La créature des ténèbres

Florence Garel

 Il n’avait jamais dit à personne ce qu’il avait vu devant la gare, cette nuit-là.  Marc se promenait tranquillement. Sans savoir pourquoi, ses pas l’avaient amenés là. Marc était arrivé  devant cette immense bâtisse. Depuis, la gare était devenue un lieu maudit. Il évitait par tous les moyens d’y retourner. Il en avait des sueurs froides.  Marc regrettait d’être sorti cette nuit et de ne pas être allé se coucher. Il s’en souvenait comme si c’était hier. Pourtant plusieurs mois étaient passés depuis.

         Il était bientôt minuit. Il faisait frais. Marchant vite pour se réchauffer, Marc essayait d’oublier ses soucis. Mais rien ne l’avait préparé à ce qu’il vit.  Il s’arrêta.  Un homme fut lacéré sous ses yeux. Marc fut incapable de réagir. La scène ne dura que quelques secondes. Mais elle se grava à jamais dans sa mémoire. Il voulut crier et s’enfuir. Mais Marc ne put faire ni l’un, ni l’autre. L’homme tomba par terre. Du sang coula et tâcha le sol. L’autre s’acharna sur sa victime. Le sang gicla en gerbe. Il en reçut sur ses vêtements.

Ce ne fut pas le pire. Ce que Marc vit ensuite lui parut démentiel. L’agresseur se pencha sur l’homme inconscient et…but son sang.  Il n’en croyait pas ses yeux.  L’autre ne semblait pas le voir. Il en fut rassuré. Soudain, l’agresseur leva son visage. Marc cru que son cœur allait s’arrêter. Avait-il été repéré? Leurs regards se croisèrent. Des yeux rouges emplis de haine. Marc fut sûr qu’il n’avait pas affaire à un être humain. Ses dents surtout étaient étrangement pointues. Comme celle d’un monstre ou d’un vampire.

Il ne pouvait croire ce qu’il voyait. Marc recula. Des gouttes sueurs dégoulinaient sur son front. Ses mains tremblaient si violement qu’il avait l’impression qu’elles allaient se détacher. Il n’avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Il comprit soudain autre chose. Ce n’était pas avec un couteau que cette créature avait tailladé sa victime. Non, c’était avec une énorme griffe longes de  vingt centimètres et plus effilée qu’un couteau de cuisine. Son visage n’avait rien d’humain. Marc pouvait à peine le distinguer dans l’obscurité, et c’était tant mieux.

Mais il semblait que la créature voyait comme en plein jour. Elle était accroupie. Lorsqu’elle se déplia, il vit qu’elle avait quatre pattes. Elle se redressa. Elle était grande. Marc commanda à son corps de bouger. Il devait s’enfuir s’il ne voulait pas finir au menu de cette monstruosité. Il  recula. La créature bondit toutes griffes dehors. Elle rata sa joue de quelques centimètres. Marc avait eu chaud. Il devait trouver un moyen de se tirer de cette situation pour le moins inhabituelle. La créature tendit une de ses pattes griffues vers lui. 

Marc recula et fit un pas de coté. Du sang coula de son épaule. Puis il tourna les talons et pris les jambes à son cou. Il courut comme un dératé. Il  jeta un œil derrière. Avec horreur, Marc vit que la créature le suivait. Elle se déplaçait plus vite que lui. « Seigneur ! » ; cria-t-il. « Ne la laissez pas m’attraper ! ». Il courut sans se préoccuper des passants.  L’un deux fut coupé en morceau par la créature qui le poursuivait. Marc ne put s’empêcher de se sentir soulagé. Il s’arrêta pour reprendre on souffle. Il eut un début de point de côté. « Je devrais peut-être me remettre au sport » ; se dit-il.

Derrière lui, résonna un bruit immonde de sussions. Il ne peut résister à l’envie de regarder. Il réprima une nausée. La créature avait  transformé le malheureux en steak tartare. Du sang se répandit à profusion. Des morceaux de chaires furent éparpillés un peu partout. La créature  réduisit son corps en lambeaux et déchirés ses vêtements en miettes.  Marc  n’arriva pas à y croire. Autour de lui, c’est la panique. Les gens  commencèrent à crier et à s’enfuir. « Non » ; leur enjoignit-il. « Arrêtez ! ». En effet, la créature leva les yeux, intriguée par tout ce tapage. « Appelez la police ! » ; supplia quelqu’un.

Marc secoua la tête. Que pouvait faire la police face à in tel monstre ? La créature faisait deux fois la taille d’un être humain ordinaire.  Ses yeux de félins lui permettaient de voir dans l’obscurité. Elle se déplaçait à une vitesse et avec une agilité surprenante. Ses griffes étaient longues et acérées.   Ses dents pointues étaient immenses. Et pour comble de tout, elle semblait raffoler de la chaire humaine. Marc regretta soudain d’être sorti cette nuit.  Il aurait dû rester  chez lui à regarder la télévision. Mais il s’était ennuyé et avait eu envie de respirer l’air frais de la nuit.

