La Chute
elise-vdg
Jean Philippe M. se présentait pour la troisième fois à l' élection municipale. Par deux fois il avait échoué mais cette fois était la bonne, il le sentait. Il le voulait tellement ce fauteuil de maire, il la voulait tellement cette ville qui l' avait vu naître.
Il venait d' avoir 45 ans et il se disait qu' à cet âge il devait surmonter tous les obstacles. A part ce fauteuil de maire il avait tout, une situation enviée dans le monde des affaires, des responsabilités dans sa famille politique qui l' appelaient souvent à Paris. Bien que marié et père de trois enfants, il ne se privait pas d' aventures extra conjugales qui, bien que connues de tous, ne le desservaient nullement. Sa femme aussi s' en accommodait en échange d' une vie confortable , de la fierté de porter le nom d' un personnage aussi brillant.
Depuis le début de la campagne il ne tenait plus en place. On le voyait partout, aux matchs de foot, sur les marchés, serrant des mains, faisant du porte à porte parfois avec les militants. Enfin le grand jour arriva et cette fois il obtint la majorité plus que largement.
Bien que son triomphe le remplit de joie, il ressentit malgré tout quelques inquiétudes car il n' était pas très sur de la loyauté de son équipe municipale. Parmi celle ci se trouvait une jeune femme qui le suivait dans tous ses déplacements et qui ,évidemment était sa maîtresse parmi d' autres. Pendant six mois elle continua de travailler avec lui jusqu' au jour ou elle lui annonça qu' elle était enceinte.
Pour lui il n' était pas question de reconnaître cet enfant et surtout que cela se sache dans son entourage. Il lui demanda donc de s'en débarrasser au plus vite et très discrètement. Mais Juliette, jeune femme de 34ans, divorcée sans enfant, ressentit soudain le désir de devenir mère pour donner un sens à sa vie. Elle refusa l' avortement et quand elle fit part à Jean Philippe de sa décision il se montra très en colère et lui dit que jamais il ne verrait cet enfant, qu' il n' était même pas certain d' en être le père car elle avait fort bien pû avoir d' autres amants. Pas question non plus pour lui de donner de l' argent, il jugea préférable de l' éloigner et l' obligea à démissionner.
En échange il lui procura un emploi très avantageux dans un cabinet d' avocats d' une ville voisine. Jean Philippe, la conscience tranquille, se consacra alors pleinement à ses nouvelles charges. Il avait de grandes ambitions pour sa ville, entreprit de grands travaux, piscine, stade ultra moderne, centre administratif, et tout ça grâce à de gros emprunts.
Un promoteur se présenta un jour à son bureau pour l' informer d' un grand projet qu' il avait conçu pour sa ville. Il se rendait acquéreur d' un immense terrain inoccupé de la périphérie avec l' intention d' en faire un lotissement résidentiel de haut niveau susceptible d' attirer des cadres au pouvoir d' achat élevé.
Monsieur le Maire se montra emballé par cette possibilité d' augmenter sa population et n' hésita pas un instant à accorder la caution de la mairie pour obtenir les prêts bancaires sollicités par le promoteur. Sur le papier le projet prit forme et déjà quelques dizaines de candidats à l' achat s' engagèrent.
Plusieurs mois passèrent mais sur le terrain aucun engin de terrassement ne fit son apparition. Monsieur le Maire commença à s' inquiéter d' autant pl us que les futurs propriétaires qui avaient versé des fonds s' en prenaient à la mairie pour avoir des informations. Le promoteur n' était jamais joignable quand on le relançait jusqu' au jour ou l' on apprit qu' il était en fuite, qu'il avait empoché tous les fonds versés et qu' il n' avait jamais eu l' intention de construire ces villas. Jean Philippe s'était laissé éblouir par un beau parleur qui avait profité de ses rêves de prospérité.
Alors, d' un seul coup, tout s' effondra. Les banques se retournèrent contre la mairie pour obtenir le remboursement des prêts accordés au promoteur, les acheteurs demandèrent la restitution des acomptes verses et tout cela vint s' ajouter aux emprunts que la nouvelle équipe municipale avaient contractés pour les grands travaux. La ville fut déclarée en faillite et les habitants déçus et furieux contre leur maire, demandèrent sa démission.
Pendant ce temps Juliette avait mis au monde un petit garçon qui ressemblait trait pour trait à Jean Philippe et qu' elle prenait plaisir à montrer à tout le monde. Le scandale fit son entrée dans la famille du maire et la fidèle épouse qui jusque là avait tout supporté, lui annonça qu' elle demandait le divorce et qu' il aurait à payer une pension pour elle et les enfants. Tout cela remonta à Paris aux instances de son parti politique dont il fut exclus
Jean Philippe se retrouva seul, couvert de dettes, sa situation professionnelle s' étant dégradée car il n' avait plus consacré assez de temps à ses affaires tout occupé par son ambition municipale. Il avait tout perdu, par sa faute peut- être, mais surtout aveuglé par sa soif de pouvoir et son rêve de tout réussir mieux que les autres.
Que faire de sa vie après tout ce gâchis ?
