La cathédrale des lilas bleus

Fidji Broustet

Nous nous étions allongés sous les lilas pour conter fleurette à nos émois. La chatouille avait bon dos...
Tes mains de compagnon du devoir bâtissaient une cathédrale de frissons... Ma pudeur aux joues colorées s'agenouillait pour te prier de continuer. La prière n'était pas vaine... L'oreille de tes yeux reconnaissait le chant d'un corps prêt pour la jouissance. Le nez de tes doigts cueillait le parfum du lilas sur le hâle de mes cuisses. La bouche de tes sens baisait les lèvres de mon désir. Ceinte de caresses et d'amour je résistais à ces assauts païens...
Vierge et effarouchée je n'étais plus depuis longtemps mais j'aimais jouer avec ton impatience.

Nous renaissions de la collision de nos étoiles en arrachant notre amour au sommeil de nos sens. Je m'ouvrais à l'azur, tu éjaculais des paroles de vie. Les syllabes dansaient sur nos peaux avant de devenir des psaumes. Nous lancions dans le vent des chants d'espoir, d'amour et de paix. Le ciel se cachait derrière les fleurs violettes et les feuilles pour ne pas nous voir. Ton cœur n'avait pas perdu sa langue, il était bavard sous ma paume. Les nouvelles senteurs de ce jour printanier enivraient la lumière... Je fermais la main pour ne pas laisser échapper ce rêve éveillé. Notre petite musique avait dérangé l'oiseau dans son nid et agacé le chat endormi là tout près. Nous écrasions les herbes qui nous avaient tendu les bras. Une étincelle d'infini avait mis le feu aux poudres. Je me noyais, je basculais, je m'accrochais à tes yeux. J'avais envie de parler dans ta bouche, que tu me prennes en toi, que tu goûtes la saveur de mes mots... Nous étions allés loin, très loin, bien plus près l'un de l'autre... Nous avions voyagé dans nos yeux... Nous venions d'écrire un poème neuf... Les mots que j'avais retenus vacillaient à l'entrée du silence. Tu les avais aussitôt secourus et ranimés par un bouche à bouche... Le cœur haletant, tu te retournais dans mon sourire...

Extrait de mon livre "Les mots derrière la porte"

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