La domicile. (1)

Elle avait tout pour elle. Pas seulement de beaux nichons ni une tête bien faite, mais aussi de la répartie. Dans les dîners mondains, elle fabriquait un petit entourage qui l'écoutait sous des lampes de salons avant que les coiffures ne se défassent et que les lèvres ne se plaisent.

Elle disait de moi que je ne savais lire que dans les apparences, que même avant d'avoir essayé de gratter ce qu'il y avait de derrière chez l'humain pour voir s'il se tenait quelque chose de plus consistant, la chance ne m'aurait de toute manière jamais souri, vu que l'enthousiasme que je laissais paraître tenait plus de la tête de mort que du feu d'artifice. Elle disait aussi que j'avais l'art de choisir les mauvais cartes et de les tirer aux mauvais endroits.

Quand on rentrait à la maison, le saladier de la cuisine était toujours plein:

- Tu comprends, on peut pas gagner quand on y croit pas ! Faut vouloir y croire pour pouvoir espérer ! Toi, t'as jamais mal aux dents... t'as jamais mal au ventre ou au cul on dirait !

- Et alors ? J'vois pas où tu veux en venir !

- Ben moi si, je vois bien ! C'est que t'as pas de conscience ! Les dents et les maux ça fonctionne avec la tête ! La douleur elle vient pas forcément de là où tu appuies ! La douleur elle est transmise par la tronche ! Mais toi comme t'as pas d'tronche, ton cerveau ne te transmet rien ! Tu sembles ovovipare ! On dirait un poisson sur la table de nuit chez Mireille !

-???

- T'attends dans l'aquarium qu'on vienne toquer à la vitre pour voir si tu bouges encore de la queue !

Avec Betty, et même si le temps parfois semblait maussade, on finissait par s'embrasser quelque part dans la chambre en prenant soin de laisser la porte entrouverte au chat, de peur qu'il ne la gratte durant la nuit pour aller faire un tour sous les pieds du canapé...