La crise

poids-plume

Elle laisse s’écouler sa vie espérant que quelque chose se passe enfin. Petit à petit n’a plus d’envie et ne croit plus en un destin.

Parfois elle voudrait prendre la route, aller dans ces pays étrangers où elle rêve de se promener. Mais elle est devenue peureuse.

Elle a peur de prendre un billet d’avion vers de nouveaux horizons, comme elle a peur de se retrouver seule avec un garçon.

Elle fui l’autre autant qu’elle le désir.

Elle rêve de lui mais elle préfère fuir.

Alors elle regarde les photos, compare sa silhouette, se demande où est cette fille qu’elle avait l’habitude d’être.

A vouloir être parfaite, elle est devenue une autre. Mais qui est cette nana dans le miroir ? Celle là même qui n’a plus de rêve, qui refuse de vivre ses envies ?

Elle regrette déjà les rides qui tapissent légèrement son front. Elle se demande pourquoi son corps vieilli mais pas sa raison ?

Mais l’est elle raisonnable lorsqu’au lieu de diner, elle s’envoi une boite de thon ?

Pourquoi elle s’affame des jours entiers et s’empiffre en une seule journée ?

A force de tirer sur l’élastique il s’est déformé. Son corps aujourd’hui ne sera plus jamais ce qu’il était. Et son esprit ne connaît que des bribes de gaîté.

Elle ne sait plus ce qu’elle aime mais se souvient de ce qu’elle a aimé. Elle parle au passé, pense a la fille d’avant. Celle qui avait des rêves, celle qui aimait la vie.

A force de se persuader qu’elle n’aimait ni le gras ni le sucré elle a fini par perdre son vrai gout pour la vie.

Aujourd’hui, manger la rend triste et se priver aussi.

Parfois elle craque et le petit bonheur d’un carré de chocolat se transforme en crise de foie. Elle sent sur ses lèvres cette note de réconfort. Elle aime le bruit de ses dents cassant cette fine couche de plaisir. Mais chaque fois, la spirale l’entraine. Le plaisir d’un carré ne suffit jamais. Elle sait que cette douce sensation n’est valable que pour la première bouchée mais elle continue de le rechercher jusqu'à la fin de la plaque. Et comme cette sensation ne reviendra pas, elle décide de la chercher ailleurs.

Et c’est ainsi que s’ouvrent les vannes de l’interdit et les portes du placard.

Tout va y passer, dans le désordre et dans le noir.

Parfois elle versera une larme, elle tremblera le plus souvent tout en étant excitée par cette mi-temps.

Même si demain elle sait, qu’elle va déchanté. Ce soir elle n’a plus de retenue, ce soir elle baisse les armes et accepte la faiblesse.

Elle n’a pas le temps de boire, pas le temps d’ouvrir les paquets. Elle veut que ça soit rapide et qu’il n’y a plus de vide dans son gosier.

Elle englouti, elle ne mâche pas. Elle mélange tout, ne savoure rien. Lorsqu’elle s’attaque à un aliment, elle pense déjà à quel sera le prochain. Parfois elle sort faire des provisions, un peu excitée à l’idée que cela va continuer. Elle pense qu’elle va finir par vomir mais non, jamais. Elle garde tout bien emmagasinée dans son estomac comme dans les rayons de chez Ikea.

Puis vient le moment ou elle ne peu plus respirer. Elle s’allonge, n’a pas la force d’aller jusqu’au lit.

Elle va s’endormir là, en larmes au milieu des débris.

Au réveil, elle ne se souviendra pas. Il lui faudra quelques minutes pour reconnaître le délit : Elle a eu une crise de boulimie.

Et là, tout va se mêler. La peur, la honte, le dégout. Elle va s’insulter, se détester, se punir.

D’abord elle va ranger la scène du crime. Ranger, laver, desinfecter, jêuner, souffrir.

Et puis elle ira faire les courses, passera devant le rayon tantation, achètera une nouvelle plaque de chocolat, parce que cela la rassure de savoir qu’elle est là.

Au cas où, juste savoir qu’elle est là, dans le placard de ses tracas en attendant la prochaine crise.

Elle voudrait savoir se contenter d’un carré mais elle restera au fond du placard.

Cette plaque de chocolat, pour les jours où il fera noir.

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