Marc préféra s’enfuir plutôt que d’attendre ce qui allait suivre. Il détala comme un lapin. Il eut honte de fuir. Mais c’était la seule chose qu’il pouvait faire. Il courut se réfugier chez lui. Ce ne fut que lorsqu’il referma la porte de son appartement derrière lui qu’il se sentit mieux.  Il se sentit soudain épuisé. Mais il était trop anxieux pour penser à aller se coucher. Il ferma toute les fenêtre et verrouilla la porte. Mais cela lui parut un piètre moyen de défense. Il tombait de sommeil et décida de dormir un peu.  La fatigue l’emporta sur le sommeil et  il s’endormit.

Mais Marc dormit très mal et fit un horrible cauchemar. Il se trouvait dans la gare. Tout était désert.  Il n’était pourtant pas seul. La créature était là.  Elle l’épiait. Elle attendait.  La gare lui parut immense.  Il se sentait pris de vertige.   Soudain, Marc entendit des hurlements. Son sang se glaça. Il regarda autour de lui. Il n’y avait personne. Pourtant les voix provenaient de quelque part dans la gare. Son cœur commença à cogner dans sa poitrine. Des hommes et des femmes hurlaient comme s’ils étaient torturés.

Il aurait bien voulu les trouver. Mais il ne pouvait pas bouger. Les hurlements résonnaient autours de lui. Marc crut qu’il allait devenir fou. Soudain une ombre immense l’enveloppa. Il leva la tête. Sa bouche s’ouvrit sans prononcer un son.  Ce fut alors qu’il se réveilla. Il se redressa sur son lit en criant à s’en briser les cordes vocales. Il était trempé de sueur. Il sut qu’il n’arriverait pas à se rendormir. Marc s’assit sur son lit et se gratta la tête.  Il se leva et s’habilla. Il était fatigué. Il n’avait pas l’impression d’avoir dormi.

C’était comme s’il venait tout juste de se coucher. Il regarda vers son réveil qui lui indiqua quatre heures du matin. Il décida de passer une nuit blanche. Peut-être que regarder des débilités à la télévision l’aiderait à mieux dormir. Il se traîna jusqu’au salon.  Il eut soudain très soif. Il fit une halte dans la cuisine. Il prit un verre et le remplit d’eau. Il but. Mais il eut toujours aussi soif. Il  remplit à nouveau son verre et but. Mais sa gorge resta désespérément sèche. Marc avait soif mais ce n’était pas de l’eau qu’il lui fallait.

Il se sentit bizarre. Il commença à paniquer. Qu’est-ce qui lui arrivait ? Il décida de retourner tout de suite à la gare. Il laissa son verre dans l’évier. Puis il mit ses chaussures et son manteau. Il sortit en trombe. Il pensa à prendre une lampe de poche. S’il ne trouvait pas une réponse, jamais plus il ne retrouverait le sommeil. Il  parvint à retrouver le chemin. Il s’attendait sans cesse à voir surgir l’ignoble créature et qu’elle se jette sur lui. Mais tout était calme. Il commença à se dire qu’il devrait retourner dans son lit et essayer de dormir.

 Mais la gare n’était pas très loin et puisqu’il y était, autant aller jusqu’au bout. Il tremblait comme une feuille. Il se demanda ce qu’il ferait une fois qu’il se retrouverait en face de ce monstre.  Les lampadaires étaient allumés et éclairaient la rue. Levant les yeux, il vit  la lune au-dessus de lui. Elle était pleine et cela ne présageait rien de bon. Il avait toujours la gorge aussi sèche.  Il se sentait seul et abandonné. Et surtout, il y avait l’angoisse. Mais Il n’a pas le temps de s’appesantir sur son sort. La gare n’est plus qu’à quelques mètres.

 Il se promit que dés que tout cela sera terminé de déménager en quatrième vitesse. Soudain un  grognement guttural déchira le silence de la nuit. Marc se figea, sentant monter l’adrénaline dans ses veines. Le bruit provenait de la gare, juste devant lui. La créature était là.  Cette chose mi-humaine, mi-animale qui se nourrissait de chaire humaine. Marc avança, s’attendant au pire et tombe sur…un homme. Il s’arrêta, surpris et dévisage l’inconnu. « Mais qu’est-ce que… ? » ; balbutia-t-il. L’autre le regarda d’un air étrange. Il se gratta la tête.

Marc fut perplexe. Il s’attendait à trouver un monstre et voilà qu’il tombait sur un être tout à fait ordinaire. Il n’y comprenait plus rien.  « Je sais qui vous êtes » ; lui dit soudain le mystérieux inconnu. « Je vous attendais ». Quoi ? A cette heure de la nuit ? C’était presque ridicule. « Je savais que vous alliez venir.

             _ Qu’est-ce que vous êtes exactement ? Une sorte de médium ?

             _Pas du tout.

