1. Max

Marie Weil

Une boîte à chaussures renfermant toute une vie léguer à un jeune père de famille en froid avec son père décédé depuis 18 ans. Un père ayant coucher sur papier toute sa vie avec l'homme de sa vie.

L'été était enfin arrivé dans la ville de Seattle. La chaleur et les beaux jours remontaient le moral des habitants qui, après un hiver rude et un printemps maussade, étaient ravis de pouvoir enfin profiter de la chaleur du soleil.

Les enfants n'étaient pas en reste ; l'été leur annonçait le début imminent des grandes vacances. Pour certains cela signifiait rejoindre la Floride et ses belles plages de l'océan Atlantique, pour d'autres les vacances se passeraient dans un pays étranger. En clair, tout le monde était heureux.

Max John's l'était aussi. Il allait bientôt poser quelques jours de congés pour profiter de sa famille. Sa femme Mary avait proposé de se rendre chez ses parents qui habitaient dans le comté de New York, leur fille Rebecca serait tellement contente de pouvoir enfin revoir papy et mamie.

Max aimait sa vie de mari et de père de famille. Il aimait la maison qu'il avait construite de ses propres mains, avec l'aide de Mary avec laquelle il s'était marié alors qu'il n'avait que 22 ans. Il adorait sa fille Rebecca qu'il choyait comme le plus précieux des trésors, et parfois quand il avait une baisse de moral il se disait qu'il était fier de tout ce chemin parcouru pour avoir une belle vie.

Car les débuts de Max n'avaient pas été faciles. Il s'était enfui de chez lui alors qu'il n'avait que 16 ans. Ses études tombées à l'eau, il avait été obligé de vivre de petits boulots qui ne lui fournissaient que de maigres revenus à peines suffisants pour lui procurer de quoi se nourrir. Le jeune homme avaient longtemps déambulé dans les rues de Seattle, ne trouvant que parfois logis dans des foyers de sans-abris ou des centres sociaux. C'est dans ces endroits là qu'il avait malheureusement contracté un penchant pour l'alcool et la drogue ; cela lui avait pourrit sa vie. Il ne pensait qu'à ça, à se défoncer,en y dépensant tout son maigre salaire. Puis un jour il se retrouva à l'hôpital suite à une overdose de méthamphétamine qui avait faillit lui coûter la vie.

En raison de son âge mineur et de sa fugue, il avait été confié aux services sociaux qui avaient décidé de lui attribuer une place dans un foyer d'urgence. Par la même occasion, ils l'avaient inscrit en cure de désintoxication en raison de ses addictions à l'alcool et la drogue. Cette cure avait eu un effet bénéfique sur Max. Il avait pu bénéficier d'une formation en cuisine aux côtés d'un chef bienveillant qui lui avait appris tout ce qu'il savait, en ne cessant de lui répéter la phrase suivante : « Tu sais, mon p'tit, y a des fois où la vie nous fait des coups de pute, mais ces coups nous endurcissent et on sait à quoi s'attendre après. »

C'est ainsi qu'à 19 ans, sa formation de cuisinier en poche, il avait trouvé un poste dans un restaurant de bonne réputation en plein centre de Seattle. C'est aussi à cet âge qu'il fit la rencontre de la femme de sa vie, Mary Will.

Elle ne lui était pas inconnue, car Max l'avait déjà rencontrée dans le club de théâtre du lycée de son ancienne vie. Jeune, jolie et discrète, elle avait immédiatement charmé l'adolescent timide, mais il n'avait jamais osé lui parler. Quelques années plus tard, voilà qu'ils se retrouvaient dans le restaurant où travaillait le jeune homme. Et après quelque rencontre en tête à tête, les deux tourtereau s'étaient mit ensemble pour le grand bonheur de Max qui n'avait pas perdu toute cette amour que son cœur d'adolescent avait éprouvé pour elle.

Après un an d'amour, Max avait rencontré les parents de Mary qui l'acceptèrent aussitôt. Rapidement ils le considérèrent comme leur fils. Puis à 21 ans il s'était installé avec elle dans un petit appartement où leur vie de couple avait pris plus d' ampleur lorsqu'il la demanda en mariage. Un an plus tard le mariage avait eu lieu. Ils avaient dit au revoir à leur petit appartement et avaient emménagé dans la maison que Max avait entrepris de construire avec l'aide de sa nouvelle famille. Sa vie avait pris une autre magnifique tournure lorsque Mary tomba enceinte d'une fille à l'âge de 25 ans. Ils la prénommèrent Rebecca, en hommage à la mère de Max.

