Le meilleur des promts - Épisode 3 - NATURE

petisaintleu

"Écris la suite de l'histoire où LUI-Z-12748 découvre la nature et les éléments pour la première fois après avoir quitté la société contrôlée par ON. Décris sa réaction face à cette expérience sensorielle inédite. »

 

Hêtraies, chênaies ou sapinières n'avaient plus aucun sens. Toutes les espèces s'entremêlaient dans un capharnaüm végétal. Elles se battaient à qui mieux mieux à une vitesse quasi-géologique pour leur survie.

LUI n'avait pas peur. Il ne connaissait pas ce sentiment, pas plus qu'un autre. Il lui fallait simplement avancer avec prudence dans ces lieux inconnus, pour ne pas chanceler.

C'est l'odorat qui, en premier, titilla LUI. Une orgie de sensations s'empara de ses narines. Ce n'était pas désagréable ; juste déstabilisant. Vint le toucher. En trébuchant contre une souche, la paume de sa main droite atterrit sur le lichen d'un chêne antédiluvien. Il y enfonça plusieurs fois les doigts, fronçant même les sourcils, pour la première fois. C'était tellement différent de l'uniforme granulométrie des bâtiments et aussi plus doux. Il s'ensuivit le goût qui alla de pair avec les effluves de fraises des bois qui attendaient sagement d'être cueillies, posées sur un talus. Ce fut en bouche une explosion de saveurs.  Dans la ville grise, seules les sirènes, annonçant les changements de postes, venaient perturber les chuchotements. Il dut se boucher les oreilles. Le croassement des crapauds, le tambourinage d'un pic épeiche, le craquement d'un tronc, le bourdonnement d'un essaim, l'écoulement d'un ruisseau, le vent jouant avec les feuilles, le grognement d'un sanglier. Bien que des larmes embuassent ses pupilles, des patchworks de fougères et de menthe, les éclats des framboises et des groseilles, les nuances d'azur d'un étang et de jacinthes l'aveuglèrent.

ON avait rejeté l'Éternel. ON n'était donc pas le tout, l'alpha et l'oméga, l'omniscient. Il ne tendait que vers l'absolu ; il ne l'était pas.

Le bruit sourd qui pointait, LUI le connaissait. Il savait qu'aux gros nuages succéderait un ciel d'encre. À Z se déclenchait alors une alarme pour ordonner que tout le monde se mette à l'abri. Qu'une escouade d'EUX en fût victime, ce n'était pas vraiment un problème, sous un aspect numérique. ON pouvait les remplacer au pied levé, sans la moindre conséquence sur le système. Le danger était qu'ils survivent. Les puces implantées au niveau de la nuque possédaient un talon d'Achille. Un cheval de Troie pouvait potentiellement perturber cette harmonie atone. Il s'agissait de l'orage. Aucune statistique ou probabilité n'étaient parvenues à prévoir son arrivée sans une marge d'erreur inférieure à 20 %. Les ondes électromagnétiques étaient un problème. Elles pouvaient déstabiliser le bon fonctionnement des puces voire théoriquement – cela ne s'était encore jamais produit – les mettre totalement hors service. Que se passerait-il alors ? Dieu seul le savait ; mais il n'existait plus.

LUI ne savait que faire, en l'absence d'instructions. Des grêlons s'abattirent, gros comme le poing, et boxèrent son visage. Des flots de sang s'en échappèrent, venant rougir le sol. Il s'y dessina une forme qui, mêlée à la glaise, ne ressemblait en aucune manière aux strictes formes parallélépipédiques de Z. LUI, sonné, vierge de toute aide de son alter ego numérique, ne savait que penser, car il ne le pouvait pas.

Il n'avait jamais connu l'orgasme. Quand l'éclair le frappa, cela put s'apparenter à tout ce qu'il avait ignoré jusqu'alors, avec une puissance incommensurable. À tel point qu'il s'évanouit.

Quand il reprit ses esprits, il aperçut ce qui semblait être une pierre noyée parmi les fougères. LUI ne put déchiffrer ce qui y était gravé, une citation d'Aristote : « « Ερωτηθείς τι έστιν ελπίς Εγρηγορότος είπεν ενύπνιον » que l'on peut traduire par : « Quand on lui a demandé ce qu'était l'espoir, il a répondu que c'était le rêve d'un homme en éveil ».

L'éclaircie qui pointa n'était rien, en comparaison des sensations au plus profond de son être, un mélange intense de consternation, d'interrogation et de révélation.

Gaïa ne les avait pas oubliés. Malgré tout le mal dont ils furent les acteurs, elle avait cicatrisé et elle leur avait pardonné. Elle savait que, malgré leurs parcours jalonnés de haine, de jalousie et de pouvoir, ils étaient tout autant capables d'exprimer sa beauté par la peinture, la danse ou la littérature.


(À suivre...)

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