LA FILLE ET SON MONSTRE
tsintiiia
Comment est née « La fille et son monstre » ? C'est parti d'un truc marrant dans ma tête concernant les fruits et légumes pour soigner la dépression d'un monstre masqué
C'était juste un texte de nuit improvisé et puis ça s'est prolongé et puis s'est mêlé le réel et tu sais bien à quel point il peut influer sur les mots
La majeure partie du texte a été écrite entre septembre et décembre 2022
Puis il y a le long processus de ciselage, les choix d'écriture : où tu te rendras compte de l'importance du langage oral, que la négation « ne » a été supprimée consciencieusement (à une exception près je crois!) Que la ponctuation pourra te déstabiliser, il n'y a pas tous les points, tout a été choisi, point après point après virgule, etc. Les majuscules apparaissent aléatoirement pour toi mais rappelle-toi encore, tout a été choisi La temporalité instable alternant les allers et retours comme les deux gusses Il faudra te dire que la mélodie de l'un n'est pas la mélodie de l'autre, que je ne t'ai pas non plus fait du Burroughs ou laissé sortir le gloubiglouba en A de la grande bouche de Sam Cauchemar. J'aurais pu choisir de plus rester dans les clous mais j'ai préféré garder au maximum le flot initial
Je me rends compte à la dernière relecture seulement que des fantômes sont venus squatter les ouvertures que je laissais sans le savoir
Y entre qui doit y entrer
"Atchoum&Yasmina" rendait grâce à la beauté précaire de Domimor
À ses yeux bleus constellés d'or
À ses tremblements et ses gitanes
« La fille et son monstre » peut très bien accueillir celui dont l'enfant intérieur craignait trop la lumière
Mon arche de Noé
UN MONSTRE ET UNE CAGOULE PAS SALE
Tu veux savoir comment on s'est rencontrés ?
J'ai juste vu un type qui galérait avec une cagoule, j'avais toutes les informations, je savais qui il était mais je continuais de fixer intensément les mains et la cagoule. J'ai juste balancé « elle a rétréci » et je le regardais surtout pas, je voulais pas le voir en entier, regarder les mains c'était facile. Il avait l'air gourd à pas savoir comment la mettre et moi qui l'aidais pas. Il a bien dû voir que c'était pas normal, que j'étais pas teubée. J'ai dit « je sais qui t'es mais je veux pas te regarder ! » J'ai crié je crois. Peut-être qu'il a pensé que je pensais qu'il était affreux. J'ai essayé de m'esquiver mais il m'a rattrapée, sa main sur mon poignet, une gentille main, cet homme a une main très douce, une très légère pression, juste assez pour pas me laisser partir juste assez pour qu'on se rate pas, une si gentille main devrait être canonisée
On était bloqués-contournés et il a dit « ça va être compliqué si on veut boire un verre », j'étais d'accord, il a dit « ta tête est plus petite » j'ai demandé si elle était pas trop sale parce que j'ai peur de ce qui est sale mais il a dit « bah non je l'ai lavée c'est pour ça qu'elle a rétréci », j'ai acquiescé Il me l'a mise mal comme il faut, je voyais que d'un œil et pas le bon vers lui et aussi c'était trop rêche ça me faisait pleurer et j'aimais pas mais je voulais qu'il me promène comme son monstre dans Paris. Je lui ai dit et on est partis et c'était tellement bien que je voulais plus m'arrêter, même pour boire un café. Il m'a fait prendre des bus, marcher, trébucher, c'était dur avec un masque et lui qui a un corps instable et à la nuit tombée, je lui ai dit que je pouvais plus rentrer, qu'il fallait trouver un radeau et on a bu des cocas jusqu'au matin
J'ai dit « tu es resté longtemps loin de chez toi, je sais que t'aimes pas, tu crois que tu tiendras une journée de plus ? moi aussi j'ai envie de promener mon monstre ». Je nous ai mis dans le premier bus, je tenais bien son poignet, j'essayais d'avoir une aussi gentille main.
