la dernière semaine

hectorvugo

Je ne lui suis plus d’aucune utilité. Je suis au chômage technique, l’espoir de retrouver un emploi est mince, aussi mince d’ailleurs que ma taille. Et pourtant il n’y a pas si longtemps encore je paradais pour le bonheur de ces dames. Je les honorais, je les pénétrais. Que s’est il passé pour que mon maître se retire du monde et abandonne les plaisirs de la chair ?

L’idée même de se masturber ne lui dit plus rien. Je suis à ranger dans l’armoire des souvenirs. Un sexe dans une armoire, quelle tristesse.

Ce sont les derniers mots de mon journal intime, nous sommes le dimanche 30.

LUNDI 24

Si l’on m’avait dit qu’au lever du jour j’allais subir un coup du mou je ne vous aurais pas cru. Tout était permis pour que le bonheur fût là. Mon maître avait dormi nu. Muni de mon bonnet de bain j’avais participé activement à une séance d’exercices alliant les sentiments à la galipette.

En témoigne les gémissements et le vocabulaire explicites de la jeune partenaire dont j’avais visité l’antre gynécologique au point d’en faire la prise de mesures millimétrées comme l’exigeait la loi avant toutes ventes immobilières.

A l’humidité coupable que son logement affichait, j’avais également remarqué son étroitesse. Mais en bon claustrophile je m’y étais plu.

Parfois la lumière vous offre une vérité que l’on aimerait se cacher. Le soleil de ce Lundi m’envoya la silhouette de celle que j’avais fait crier de plaisir.

Quelle déception ! (d’où le coup de mou)

Elle ressemblait à un homme excepté l’orifice caverneux que j’avais fouillé la nuit dernière. Comment fut-il possible qu’une femme présentât si peu d’avantages ? La nature est mal faite.  Mon maître prit la décision de mettre fin à cette aventure hygiénique. Trois mois c’était déjà trop long.

MARDI 25

Que lui avait-il dit pour qu’elle pleurât toute les larmes de son corps ? Je te quitte. Trois mots tout simples. Elle s’était jetée dans ses bras réclamant un dernier témoignage affectif. Les témoignages affectifs parlons en. J’ignore totalement comment faire le distinguo entre l’amical et le sentimental. On me frôle, on me touche et je réagis.

Là en ce Mardi après midi, par inadvertance la braguette de celle dont je vous avais dit qu’elle ressemblait à un homme entra en contact avec l’entrejambe de mon maitre. Cela ne rata pas. Je suis sanguin vous le savez. Et malgré le souvenir de son aspect androgyne, malgré la rupture signifiée par mon maître, je sonnai le retour des grandes manœuvres. On pouvait entrer dans le vif du sujet.

Encore heureux que l’art des préliminaires fût chez lui une corvée, il s’en trouva réduit à l’évocation physique d’une caresse, pas plus.

Dès lors je fus de sortie et fis l’objet d’une buccale sollicitude. Soyouz préparait les cosmonautes de la reproduction, pire le compte à rebours égrainait les secondes délicieuses avant décollage.

Mais l’histoire de la conquête spatiale se confond avec celle de la conquête féminine. Un avatar, un imprévu et l’on stoppe le chrono à quelques 20 secondes de la montée au ciel, une toux , une lentille de contact qui tombe que sais-je encore. Ce Mardi-là ce fut le téléphone portable de mon maître. Il vibra sur la table de la salle à manger. S’en suivit une conversation rapide.

Le charme se rompit par ce terrifiant commentaire : c’est ma femme, elle arrive, rhabille toi et pars.

Jamais on n’avait fait plus court et plus précis dans les adieux.

Elle enfila son jean, embrassa mon maître et partit.

Par miracle les deux femmes ne se croisèrent pas.

L’épouse de mon maître était belle. Elle s’appelait Karine.

Elle travaillait comme commerciale pour une boite de prothèses mammaires.

-          je te croyais à Limoges dit mon maître

-          Elle lui répondit Limoges c’était la semaine dernière. Je suis à Marne la Vallée cette semaine.

-          Ou avais je la tête ma chérie

-          On se le demande

Moi je savais où il avait la tête puisque j’étais le cerveau de ses pulsions.

MERCREDI 26

Le couple, les habitudes, les silences. Qu’ils étaient nombreux les silences du temps où Karine était présente, trop présente sans doute, collante.

A cette époque j’avais visité d’autres intérieurs, d’autres intimités. Je m’étais découvert sensible et réactif à d’autres caresses.

J’aurais pu incorporer la section satisfaction clientèle de Roger Cavaillès où encore écrire un guide d’hôtelleries féminines. Une guide Micheline imaginez. Amusant non !

Je m’étais spécialisé dans les femmes quadragénaires. J’avais découvert sur le tard je l’avoue l’extrême richesse et diversité qu’un studio sans ouverture offrait. Car le sexe féminin s’apparente à un studio sans ouverture où chaque zone est riche en réactions quand on se donne la peine de l’explorer. Chaque logement avait son cachet.

