La course folle

Le poète souffla sur les pages
Au mileu du dictionnaire.
Et scruta attendri
Ces mots de toujours
Ces mots de l'amour.
Les habitants du dictionnaire
S'ennuyaient ferme
Chez Robert.
Rarement ouvert.
Mais par définition
Il suffit d'un souffle
Pour que la vie reprenne
Ses droits
Et tous espéraient être choisis
Et criaient: "moi moi moi!
Au poète en émoi
Les mots volaient
Au dessus des pages
Espéraient etre choisis
Pour la nouvelle poésie.
Les heureux élus avaient fière allure
Tandis que les autres mots
Voltigaient
Et filaient
Quand leur course folle
Buta sur un barrage
Une sorte de péage
Un marque page!
Les gros mots en foule tentèrent
De passer par en dessous
Mais vu leur poids excédentaire

Ils se ravisèrent
Les mots composés etaient avantagés
Et par une courte échelle
Arriverent au verger
Ou le poète faisait sa sieste.
D'autres encore
Par la conjonction de leurs efforts
Firent preuve d'une coordination
Dont le poète se souvient encore.

A destination
Du coeur
Du poète
Qui les avait en adoration
Ils dansaient dans une grande agitation

Et quand ils virent
Le stylo
Il jetterent l'ancre
Sur le papier.
Chez Robert,
Les pages tournaient de plus en plus vite
Les verbes s'entrechoquaient avec les adjectifs
Un vrai capharnaum!
Et quel cafard pour les mots
Restés sur le quai de la gare.
Ahuri le poète attendit que l'orage passe,
Que la paix se fasse
Et avec des mots choisis
Ecrivit avec douceur
Ce qui lui venait sur le coeur
Avec l'odeur des mots
Des souvenirs de quand il etait minot,
Puis cheminot,
Puis facteur de lettres et de mots
Facteur de sourire et d'émotions.

Quand le texte toucha a sa fin
Il se rendit compte qu'il devait encore jeter un oeil

dans le Robert
Car il avait des finitions à faire
Sur le dernier quatrain.
De nouveau, folle bousculade
Et dans les mots qui giclaient de la cascade
Il en attrapa encore quelques uns
Et à la fin du poème
Il mit un point.