La fausse bonne affaire de France Soir
Le Bruit Et La Harpie
France Soir propose l’impensable, l’inimaginable aux Internautes : décrocher le job de rêve ; devenir reporter en voyageant et essayant toutes sortes d’activités à travers le monde pendant 80 jours. Comme Phileas Fogg.
Mes pupilles se dilatent à la vitesse de l’éclair en découvrant l’annonce de France Soir. Quoiiii ? Devenir reporter pendant 80 jours ? Mais c’est fait pour moi ! Ca doit être moi, ça ne peut être que moi. En plus, j’ai lu « Le tour du monde en 80 jours » quand j’étais petite et j’ai collé mon père au Trivial Pursuit juste après sur la question « Qui est le personnage principal ? ». (Phileas Fogg, je l’ai dit plus tôt, suivez un peu). Bref, une évidence : ce job est pour moi.
Dans ma spontanéité, je me lance tête baissée dans l’aventure de l’inscription. Et au fur et à mesure que j’avance dans les cases à remplir et le règlement, mon enthousiasme s’affaiblit quelque peu.
Point majeur : la première étape de la sélection s’effectue tout bonnement sur votre popularité. Avoir un bonne louche d’amis/de potes/de connaissances et relations sur les réseaux sociaux est évidemment la clé d’un succès rapide et efficace.
Rapide calcul. J’ai environ 300 amis. A raison d’un clic par jour, je peux en espérer 300. Mais comme je suis réaliste, je vais compter sur 50 (ça fait parfois très mal d’être réaliste). 50 donc, mais dégressif : à tanner tous mes contacts tous les jours, le total passera bientôt à 30, puis 10 puis 2 (ma mère qui se sera inscrit sur ma demande au troisième jour, et moi au boulot).
Ainsi, je me vois donc méchamment supplantée par Cyril de Secret Story, ce qui blesse un brin mon égo. Logiquement, je l’insulte pendant quelques minutes devant mon ordinateur pour libérer la pression. Je constate ensuite que le concours a commencé depuis trois jours et que les meilleurs candidats en sont déjà à plusieurs milliers de votes. Re rapide calcul. Il me faudrait environ 5 000 amis pour éventuellement envisager de rattraper les 200 premiers.
Sa photo de beau gosse posant nonchalamment y est certainement pour beaucoup. C’est là que le bât blesse. Même si je suis consciente que les choses marchent ainsi, je refuse obstinément de mettre ma photo sur les CV, ne voyant pas l’intérêt de montrer ma tête pour un travail. C’est ma petite rébellion à moi, assez limitée j’en conviens.
Candidates pour France soir faisant la queue
Dans ce cas, c’est la base même de ce jeu concours. On va vous choisir pour votre aspect physique, purement et simplement. Bien sur, les avatars sont permis, mais il va de soi que les votes des internautes se tourneront naturellement plus vers le sosie de Johnny Depp ou de Scarlett Johansson que vers quelqu’un au physique pas forcément moche, mais juste neutre. On aurait presque pu être cons et croire que France Soir laissait place à l’expression et la créativité en invitant les candidats à publier leur(s) vidéo(s) et le lien de leur(s) blog(s). Quenini ! De la poudre aux yeux Mesdames et Messieurs ! Certaines candidatures n’ont parfois pas l’une ou l’autre, voire même aucune des deux.
J’abandonne l’idée de participer, de devoir me vendre comme du poisson frais au marché. Dans mon cas, l’échec sera facilement digéré car ce travail représente un rêve quasi-impossible à considérer tant il est idyllique. Mais qu’en est-il des journalistes et reporters en herbe, qui eux étudient pour justement atteindre cette éden-là ? Ne devrait-on pas leur réserver ce genre de poste ?
Morandini a lancé le concept avec sa Morandini Academy. Les télé-crochets envahissent le monde du travail. Sus aux archaïques CV et lettres de motivation démotivantes et démotivées ! On s’en fout de toute façon, on ne les lit pas ! J’ai au moins ma réponse aux bugs récurrents de Pôle Emploi : le réseau est probablement saturé par les SMS des Internautes votant pour leurs candidats préférés.
Nous sommes donc tous destinés à nous en remettre à notre belle gueule (sinon, c’est bien dommage) pour espérer pouvoir décrocher un job sérieux. Mais ça, seulement si les téléspectateurs daignent voter pour nous.