Comme mes autres confrères je souffrais de ce toc qui  m’amenait à aller et revenir sur le lieu du délit, de vérifier encore si je n’avais rien oublié. Rythme frénétique, effrayant mais tout de même plaisant.

Mais il manquait l’essentiel, la jouissance de retrouver un lieu familier

Ce Mercredi qu’il était bon de rentrer chez soi, d’y redécouvrir le plaisir du cocooning, de comprendre enfin qu’un seul endroit vous convient.

Le sexe de Karine avait ce quelque chose de rassurant, de douillet, comme la madeleine de notre enfance. Et au moment de visiter à nouveau cette intimité dont aucun millimètre ne m’était pas étranger, je me surpris  d’avoir cette mémoire sensitive. Tout me revenait.

Comment avais je pu me priver de ce plaisir là ? D’une ardente douceur.

Son orifice me massait et procurait chez moi ces montées difficilement contrôlables. J’étais au pic de ma forme, le sang circulait à bloc. Je devais faire mon possible, me retenir coute que coute, mettre en sourdine les ordres du cerveau, oublier les informations des globes oculaires.

Karine était délicieusement proportionnée, un brin orientale dans sa silhouette généreuse, les seins épanouis dans un 95 C de bonne facture,  les fessiers courbés à point, le dos frémissant à chaque fois que des doigts s’y promenaient. Sa bouche aimante apposa ses lèvres sur celle de mon maître, puis dans un élan fougueux s’ouvrit pour offrir sa langue à la sienne.

Toutes ses informations étaient envoyées, répertoriées dans le cerveau.  J’étais un totem à la gloire de Karine.

JEUDI 27

Elle se rapprocha de lui et glissa à son oreille : « J’ai quelque chose à te dire ». Le fait qu’elle le toucha à nouveau créa en moi une réaction de réveil soudain. J’étais sur pied. Et mon maître s’empressa d’embrasser Karine. L’amour toujours l’amour.

Comme un disque rayé dont on se délecte de la rediffusion, je remis l’ouvrage sur le métier.

Implacable, précis dans mes enchaînements, jouant des moments forts et des moments faibles j’étalais mon savoir instinctif, attendant à l’ultime fin du coït l’éclosion sonore de la satisfaction. Oui tel un champion de patinage  j’attendais que le jury rendît ses notes techniques et artistiques. Et le jury c’était elle, Karine, épuisée, heureuse, presque éprise d’un sentiment que mon maître ne lui croyait plus capable de transmettre.

Avions nous correctement entendu tous les deux ce gémissement suivi d’un je t’aime lâché presque malgré elle ?

Oui nous l’avions entendu.

A l’instar de Saint Thomas que ne croyait que ce qu’il voyait. Mon maître crut ce qu’il avait entendu. Il prit pour argent comptant les dires de Karine, d’autant qu’elle joua l’amoureuse avec un sens du réel qui vous faisait presque toucher l’extase.

Elle était là, la tête posée sur son torse. Elle respirait profondément et me caressait pour que je ne perdisse point la vigueur du désir. Un sexe masculin devient mou quand il se repose sur ses lauriers disait mon ancêtre Maximus Phallus peu avant d’honorer Cléopâtre.

Un corps caverneux a aussi de la culture. Etonnant non !

Je  vous ferais grâce de citations grecques. Certaines antiquités douloureuses se doivent de garder  le silence surtout quand on les a derrière soi.

Digne d’un bûcher prêt à nouveau à accueillir sa Jeanne d’Arc, je me redressais.

Enfin Jeanne d’Arc c’est vite dit. Un corps caverneux n’est pas un puit de culture. Faut pas exagérer.

Karine n’était plus pucelle depuis longtemps.

Bref, Midi sonna après moultes étreintes.

Mon maître et Karine reprirent leurs esprits. Le quotidien s’imposait : civil, froid, précis.

Karine regarda mon maitre dans les yeux et reprit la fameuse phrase avant l’amour, celle dont il croyait qu’elle n’avait aucune importance : « J’ai quelque chose à te dire. ».  Petit silence, respiration longue puis elle lâcha tout de go : « cela ne peut plus durer entre nous, je suis amoureuse d’une femme »

La claque absolue, le KO complet.

Le cerveau dans la brume, seul je tentais de maintenir un semblant de vie en réagissant énergiquement à l’évocation de cette liaison homosexuelle féminine : Je bandais.

J’imaginais la scène, le fantasme absolu. Deux femmes faisant l’amour.

Pour la première fois je sentis un divorce effrayant, j’étais abandonné en rase campagne par le cerveau de mon maitre. J’étais en mode automatique.

Karine partit dans le quart d’heure suivant sans l’expression d’un remord. A quoi bon être nostalgique. Clap de fin sur une histoire.

VENDREDI 28

L’amour ne comptait plus, restait l’hygiène et la satisfaction du désir. Vers qui se tourner, vers qui aller pour assouvir ce besoin ? Mon maître consulta son portable et éplucha ses contacts. Que de prénoms féminins, que de souvenirs agréables. Engoncé dans un caleçon je revivais et reprenait des couleurs à l’évocation de Barbara, Gaëlle, Sonia, Angélique, Emma, Claudia, Irène, Frédérique, Sylvie, Aude, Cheima, Brenda, et Yoko.

