La candeur de mon âme

Nathan Noirh

La passion, l'aventure, la recherche d'un tout qui semble hors de portée de nos mains et de nos cœurs. Une amertume étrangement satisfaisante : tenter de saisir notre existence. La route, du gris métallique au marron décharné, la route est si longue. La nuit je me retourne dans tous les sens et je cherche ta candeur. Je cherche partout ton insaisissable candeur, celle qui dit et qui se tais. Le réveil est long et douloureux, meurtri par l'absence, meurtri par le vide. La résignation m'a retrouvé plusieurs fois, elle m'a attaché et battu comme le pauvre voyageur sans but, sans destination. J'ai repoussé ses avances comme on repousse une abeille, en criant tel un démon des horreurs et des mots de sang. La nuit je me retourne sur mes draps, je me retourne sur mes certitudes. Je me régale sans fin de ta venue chimérique, hypnotique et réconfortante, tant que je peux. Le matin est une ode à la désillusion, au paraître sans forme et sans fond, au sable dur et ardent, rocailleux et pétrifiant. Je suis profondément épris de tes attitudes et de tes manières, celles que tu ne regardes pas, celles que moi je remarque. Des années sans t'avoir vu, sans t'avoir senti, sans t'avoir remarqué. Des années à t'aimer. Le poids de tes absences creuse un trou dans mon âme, mon âme et mon âme.

 

La nuit tu m'aimes, le savais-tu ? Les livres disent que non, la nuit hurle que si.

 

Sur la route de chez moi et de nulle part, sur toutes les routes, je me retourne. Je regarde derrière moi, derrière les voitures, derrière les gens, derrière les sens de ton fantôme. Je te vois chez moi, de l'autre côté de la pièce, tu es le locataire chimérique. J'ai essayé, j'ai tenté de te conquérir, comme on avance et on chéri une nouvelle existence. Il ne me reste que les mots, il ne me reste que des pages noires difformes et affaiblies par toutes mes insistances, les pages sombres, raturés, assassinés par le désespoir de mes lettres. Des livres entassés, blottit les uns contre les autres, me rappellent ma propre solitude, ma forteresse invisible et impénétrable. La densité de ses pierres augmente chaque seconde, chaque souffle saccadé. Je ne sais plus respirer, je ne sais plus inspirer comme tout le monde. Je ne peux pas être comme tout le monde, pas après avoir respiré le même air que toi, pas après t'avoir vu et certainement pas après t'avoir quitté. Le savais-tu ? Chaque année ou chaque seconde je pense à une nouvelle façon de t'aimer, une nouvelle façon de penser à ta candeur. Une nouvelle façon de souffrir, aussi. Je n'ai connu toute ma vie que cette seule façon de t'aimer, je ne sais pas faire autrement. Le temps est devenu mon pire ennemi, car je n'ai de toi que des souvenirs, clairs et magnifiques. Je suis dans le noir et je te vois parfaitement, de tes odeurs à tes rires, je suis prisonnier de moi-même, prisonnier de ma tête. Même le sommeil et l'inconscience n'offrent pas de répits, pas de repos pour l'âme, pas de repos pour la candeur. Pas de pause pour mon amour.  Voilà ce que c'est que de t'aimer. C'est vivre en pensant à toi, c'est vivre dans le passé. Tu avais si bien compris mon esprit, compris le fardeau de mon âme.

 

 Je ne connais que cette manière de vivre. Je n'aime que cette manière de vivre. La nuit tu m'aimes, le savais-tu ?

 

Les livres disent que non, la nuit hurle que si.

Signaler ce texte