Il avait des diplômes bien sûr, mais n' avait jamais eu l' occasion de les faire valoir et sa réputation lui fermait pratiquement toutes les portes. Après quelques mois de dépression il se retrouva à l' hôpital ou il ne reçut aucune visite.
Ne sachant ou aller quand viendrait sa sortie, il se résolut à écrire à Juliette et humblement lui demanda si elle voulait bien l' accueillir. Il lui dit combien il regrettait sa conduite et lui demanda pardon, et même si elle le voulait bien il serait heureux de voir leur bébé, ses propres enfants lui ayant tourné le dos. La réponse se fit attendre et il fallait qu' il quitte l' hôpital les médecins ne pouvaient pas le garder indéfiniment.
Il broyait du noir quand, un après midi Juliette entra dans sa chambre accompagnée d' un superbe petit garçon prénommé Maxime et qui faisait ses premiers pas. Elle lui déclara « Je viens te chercher , je t' accueille chez moi car on ne laisse personne dehors mais je te dicterai mes conditions» Bouleversé, ému jusqu' aux larmes en les regardant tous les deux ,Jean Philippe accepta tout, trop heureux de voir la possibilité de retrouver une famille.
La suite ne s' avéra pas joyeuse car Juliette avait un plan. Surtout elle entendait lui faire payer tout le mal qu' il lui avait fait à l' annonce de sa grossesse. Elle lui attribua une chambre dans sa maison moyennant un loyer auquel il devrait faire face en cherchant du travail. Il devrait aussi participer aux dépenses de la maison.
A qui s' adresser pour obtenir un emploi?
Il était très connu mais hélas pour ses échecs. Ce fut Juliette qui lui trouva un poste de veilleur de nuit et ainsi il était à la maison dans la journée et pouvait veiller sur Maxime avec l' aide de l' employée de maison. Les débuts furent très difficiles, Jean Philippe ne parvenait pas à se plier aux exigences de son emploi et au manque de sommeil.
Mais il fallait tenir et ce qui le rendit plus fort c' est de s' occuper de son petit garçon qui était adorable et il s'y attachait chaque jour davantage. Il se demandait souvent si Juliette avait quelqu' un dans sa vie mais, si elle se montrait distante envers lui rien ne laissait supposer une liaison secrète.
Le temps passa, les créanciers de Jean Philippe après l' avoir harcelé se résignèrent à abandonner la procédure car il n' y avait plus rien à saisir. La commune avait un nouveau maire auparavant dans l' opposition et qui avait profité de l' aubaine pour se faire élire.
Juliette l' observait discrètement. Comme il avait changé ! Vieilli bien sûr, ses cheveux avaient blanchi, son dos s' était voûté mais le plus frappant était dans son comportement. Il détestait son travail mais ne se plaignait jamais et se montrait assidu et consciencieux. A la maison, il faisait tout pour se rendre utile et surtout Maxime et lui étaient inséparables, cet enfant le remplissait de joie et il s' émerveillait devant ses progrès. Une pensée cependant le rendait triste parce que bientôt viendrait le temps de l' école et la séparation.
Le comportement de Juliette changeait insensiblement. Chaque soir avant son départ au travail, elle lui racontait sa journée et les petits potins du cabinet d' avocats.Un jour, elle lui annonça qu' un de leurs nouveaux clients qui venait de créer sa société recherchait un directeur commercial et qu' elle avait parlé de lui.
Jean Philippe tomba du ciel, jamais il n' aurait imaginé une telle possibilité, surtout venant de celle qu' il aimait beaucoup plus maintenant qu' à l' époque de leur liaison. Il rencontra le patron et l' affaire fut conclue. Encore une fois Juliette lui vint en aide, elle s' occupa de lui reconstituer un vestiaire adapté à ses nouvelles fonctions.
Bien que mort d' inquiétude il s' investit à fond dans le poste et ses qualités de manager revinrent automatiquement.
Seulement voilà, il ne travaillait plus la nuit et il dormait seul dans sa chambre à quelques pas de Juliette. C' était un vrai supplice pour lui mais il n' osait espérer qu' elle accepte de le recevoir dans son lit. Ce fut elle qui fit le premier pas.
Un soir ou ils avaient fêté tous les trois la fin de la période d' essai et son embauche définitive, elle coucha Maxime et ouvrit une bouteille de champagne. Comme elle était jolie ! La maternité l' avait transformée, elle rayonnait et les chagrins passés n' étaient plus qu' un mauvais souvenir.
Elle le prit par la main et l' entraîna dans sa chambre ou elle se donna de nouveau à lui ,sans retenue, heureuse de retrouver les gestes du passé qu' elle n' avait jamais pu oublier. Jean Philippe nageait dans le bonheur, estimant qu' il ne méritait pas une telle félicité après ses errements passés.
L' histoire se termine bien car, tous deux conscients d' avoir surmonté tant d' épreuves avec courage ils couleraient maintenant des jours heureux.
Joli conte de fées moderne
· Il y a plus de 7 ans ·Marcus Volk
merci, c' est encourageant
· Il y a plus de 7 ans ·elise-vdg