La complainte du Plaid

Pierre Miglioretti

Avachi et le regard blême,

Le plaid doucement s’éteint,

Lâchant le cœur flemme,

Les émois d’un pâle matin :

« M’éreintant sans relâche,

A rendre moelleuse la posture,

N’ai-je servi qu’à ôter les tâches,

Serpillière de conjoncture,

Esquintant toute mon étoffe,

Si fine que désormais elle en frise,

Sans que pareille catastrophe,

Pour le moins du monde ne les électrise.

Mais quand enfin, des torchons

Et des serviettes ils ne me confondent,

Piteusement enroulé en bouchon,

Dans cette position bien peu gironde,

Il n’en est pas un qui ne m’ignore,

Mirant allégrement du canapé

Ses épaules que dévêtues il arbore,

Ne songeant qu’en drapé,

Je pus rendre toute la grâce

A ce cuir que les années usent,

Que du temps et ses traces,

Je suis une alléchante ruse.

On ne fait ainsi cas de moi,

Sur moi se vautrant allégrement,

Quand la peau de chamois

Elle, est parée des saints Sacrements. »

Ainsi sombrement se lamentant,

Le plaid à l’âme neurasthénique,

Songent quand de lui seul antan,

Faisait-on couverture mirifique. 

Car si souvent inélégant et désuet,

Est-il traité en conséquence indûment,

Pauvre meuble que l’on croirait muet,

Et dont on ne fait plus qu’ornement.

Mais, si nul ne plaide en sa faveur,

Il ne lasse les amants transis

Qui souvent cèdent à sa saveur,

S’y fondant en cocon cosy.

Car si l’habit ne fait pas le moine,

Le plaid nullement dément,

Allégrement pour nous témoigne,

De son immense dévouement. 

Septembre 2012 

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