La douleur des sentiments
soniadron
Attablée à la terrasse du café situé en plein cœur de Paris, Nina Delattre, le visage levé vers le ciel, profitait des derniers rayons du soleil de cette fin d'été. Elle avait eu une chance inouïe d'avoir pu s'installer à l'unique table libre de l'établissement. De là où elle se trouvait, elle pouvait apercevoir la tour Saint Jacques s'élevant fièrement en bordure de la rue de Rivoli. Elle jeta un coup d'œil sur son Smartphone : 13 heures pile. L'homme qu'elle avait eu le matin même au téléphone n'allait plus tarder à la rejoindre.
Elle scruta au loin l'arrivée de ce Léonard Deswarte qu'elle attendait sans toutefois savoir à quoi il pouvait bien ressembler. Elle l'imaginait soixantenaire, cheveux poivre et sel, impeccablement rasé, vêtu d'un costume de marque. Il devait être le genre d'homme passionné, sûrement un inconditionnel des émissions littéraires qui passent au milieu de la nuit, fumeur et pourquoi pas moustachu. Elle sourit intérieurement pensant qu'elle devait certainement faire fausse route mais c'est ainsi qu'elle le voyait.
Plus de dix minutes s'étaient écoulées et toujours personne à l'horizon. Commençant à douter de l'arrivée de cet inconnu, elle commanda un café noir au serveur et décida de jeter un coup d'œil sur le document qu'elle tenait entre ses mains. Après tout, ce n'était pas entièrement de sa faute. Si le facteur ne s'était pas trompé d'adresse, ce manuscrit serait posé sur le bureau de l'assistante de la maison d'édition qui se trouvait à quelques rues de l'étude qui l'employait. En revanche, si elle avait vérifié le libellé de l'enveloppe avant de l'ouvrir, elle aurait vu que ce paquet ne leur était pas destiné. Ce n'était qu'après quelques secondes qu'elle s'était rendu compte que ce qu'elle tenait dans ses mains n'était pas un dossier d'un de leur client.
Elle caressa le manuscrit et effleura du bout des doigts la première feuille, déjà cornée sur laquelle étaient inscrits en caractère gras, le titre et le nom de l'auteur : « Les mémoires de Rose , Léonard Deswarte.
Elle aurait aimé en lire quelques passages le matin même, mais l'arrivée d'Alessandro Lazzaro, le nouvel avocat tout juste intégré dans l'équipe du cabinet dans lequel elle était assistante juridique, avait monopolisé tout son temps.
Elle jeta un dernier coup d'œil furtif sur le document, regarda autour d'elle et n'y tenant plus, commença à lire un chapitre au hasard.
Tant pis, il n'a qu'à être à l'heure !