LA BRORTIE

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à lire avec goût gueule traduction...

L'anglais nous grignote, peu à peu. On tente de résister : au travail on n'envoie plus de mails mais des courriels. Sur la toile, en bas des conditions d'utilisation, on ne clique plus sur « ok » mais sur « j'ai compris ». On déclenche le coussin gonflable de sécurité, même si ça fait un choc. On subit le décalage horaire, même s'il y a toujours un traître pour nous répondre « Ouais le jet-lag, quoi ». Et quand nos collègues se retrouvent pour un after-work, on se force un peu à aller boire un pot après le travail, ce qui paraît tout de suite moins ludique.

Moi, je vais plus loin. Je trouve que le best-of de JUL aurait davantage de gueule si on l'intitulait « anthologie » (il y aurait au moins un mot de plus de 3 syllabes) et quand on me dit « check », j'ai tendance à répondre « non, carte bleue ».

Cependant, je ne suis pas pour tout traduire non plus. Pourquoi ? Déjà, parce qu'on perd un poil en efficacité. Un exemple : l'émission « video-gag » aurait peut-être eu du mal à trouver son public si elle s'était appelée « procédé d'enregistrement et de diffusion d'images – plaisanterie cocasse », mais on ne saura jamais. Ensuite, parce que lutter, c'est beau, mais si vous luttez seul contre les anglicismes et mots empruntés, votre verbiage va souffrir d'un léger décalage.

Quelques illustrations :

Exemple level  1…niveau 1 (tape sur la main) :

« J'ai acheté le dernier disque compact des Pierres qui Roulent »

Bon, fastochissime. On vous trouve bizarre, mais on vous comprend. (Oui, je traduis les noms propres aussi, on dégage les rosbeefs ou pas ?)

 

Exemple niveau 2 :

« Dis, on se fait un buffet matinal, et après on se mate Henri Potier ? »

Là, pas sûr qu'on vous réponde déjà. Vous venez de faire un pas vers la désocialisation.


Exemple niveau 3 :

« J'ai commandé un Gros Mec dans un restaurant rapide. Ensuite, j'ai fait une heure de sport avec mon mentor. Puis sans raison particulière, j'ai voulu couper un truc, heureusement j'avais un tranchet.  Et j'ai fini la soirée dans un mirodrome. »

A ce stade, votre femme refuse de vous ouvrir. Ne serait-ce qu'à cause du mirodrome.


Exemple niveau 4 :

« Tu ne connais pas Piqûre ? C'est l'ex-chanteur de La Maréchaussée. Ça m'étonne que tu ne connaisses pas, ils ont longtemps été premiers de la liste ordonnée de 50 items. »

(Pour « item », on virera le latin plus tard, chaque chose en son temps.)

 

Que déduire ? Que l'anglais est là, qu'il s'est infiltré, intégré, qu'on l'y a bien aidé. Nos artistes français l'y ont bien aidé. Des plus célèbres comme Maître Gims aux plus modestes comme Baudelaire. Le Spleen de Baudelaire, éternelle source d'inspiration… Qu'elle serait douce aux oreilles, cette clameur venant de la fac de lettres : « Wow, j'ai lu la Rate Malade de Baudelaire, ça m'a retourné le cerveau, sérieux. »

 

Oui, be careful, à trop chasser l'anglicisme, notre vie pourrait ressembler à un film doublé en canadien.

L'anglais est là et va y rester.

Alors Brexit, Brexit, d'accord. Mais les mecs…vous avez oublié votre scrabble !

 

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