            _Très bien. Ecoutez, je ne sais pas pourquoi vous êtes , mais…

           _ Je pourrais vous poser la même question.

           _Pardon ? ».

                  Marc ne se sentit pas rassuré. Ce type était étrange. Que faisait-il à dans la gare au beau milieu de la nuit. Peut-être qu’il pourra m’apprendre quelque chose sur la créature que je recherche.

 L’homme s’approcha de lui. Marc ne se méfia pas. Et sans comprendre   ce qui lui arriva, il perdit connaissance. Il entendit un ricanement puis tomba dans l’obscurité. Lorsqu’il se réveilla, il fut aveuglé par la lumière du soleil. Il faisait grand jour. Il cligna des paupières et ouvrit lentement les yeux.

         Marc se redressa et s’aperçut qu’il était assis dans son lit. Le soleil entrait par la fenêtre ouverte.  Il attendit que les battements de son cœur se calment. Il se sentit soulagé. Il avait donc rêvé.  Il se leva. Tout était confus dans son esprit. Il se souvenait pourtant s’être levé cette nuit et être descendu boire un verre. Mais tout restait flou dans sa mémoire comme si les évènements de la nuit étaient arrivés à une autre personne.  Il alla jusqu’à la fenêtre et l’ouvrit.  L’air frais du matin lui fit du bien.

               Il commençait à se dire qu’en fait tout allait bien. Alors un visiteur inattendu arriva. Il était adossé contre le mur près de la porte. «  Je suis ravi de vous retrouver ». Il sentit son cœur  rebondir dans sa poitrine. C’était l’homme qu’il avait vu cette nuit dans la gare. « Qu’est-ce que vous faites chez moi ? Sortez tout de suite !».  Il s’écarta du mur et vint à sa hauteur. « Ce n’est pas très gentil de parler comme cela ». Il s’en moquait. Il n’avait pas envie d’être gentil. Il se souvenait qu’à cause de ce type il était tombé dans les vapes.

             Il n’eut pas le temps de réfléchir à ce qu’il devait faire. Oh non ! La créature était là. Juste dehors. S’il sortait, il allait mourir. Il déglutit.  « Bon sang ! » ; hurla-t-il. « Mais qu’est-ce que vous voulez ? Et qui êtes-vous d’abord ? ». L’inconnu sourit. Dehors, résonnèrent des cris de douleur. « Je crois qu’elle avait envie de se défouler ». Il ne comprit rien à ce que cet homme venait de dire. « Je suis navré. Mais je ne peux rien faire une fois qu’elle a commencé. » Son regard le transperça.

              Il se sentit soudain anéanti. Il regarda ce qui se passait au-dehors. Un spectacle épouvantable s’offrit à ses yeux. « Mais que fait cette créature ici ? ». L’homme derrière lui éclata  de rire. « Cette créature comme vous dite est mon chien de garde ». Il se moqua bien de cette remarque incongrue.  « Mais il faut l’arrêter ! »  L’homme secoua la tête. « Elle ne fait rien de mal. Elle veut juste se nourrir ».

         Marc fut choqué. « Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? Vous êtes fou ! ». L’homme  secoua la tête. « Pas du tout ». Marc  fut en colère. « Je ne sais pas qui vous êtes ! Mais je vous jure que s’il faut la tuer, je le ferais ! ». L’inconnu sourit. « Si vous tenez vraiment à le savoir, je m’appelle Edward Kosloff. ».  Marc haussa les épaules. « Et vous vous êtes Marc » Ce dernier hocha la tête. « Et je suis là pour vous tuer».

      Marc commença à paniquer. Il bouscula son interlocuteur et s’enfuit Il dévala les escaliers quatre à quatre. « Pourquoi faire ces efforts inutiles, Marc ?  De toute façon, je vais vous tuer ». Mais ce dernier ne l’entendit pas de cette oreille. Il courut dans l’entrée et ouvrit la porte à toute volée. Il continua sa course sans regarder en arrière. Edward Kosloff arriva juste derrière lui. « Vous n’espérez pas trouver de l’aide dehors ? »

            Sans répondre, Marc continua de fuir. Mais il n’alla pas loin. La créature se dressa devant lui. Marc chercha quelque chose pour se défendre. Edward Kosloff arriva. Marc se sentit perdu. Il  n’hésita pas. Il se lança sur l’homme. Celui-ci, surpris par ce revirement n’eut pas le temps de réagir. Marc l’étrangla. Edward Kosloff tomba, inconscient. Il était mort. Lorsque Marc se tourna vers la créature, elle avait  disparu. Marc fut soulagé. Il rentra chez lui. Lorsqu’il regarda par la fenêtre, il n’y avait plus aucun corps inanimé par terre.

               Une semaine plus tard, Marc déménagea. Il  recommença sa vie ailleurs. Jamais il ne parla de ce qui s’était passé. Et en effet, depuis, ces événements étranges étaient restés un secret. Il n’avait jamais dit à personne ce qu’il avait vu devant la gare cette nuit-là.

          

FIN

Signaler ce texte