Tel avait été le parcours de celui ci, un parcours certes pas toujours facile, mais qui le rendait fier de l'homme qu'il était devenu.


Au volant de sa voiture, Max était en route vers le restaurant où il travaillait pour le service du soir. Il s'y rendait avec la pensée qu'il allait encore crever de chaud dans la cuisine, le système de climatisation étant inexistant. Heureusement, son patron avait prévu de l'installer pour permettre un meilleur confort à ses cuisiniers.

Arrivé devant son lieu de travail, il y pénétra, et fut accueilli par son patron Joe vêtu de son habituel chemise à carreaux. Ce dernier faisait également office de barman. Il serra la main de Max en lui disant :

-« Comment ça va, le cuistot ? Prêt pour le service de ce soir ?

- Toujours prêt, en espérant que la clim ne tarde pas à arriver ! avait répondu l'homme en riant.

- Bonne nouvelle ! Elle a été installée aujourd'hui. T'as vu, je tiens mes promesses, hein ?

- Merci patron ! Je file me changer… Tommy est déjà là ?

- Ouais, déjà aux fourneaux ! »

Max quitta son patron, soulagé de savoir que la nouvelle clim allait rendre son travail bien moins pénible que ces derniers jours. Il s'arrêta devant son casier et enfila rapidement sa tenue de cuisinier, en posant au passage son sac où se trouvait son téléphone. Puis il se dirigea vers les cuisines où Tommy était déjà en train de préparer les fourneaux

-« Salut Maxou ! lança Tommy en lui faisant un tchek en signe de salut.

- Salut Tommy », dit son ami, le sourire aux lèvres.

Tommy était arrivé trois ans avant Max, et lorsque ce dernier était arrivé au restaurant, les deux hommes s'étaient directement bien entendus ; à tel point qu'ils étaient devenus les meilleurs amis, celui ci ayant même eu l'honneur d'être le parrain de la petite Rebecca.

-« Comment vont ta p'tite princesse et ta reine ? Demanda-t-il en mettant de l'huile dans une poêle.

« Bien, comme d'habitude Rebecca est contente qu'on aille passer les vacances chez ses grands-parents, et Mary à hâte d'y être aussi, dit Max tout en se lavant les mains.

- Cela vous fera du bien, surtout pour la p'tite. D'ailleurs il faudrait que je la voie ma filleule, ça fait un moment !

- Tu sais que tu peux passer quand tu veux, Tom… Au fait, il est où Momo ?

- Il va bientôt arriver, les embouteillages, tu sais…

- Ouais, ouais, les embouteillages… Mon œil, oui ! » dit le jeune cuisinier en riant.

Il n'y avait pas besoin d'être Sherlock pour deviner que son collègue Momo – son vrai nom était Mortimer, mais il le détestait – voyait une femme depuis quelques temps. Le parfum délicat qu'il dégageait à chaque fois qu'il entrait dans la cuisine suffisait à l'en convaincre.

Alors que Max allait s'attaquer à la préparation des steaks, la voix de son patron le héla depuis le bar.

-« Hé Max ! Y a ta femme qui t'appelle ! »

Max fut surpris, d'autant plus que Mary ne l'appelait pratiquement jamais au boulot. Et soudain il se rappela de son téléphone qui n'arrêtait pas de vibrer lorsqu'il avait été au volant de son véhicule. Etait-ce elle ?

Il s'essuya rapidement les mains, sortit des cuisines et s'empara du téléphone que lui tendait son patron.

-« Oui chérie ?

- Désolée de te déranger en plein travail mon cœur, mais je viens de recevoir un appel de quelqu'un il y a quelque minute ... dit sa femme d'une voix mal assurée.

- C'était qui ? Rien de grave, au moins ?

- Non, non, pas pour nous, mais… Enfin, je vais aller droit au but : c'était un notaire et il voulait te parler.

- Un notaire !? Mais pourquoi ? »

Il entendit Mary se racler la gorge.

-« Il m'a annoncé que ton… père était mort hier soir, suite à une insuffisance cardiaque… » dit-elle d'une petite voix.

L'homme fut complètement abasourdi par cette nouvelle. Son père… cela faisait 18 ans qu'il n'avait plus entendu ce mot-là. Toute une flopée de souvenirs remontèrent en lui, des souvenirs qu'il avait eu tant de mal à oublier. Cette nouvelle les fit remonter encore plus violemment à la surface de son esprit.

-« Max ?... Tu es toujours là ? demanda Mary, inquiète.

- Heu… oui, répondit-il d'une voix perdue

- Il vaudrait peut-être mieux que tu rentres à la maison et que tu laisses tomber ton service pour ce soir, tu ne crois pas ?