Peine perdue, nous avions coupé les ponts depuis trop longtemps. Les rappeler ne servirait à rien.

Mon maître en oubliait une dans la liste et volontairement. C’était l’androgyne : Dominique. Comme par hasard un prénom unisexe.

Et si je me rabibochais avec ma dernière maîtresse ? se dit-il. Ni une ni deux, il l’appela.

Mû par la libido on balance des paroles qui nous échappent : «  Donne moi une seconde chance Dominique. Je me suis lourdement trompé sur toi ».  A cet instant mon maître ignorait encore leurs portées prophétiques.

Au pied d’un immeuble nous voilà donc prêt à bondir vers l’étage qui allait nous réconcilier avec l’amour.

Dominique avait accepté de revoir mon maître sans poser aucune condition particulière, preuve qu’elle était attachée à lui.

Regonflés à bloc, nous sonnions à l’interphone. A l’ouïe  de sa voix guillerette nous avions compris que tous les espoirs nous étaient permis. Je dois même vous avouer qu’à ce moment là, je tressaillis de joie créant une bosse malencontreuse sur le pantalon de mon maître.

2éme étage porte de gauche en sortant de l’ascenseur, même si la veilleuse du couloir était tombée en panne nous aurions trouvé. L’amour est aveugle c’est bien connu. Il concourt à l’exploitation des autres sens.

L’amour ! J’en utilise de bonne là. Nous n’étions pas amoureux mon maître et moi. En vérité nous étions impatients de pratiquer l’art d’aimer.

Quoi ! Que dites-vous ? Baiser. Oui vous avez  raison, c’est cru mais juste

Bref

Dominique ouvrit la porte. Mon maître se jeta sur elle sans qu’elle pût dire bonjour. Quoique pour être tout à franc, il lui en laissa le temps.

Je replongeais en adolescence et retrouvais la verdeur et l’impatience de mes jeunes années. Point de préliminaires longuets, point de vocabulaires, l’action pure et virile d’un contentement purement masculin. Sitôt entré dans le vagin de madame, sitôt submergé par le plaisir. Je m’exprimais sans retenue, laissant dans mon bonnet de bain l’autographe génétique de mon passage par cette encre si particulière et collante qui donne parfois la vie.

L’expérience me permis de redorer mon blason une seconde fois avec plus d’altruisme jouissivement parlant.

Nous avions rejoint le lit et prenions le confort de nous emporter mutuellement. Nous étions mieux ici que sur le tapis du salon

J’allais honorer le troisième coït avec une forme olympique  n’en déplaise à ceux qui doutent de mon endurance.

Dominique était offerte et en redemandait comme si ma rédemption passait par de multiples passages toujours couvert par un bonnet de bain. J’avais oublié combien elle était si peu excitante, j’avais oublié combien elle était fade, j’avais oublié tout d’elle au point de croire qu’elle fût une poupée gonflable pour pauvres types manquant d’air. Et pourtant j’avais beau aller et venir en elle, le frottement n’engendrait pas la brulure et avec lui l’odeur de plastique cramé. Elle était bien réelle. Et cette réalité se confirma par un râle non identifiable qu’elle poussa dans mon oreille gauche.

Juste après je m’attendais au silence et à la douceur d’un tendre remerciement. A la place j’eus droit à la sonnerie de son portable. Une courte conversation, un moment de panique, une phrase terrible : « Ma femme est en bas, rhabille toi, planque toi dans le placard »

J’avais bien entendu ma femme. Dominique était une homo, une gouine, la salope !

Le choc, la honte, le dégout.

Mon maître simula la précipitation, il se rhabilla tant bien que mal.

Le reste qui suivit fut un cauchemar.

A quoi ressemblait donc la compagne de Madame Dominique. Il ne  pouvait pas le savoir, pas encore, il entendait sa voix, une voix familière.

Mon maître attendit qu’elles entrèrent dans la chambre pour voir. Il entrouvrit la porte du placard et vit l’impensable. Karine et Dominique ensembles, sa femme et sa maîtresse ! C’était le bouquet.

SAMEDI 29

Mon maître ne sortit de sa cachette qu’au petit matin de ce samedi attendant que le deux femmes s’endormissent après une longue nuit d’amour. Je garde le souvenir ému et frustré de ces étreintes féminines. Pour la première fois je m’étais senti impuissant dans tous les sens du terme.

En berme et incapable de la moindre réaction je baissais pavillon. Mon utilité ne serait qu’urinaire jusqu’à nouvel ordre.

La décision était prise. Mon maître irait rejoindre son oncle au couvent. Le début de la fin était au-delà de cette porte ou nous allions finir nos jours

J’allais n’avoir comme nourritures sensuelles que d’agréables souvenirs et une douce nostalgie

A l’instar d’un cheval de courses je me retirais dans ce haras à ceci prêt que le destin de l’étalon ne serait plus pour moi.

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