaient autour de son monde, lui valait plus de neuroleptiques ou des nuits en isolement. Les responsables des chantiers sont des malades comme lui, qui ne sont parfois pas capables d'émettre une plainte ou une demande. -Et c'est pour ça qu'il a appris à disparaître ? -Exactement, pour échapper au harcèlement réel qu'il vivait. -De toutes façons, il doit y avoir un moyen d'établir des liens, même si on manque d'éléments, on va prendre notre temps. Pour le moment, à part vous et la petite dernière qui se débrouille bien en dessin, on a pas grand chose. C'est le moment que choisit Simone Luce pour revenir. - Luce, tu vas encore dit que tu m'avais prévenue. Regarde ce qui est écrit sur la tenue qui a servi de lien ! Jena et Luce se retournèrent pour scruter la tenue de coton épais. Jena reconnu le vêtement pour l'avoir vu sur Jean Stéphane Latour et un de ses collègue. Un mot trônait sur la poitrine du vêtement froissé.- Mako ? Simone était enthousiaste. - Ouais, il y avait un tas de gens en réinsertion sur les chantiers de Mako. Tu avais raison, c'est bizarre que nos retraités aient mis des billes dans une société qui allait démolir leur immeuble après leur mort imminente. Et il faut faire tomber toutes les quilles, même les plus grandes.Il lui renvoya un sourire carnassier. Elle poursuivit : -J'en suis !
Le reste des auditions étaient prévu pour le lendemain. Dans le hall, Théo assis, se tordait les doigts pour passer le temps. Il avait pris le premier avion disponible. Jena attendit qu'il la voit et courut se suspendre à son cou. Elle resta de longues minutes serrée contre ce qui lui inspirait le plus le sentiment de la vie sur cette terre.