LA DECOUVERTE DE LA VIE

Nadia Esteba

LA DECOUVERTE DE LA VIE

A la recherche inavouée d’un Dieu savant et artiste et en relation médiumnique avec le langage secret de la nature je voudrais peindre l’indicible, l’harmonie mathématique pourtant sans symétrie de ces espaces. Entendre l’esprit de la terre, cœur ouvert aux sensations, voir toujours la beauté singulière, ce que d’autres par lassitude, ou désintérêt, ne perçoivent même plus; signes blancs sur l’eau, formés légèrement par l’écume calligraphe; les taches rouille de la mousse sèche, altérations de lichens ou efflorescences salines sur de simples cailloux. Cela est parfois une souffrance, qui met pourtant à l’écart du banal, côte à côte comme dans un autre monde nous cohabitons. Ici, et là, dans l’Aude, il y a du soleil et par conséquent des ombres, vibrantes, elles animent les choses, leur redonnent une présence, du relief, comme dans un film, en blanc et noir, ou en technicolor, quand le ciel se couvre ou avec la musique du vent les craquements les soupirs, feulements, hurlements. Dans cette contemplation à l’écoute, une compréhension du monde peu à peu s’immisce dans nos veines, une méditation. Entre bouquets diaphanes de monnaie du pape et confiés en papiers de soie protégeant des boucles de cheveux, en relique, tout est possible, dans ce VILLAGE, où reviennent toujours les hirondelles, où l’on connaît les dates incontournables du passage des oiseaux migrateurs, bisets aux reflets chatoyants, (palombes), buses, oies sauvages où les rites se perpétuent.6 Mais, c’est sans compter sur le vent aux humeurs fantasques, celui qui vient du côté où on ne l’attend plus. Tapi, dans l’immobile attente, il prend parfois des colères inoubliables et sait paradoxalement se faire aimer attendre supplier, quand le soleil nous écrase. Attachants soupirs d’un esprit imprégnant la mémoire, le paysage, et les cœurs. La légèreté de ses caresses, ou sa force en font une personnalité un être à part entière joueur, s’amusant avec le manège des planches à voiles joyeuses, aux COUSSOULES, les cerfs-volants, donnant une impression chinoise au ciel, de toutes couleurs. Emportée par le vent, je m’envole dans les airs, un bouquet de fleurs d’étang, saladelle lilas, à la main. Un ballet qui perdure, s’improvise sur l’eau et le ciel, parmi le vol papillonnant des oiseaux de l’été à l’hiver, tant le plaisir est fort. Un retour après un départ éternel non seulement un peu trop long et ces va et vient, sont un gage de redécouverte, d’être toujours en amour, sans jamais perdre cette étincelle de curiosité. Les transparences innombrables de la lumière jouent irisées, nacrées sur les pousses des roseaux à fleur d’eau .Rien n’est jamais fini en évidence et chaque pas entraîne une autre certitude, occasionne des plaisirs pour l’avenir. Le mal de mère, de mère…L’ombre dansante d’une femme, s’en va, à contre jour. Fondu enchaîné dans une petite musique. Ma Dame, elle se parfumait je crois à Rêve d’Or, Cuir de Russie, ce sont ces parfums qui me reviennent, des images intemporelles enivrantes trop capiteuses, d’héliotrope ou de santal qui me faisaient faire des caprices lorsque seul, son sillage attestait de la solitude, à cause du départ. Où? , là est la question :- OUTRE MERE. Je tambourinais des deux pieds, poings serrés en criant. Je pensais à ma grand-mère qui m’avait donné une force avec des mots simples chargés d’amour. Mais oui tu es jolie, pour moi tu es la plus belle; enfin, c’est en occitan qu’elle me le disait:«Per ièu siòs la mai polida!»Alors forte de ces énergies je laissais glisser les minutes, les heures, le jour, la nuit. Dans l’attente, je repensais à elle, me promenant dans le passé pour y chercher des parfums, des voix, des contes. A Paris je n’étais qu’une étrangère. Dans des demi consciences de rêve éveillé, je revenais dans sa maison, je me voyais petite l’appeler et elle apparaissait à la fenêtre:Hé ben de qué?

Mamé ce soir je viens au cinéma avec toi! Oc, REINO BELO, diga li a ta maire, te prendrai (digo si bo).Elle savait raconter et là, pourtant, sans jamais avoir rien appris de ce patois, tous les enfants en comprenaient le sens. On ne parlait pas ainsi, les parents avaient le sens de cet interdit qu’on leur avait inculqué à l’école et devant nous, ne parlaient exclusivement que le français avec bien sûr des régionalismes dont ils étaient inconscients.

D’autres fois c’est à mon père que je pensais, fugitif, il avait pris son envol, si tôt vers la VOIE LACTEE alors qu’il aurait du profiter de son mérite, de tout son labeur sur cette terre. Je me voyais dans la cuisine où nous nous lavions le visage avant d’aller à l’école, je me passais une serviette mouillée, une serviette à franges, sur la figure avec l’eau prise la cruche bleue, puis je refaisais mes tresses après avoir bien lissé mes longs cheveux luisants, qui dépassaient la taille; je me regardais dans le miroir qui pendait près de l’évier ; dans une boite en bois peint accrochée au mur, il y avait le peigne et la brosse et si Edwige ne venait pas me déranger je me coiffais des heures; tantôt Audrey HEPBURN, tantôt une autre brune, sous le chapiteau d’un cirque. Je montais sur la pointe des pieds pour mieux me voir ; je lissais bien la mèche sur le front, une chien, comme on disait à l’époque…Dans mon lit de Paris je revoyais bien la scène car si Edwige arrivait, je continuais cette toilette dans le carreau bas des fenêtres celui de gauche, dépoli. Le flou gris de ce carreau de verre m’emportait encore dans des rêveries. Puisque Henriette JALABERT l’avait dit c’est que ce devait être vrai que je ressemblais à cette actrice alors, je trouvais joli mon sourire, l’alignement des dents bien blanches, les lèvres charnues la forme oblongue des yeux aux grands cils, avant de remettre les lunettes…Un jour de retour à LA PALME les nouveaux propriétaires me racontèrent une anecdote. Leurs deux filles jumelles avaient vu sidérées dans leur miroir une femme sortir du mur et longuement elle se peignait… Ce n’était pas que la vision de l’une, l’autre aussi avait retenu son souffle. De tout cela je n’en sais pas plus! 7

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