- Oui… oui, je crois que je vais faire ça.

- Alors je t'attends. »

Max raccrocha et rendit le téléphone à son patron. Celui-ci fut inquiet du soudain changement d'attitude de son employé.

-« Mon garçon, ça ne va pas ? lui demanda-t-il.

- Joe… » le cuisinier se racla la gorge. « Je crois que je ne vais pas pouvoir assurer le service de ce soir. Il faut que je rentre chez moi pour régler une… affaire familiale, expliqua-t-il d'une voix grave.

- Ouais, je comprends… Tu peux partir, je préviendrai Momo et Tommy, dit le patron en posant sur lui un regard compatissant.

- Merci. J'essayerai de rattraper ces heures. »

Max s'en alla rapidement vers son casier, attrapa son sac, sans même prendre la peine de se changer et fila directement vers sa voiture.


Lorsqu'il parvint à son domicile, Mary l'attendait sur le pas de la porte, visiblement inquiète. Ses cheveux blonds étaient retenus par un chignon désordonné ,elle s'était déjà démaquillée et avait enfilé une tenue décontractée. C'était d'ailleurs comme cela que Max la préférait, il la trouvait bien plus belle au naturel que derrière tous ces artifices que les femmes s'étalaient sur le visage.

Il sortit de sa voiture et se dirigea vers sa femme. Elle le prit dans ses bras et le serra en signe de soutien.

-« Je suis désolée, dit-elle, c'était bête de t'avoir appelé au travail pour t'annoncer cette nouvelle, mais je ne savais pas quoi faire, sachant que tu rentrerais tard…

- C'est pas grave, ma chérie, tu as bien fait. »

Mary observa son mari de ses beaux yeux verts qui avaient fait chavirer le cœur de Max la première fois qu'il l'avait vue. Avec douceur, elle lui prit la main et l'emmena à l'intérieur de la maison.

-« Rebecca est déjà au lit ? demanda-t-il.

- Pas encore, je lui ai permis de jouer encore un peu dans sa chambre », répondit-elle en prenant place dans le canapé du salon. Son mari la rejoignit et tous deux se regardèrent, se demandant qui allait entamer la fameuse conversation. Ce fut Mary qui se jeta à l'eau.

-« Le notaire m'a appelé il y a une demi heure, il m'a demandé s'il pouvait te parler. Je lui ai dit que tu étais au travail, mais j'ai quand même insisté pour savoir pourquoi il appelait. Et c'est là qu'il m'a annoncé pour ton père… » Elle soupira. « Cela fait combien de temps que vous ne vous êtes plus parlé ?

- Dix huit ans… Depuis mes seize ans, en fait…, répondit-il.

- Je sais que le moment est mal choisi pour en parler mais j'aimerais comprendre… Pourquoi si longtemps pour une simple dispute ?

- Je te l'ai déjà dit, c'est une longue histoire et j'aime pas en parler.

- Peut-être qu'il le faudrait maintenant, ça te fera sans doute du bien. Parce que j'ai l'impression qu'il s'agissait beaucoup plus qu'une simple dispute et que tu refuses de m'en parler parce que tu as peut être honte de…

- Jamais je n'en aurai honte ! » l'interrompit-il brusquement.

Max se rendit compte du ton sec qu'il avait employé.

-« Pardon, excuse-moi, c'est sorti tout seul.

- C'est pas grave, répondit doucement sa femme en lui caressant la main.

- C'est juste que… ça fait si longtemps maintenant ! J'ai eu tellement de mal à oublier et à me relever de tout cela, et maintenant j'ai peur que la douleur revienne.

- Quelle douleur ? »

Le jeune père de famille se passa une main sur le visage en se raclant la gorge.

-« Lorsque j'avais huit ans, ma mère est morte d'un cancer… J'ai dû être placé dans un foyer d'urgence parce que, à part ma mère, je n'avais personne pour s'occuper de moi… Je n'y suis pas resté longtemps car, avant de mourir, ma mère avait fait un testament dans lequel elle confiait ma garde à ses deux plus proches amis qui étaient mon père adoptif et son compagnon…

- Son compagnon !? Comment ça ?

- J'ai été élevé par un couple d'homosexuels, et je dois dire que ça a été les meilleures années de ma vie… enfin avant que… »

Max s'interrompit, tentant de ravaler ses larmes, la douleur étant plus forte que jamais. Mary préféra couper court à la discussion, estimant que son mari n'était pas encore prêt pour tout lui révéler. Elle le prit dans ses bras en lui caressant se cheveux brun court, comme le ferait une maman consolant son enfant.


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