La fille de la rivière

aile68

Tracer des pas de danse sur le sol pour s'en souvenir, prendre la clef des champs, la poudre d'escampette, au venir de l'été sans valises, sans bagages on en rêve tous. Contempler les éoliennes qui tournent au soleil en une plainte infinie, se fondre dans les champs de coquelicots, s'enivrer de leur parfum particulier, comment le définir, c'était comme les sentiments du beau garçon  de l'été, un passager en vérité qu'avait rencontré la fille de la rivière, la fille qui habitait la maison à côté de la Garonne. Le garçon en question lui avait dit de ne pas s'attacher, qu'il ne resterait pas longtemps, qu'il partirait plus tôt qu'elle ne l'aurait cru,  il disait cela afin qu'il ne souffre pas.  Quand la fille de la rivière se rend sur cette place où le beau jeune homme a dansé pour elle, elle aperçoit encore les pas de danse tracés à la craie, il voulait danser avec elle... Celle-ci  le regardait évoluer avec grâce, de chaque mouvement se dégageait un parfum de sous-bois qui la séduisait voire l'envoûtait. Sa bouche proférait des paroles agréables à entendre qui emballaient toutes les filles en fait, comme si toutes avaient respiré les effluves d'un élixir capiteux. On eût dit qu'il était descendu du ciel tel un ange désobéissant qui défiait les lois divines et de l'univers. Sa peau au soleil avait la luminescence d'un corps qui deviendrait hâlé tel l'orge sec dans le couchant lointain. Leur relation resta platonique, que voulait-il exactement se demandait la fille de la rivière. Juste s'arrêter quelques jours, respirer et recharger les batteries avant de reprendre la route. Il n'avait pas de bagages avec lui, il semblait être porté par le soleil, en fait quand on le regardait danser, c'était comme s'il flottait dans la nuit qui tombait. Ils ont dormi dans la grange une fois, tout enivrés par le parfum des bottes de foin, ils ont parlé jusqu'au matin, comme deux grands amis qui avaient tant à se dire après vingt ans d'absence. Ils se sont baignés dans la rivière pour se laver, ce fut tel un nouveau baptême tant ils se sentirent renouvelés. Il la revêtit de sa belle robe blanche parsemée de brins de paille, elle avait envie de fermer les yeux face à la nudité du bel éphèbe. Ce qu'elle fit... En rouvrant les yeux le jeune avait disparu, elle le chercha du regard, nulle trace de lui. Elle sentit en elle un tel sentiment de trahison, qu'elle en pleura des jours et des nuits. Il ne fallait pas qu'elle s'attache l'avait-il prévenue. Or c'était ce qu'il s'était produit. Jamais elle ne le reverrait se désespérait-elle! Quand elle décida de sortir un beau matin, elle se dirigea instinctivement vers la rivière. Elle aperçut des plumes blanches et ocres entremêlées dans l'herbe qui avait étrangement jaunie. Il n'avait pourtant pas fait si chaud pour qu'elle jaunisse, en fait c'est comme si le soleil se reflétait dans l'herbe. Et ces plumes d'où venaient-elles? Elles étaient comme incandescentes, et la fille de la rivière pensa de suite à la peau luminescente du beau garçon. S'était-il transformé en ange ou en oiseau? Elle se rappela combien le corps du garçon flottait quand il dansait à la nuit tombée. Elle eut alors une idée: elle viendrait au bord de la rivière le soir même et là elle verrait si quelque chose se passerait!

(à suivre)

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