La Condamnation
anthony-lonewolf-ecrivaillon
- Accusé, levez-vous !
La voix du juge avait tonné dans toute la salle, imposant le silence à l’assemblée. L’accusé se leva alors, seul, le visage grave. Il avait choisi d’assurer sa défense lui-même, quitte à se battre seul contre tous, avec le peu d’armes qu’il avait à sa disposition. Après plusieurs jours de procès, il continuait de se demander ce qui avait bien pu l’amener ici, dans cette salle, avec toute cette liste de chefs d’accusation.
Le juge reprit la parole, baissant les yeux vers les notes du dossier.
- La cour va prononcer la sentence.
La sentence… Il ne la connaissait déjà que trop bien. Il n’avait plus rien à attendre de personne, espérant juste que tout n’avait pas été totalement vain. Mais il s’attendait déjà à la peine maximale.
Le magistrat reprit son énoncé, le flux de voix monocorde, blasé. Il en avait trop vu défiler comme cet homme, debout dans le box, déjà abattu, mais tentant de conserver un peu de dignité. Aucun son ne planait dans la salle. Un vrai silence religieux s’était abattu.
“Silence de funérailles, déjà, pensa l’accusé. Ils ne se font pas plus d’illusions que moi… À moins que certains réfléchissent peut-être à ce que j’ai fait, qui sait ?”
- Pour le crime d’atteinte à l’intégrité de l’État, vous êtes reconnu coupable.
Son visage se décomposa immédiatement. Il n’y avait pas besoin de continuer la liste, ce seul verdict suffisait à le tuer. Chacun le savait, et des soupirs et autres légers cris traversèrent la salle. Beaucoup se réjouissaient, quelques-uns étaient effarés, sans le montrer ouvertement. L’accusé se reprit rapidement. Les autres chefs d’accusation arrivaient, et il ne voulait pas faire à la cour le plaisir de s’écrouler devant ses magistrats.
Le juge continua d’énoncer les résultats des délibérés, toujours sans la moindre émotion.
- Pour le crime d’incitation à la haine et à la violence, vous êtes déclaré coupable. Enfin, pour le crime de propagande et complot contre l’État, vous êtes déclaré coupable.
Il s’y attendait, et pourtant, il se sentait mal, vide, abattu. Quelque part, il voulait croire qu’il avait bien fait, qu’il se sortirait au moins de l’un des chefs d’accusation. Mais non, il a été ouvertement abattu psychologiquement.
Et bientôt, il le sera aussi physiquement. Inutile de le cacher, il le savait avant même que le juge termine. Et quand il le fit, cela n’eut pour effet que de confirmer son ressenti, sans aucune surprise. Le verdict avait été clair et net.
Condamné à mort. Sa place n’était plus dans la société, ni nulle part. Il n’inspirait plus que peur et dégoût à l’assemblée, sauf à quelques-uns qui réfrénaient des larmes et de la colère tant bien que mal. Lui restait debout, droit. Non, il ne céderait pas à ce tribunal, à cette société.
Alors que les gardes l’emmenaient déjà vers sa cellule avant son transfert pour attendre son exécution, il savait déjà quels seraient ses derniers mots.
“Aujourd’hui, dans une société où prospèrent culte des apparences, hypocrisie reine, et contrôle des idées, j’ai été condamné à mort pour avoir pensé, réfléchi, et placé vérité et honnêteté comme des valeurs primordiales.”