la clef
Gilles Paris
Je l'ai tué.
Elle ne reviendra plus. Plus jamais.
Pour me tenter, espérer, attendre.
Tout ça c'est fini.
A nouveau l'écran noir.
Et si je n'étais qu'un artiste de l'illusion.
Si toute création n'existait que sur l'instant
une fois réalisée, elle n'a plus de raison d'être.
Funambule de la déraison, je rime à profusion,
amnésique sur le fil de l'espace.
Un musicien emplit le silence de notes
Un peintre tisse sur sa toile des formes
Moi, j'écris sur le vide de ma mémoire
des mots, des phrases,
pour en diluer des récits.
J'assiste au vole d'une image et la rend lisible.
Durant mon errance
j'ai glissé sur l'amour
Me suis rattrapé à son bras
mais il n'a pas voulu de moi
et j'ai embrassé le macadam
A quoi bon conter ma lassitude
ma solitude, mon désespoir
Est-ce pour exhorter mon mal
que je bois tous ces mots
jusqu'à m'ennivrer
et me réveiller avec des mots de tête.
Elle est morte.
De sa fonction libérée,
mais par son âme hanté,
il est tard maintenant, trop tard.
Ce voile opaque,
cette infernale sarabande de lettres
dans le vent de mon esprit.
Elles se regroupent puis s'éparpillent de nouveau.
Histoires brêves échappées de ma pensée,
trahies par ma plume.
Une goutte d'encre coule le long de mon ventre
et des écrits naissent :
J'ai croisé l'envie
voulant la saisir
elle était partie
avec mon désir
Mais toutes ces paroles glissent sur la toile du temps.
Si je pouvais revenir en arrière
Chasser tous ces démons et mandragores.
Pourquoi suis-je manipulé ? Par qui ? Pour quoi ?
A genoux, tête baissée je pleure et je maudis.
Tous ces neurones, ces synapses, cellules
hors de mon contrôle.
Seul face à l'infini
seul devant le néant
je tombe anéanti
dans le trou béant
Pourquoi l'ai-je fait ? Qu'est-ce qui m'a pris ?
M'être ainsi débarasser de la clef de la raison.
Je l'ai jeté et ne l'ai jamais retrouvé.
Superbe nouvelle... On ressent bien la détresse qui suit la folie.
· Il y a presque 13 ans ·Anaïs L.