La Chair des Mots (II)

Pierre Scanzano

La sensation troublante de voir ce que l'on ressent...

Mon noir est épais cru abyssal d'une crasse qui durci le sang il est aussi dense et de structure unique ne laisse rien filtrer au travers des mailles sourdes de son corps élastique même la lumière et ses photons fous passe-partout ne peuvent s'immiscer ou se placer dans aucun interstice que ce soit ce qui est libre est catégoriquement noir...

Le reste suffoque parce que toute place supposée libre est prise par d'autres parcelles d'obscurités noircissantes indépassables pour combler éventuellement l'espace qui se libère automatiquement à chaque mouvement de l'air le noir présente des propriétés absorbantes qui assèchent toute humidité lumineuse qui puisse trainer et toute matière qui déborderait le seuil de son attraction puissante...

Le noir est une restriction apaisante de la liberté de se voir et voir les autres différemment le noir comprime ce qui n'est pas à lui-en-lui le noir se voit de nos yeux improbables mécaniquement reste inaccessible bloqué dans sa masse surpuissante là épaississant notre solitude à coups de guet-apens sordides comme l'espoir - le désir - la raison - la résignation et une kyrielle de pièges génétiques astucieux...

La lumière quoi qu'en en dise peut être fictive momentanée trop chère à produire et avec des variations perturbatrices qui peuvent causer des dommages irréversibles aux sens qui cherchent pourtant l'exutoire idéal au sombre par un soupirail technique d'auto-suffisance lumineuse pendant qu'une sorte d'étanchéité colmate les inévitables petites fuites lumineuses...

La lumière encercle taille net et disparaît comme avalée par un espace différent du sien plus acide défoliant et la lumière cède sa brillance opaque qui stoppe sur le champ toute fuite ou regroupement lumineux dans la période active de mon être assombrit par le désespoir caustique de mon mal-être à broyer du noir la lumière me coûte toute vérité dans le sang que je cherche à dominer l'isoloir lumineux et pénétrant que je voudrais à ma mesure et je perd l'équilibre des choses...

Dans le noir-plus-noir-que-le-noir stricte sévère  je ne vois que le métal qui brille du toc dangereux pour mes yeux en dépit de tout ce qui puisse me frôler de près d'immense de massif mais un souffle reste invisible juste et vrai le fait de voir ces mouvements me rend aveugle en progression voir-n'est-pas-naturel sentir l'est! deviner l'est! humer est-le-voir! le noir c'est voir de près le tintamarre émotif le sensuel l'écorce de l'univers il n'y a aucune dimension aucune limite a atteindre pas de géométrie variable et les distances sont nulles et inéluctables...

Dans le noir nous sommes partout et nulle part à chacun sa position identique du départ le même espace indiscernable la profondeur de même importance personne ne sera loin ni près de l'autre nous serons sur  le même pieds d'égalité quoi qu'en fasse d'extraordinaire le noir est une cellule de nous-en-nous la loi est celle du plus fortifié qui impose ses règles naturelles puisque il n' y a plus de faibles de luminescents attardés les niveaux disparaissent dans le seul niveu possible qui soit neutre...

L'intensité est de ne-pas-être et pourtant je suis pour personne d'autre-que-moi-à-jamais-moi  (le moi-le noir) et l'impression d'être-en-soi dans le noir des autres et cela ne coûte rien ne brûle rien qui puisse indisposer l'affûtage des sens il ne chauffe pas le noir est tellement facile à trouver lumineux que finalement personne n'a besoin de personne que du-soi-même-à-soi-même la plupart du temps on oublie que nous avons été des restes d'éclats flambés   mais sans plan précis d'ailleurs je suis persuadé que l'obscurité est chose divine et mystérieuse dans ce temps que-nous-sommes et qu'avons-été à un moment donné sous la cellophane corporelle putrescible...

Maintenant nous n'avons plus besoin d'artifices coûteux surannés il nous est donné d'utiliser à notre guise toute la noirceur de l'infini sur du propre du-neuf-nous  car le noir dans son intime structure picturale est un blanc pur! un blanc pur est-un-noir-chauffé-à-blanc  intensément blanc et aveuglant catalyseur de notre quête de la pérforation de l'être nous avons l'espoir de nous accomplir comme ensemble de quelque chose avec une fin-en-soi-cohérente qui ne soit pas blessante inexplicable comme l'est le-fait-d'exister  dans le direct brutal fruit de nos gènes de par le leurre de la semence de son côté mystique et ne-pas-savoir  c'est ce noir Mon noir...



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