J'aurais bien aimé appeler le taf et leur dire que je pouvais pas venir pour cause de kidnapping-monster, que j'avais réchappé de peu à la baraque de foire et que ouf j'étais sauvée mais j'ai préféré l'amener
C'était drôle de le poser et d'attendre les réactions, ça a pas tardé, « ça y est on a encore un timbros, en plus il a un drôle de masque ça fait un peu peur vous pensez qu'on devrait prévenir les flics ? » C'était dur de pas rire, ils étaient pas dans le game mais je me marrais trop intérieurement pour moufter, je leur ai dit « oh non ça va il a l'air doux, il était avec moi dans le bus, il est sympa » Ils avaient pas l'air convaincu, c'est sûr qu'avec son masque trop petit il fout un peu la mouille, tu te te dis pas toute de suite qu'il est mignon
C'était facile de le laisser, il a une capacité d'inaction et de fondu incroyables
Il y a a tant de douceur chez lui, tu comprendrais que si tu étais la soie
Je crois qu'il aimait juste être posé à rien faire, ici ou ailleurs il s'en foutait totalement, ici ou là-bas quand on voit que par deux trous de souris... les autres faisaient pas vraiment attention parce qu'il était calme. Juste, à un moment, un monsieur est venu me voir, il voulait savoir si c'était un épouvantail, j'ai dit « je pense pas », il a dit « mais vous êtes sûre qu'il est pas mort ? » J'ai dit «j'espère pas » Il a fait « ah !» et il est reparti lire le Monde. J'espérais qu'il avait pas trop chaud, même si je connaissais sa capacité de résistance. Je lui ai donné des MMS, il aime bien ce qui est sucré, sûrement parce que c'est gentil comme lui et que je voulais pas qu'il meure de faim, je voulais pas qu'il meure tout court alors que je venais de le rencontrer, on a pas envie que le monstre de sa vie meure dès le second jour, c'est court pour une histoire d'amour
A la fin de la journée, après avoir réussi à rester stoïque, je suis allée le chercher et les autres avaient l'air ébahi et prêts à intervenir mais se sont ravisés face à mon sourire époustouflant et à sa molletonnerie
Je suis sidérée par sa capacité de lâcher prise, la façon qu'il a d'être ouvert, je sais pas si c'est un don ou s'il l'a travaillé comme un muscle précieux, si c'est d'avoir toujours été un peu out qui lui a fait développer d'autres habiletés. Les enfants l'adorent
Les enfants adorent les monstres
LE MONSTRE A MONOPRIX
Tu veux me parler des enfants ? Ils t'ont parlé ? Tu es resté posé toute la journée comme un totem et tu vas me dire qu'ils t'on rien dit ? C'est bizarre, les enfants ont toujours de d'ces questions normalement. T'as eu que des timides ? J'aurais peut-être dû te bouger, t'as bougé ? T'es allé dans le jardin ? Tu m'aides pas aussi. Tu parles pas. Je sais que j'ai dit que je voulais pas te voir et que je t'ai laissé porter cette cagoule une nuit et un jour, si tu veux je t'amène chez Monop' chercher de nouveaux collants, y a pas de tout à dix francs ici, d'une parce que les francs existent plus et de deux parce que c'est supra bobo, mais tu choisiras ce que tu veux, je sais que les collants filent facilement mais je pare au plus vite j'essaie de te faire la peau douce, je suis désolée pour tes yeux et en plus je sais que tu perds tes cheveux et que les cagoules arrangent rien. Est-ce que tu louches ? C'est pour ça que tu veux pas l'enlever ? Ok, tu l'enlèves, c'est moi qui veux pas te regarder mais je suis sûre que tu as un truc avec ton nez.
Putain, t'imagines bien qu'on s'est coltiné le vigile tout du long, le gars captait que dalle mais il a tout de suite compris qu'il en allait de sa réputation de nous suivre au garde à vous. Je te jure, il a dû penser mille fois à appeler les keufs et je lui faisais des mimiques rassurantes genre « tout est sous contrôle », tout en me foutant de sa gueule intérieurement parce que franchement je pense que ça lui a fait son mois niveau bizarrerie. Il était tendu sa mère, d'autant que mon monstre voulait aller se laver les mains toutes les trois minutes parce qu'il était parti sur un délire métaphysique sur le bon usage du gel hydroalcoolique et qu'il trouvait que celui-là était de la pire espèce : gluant, dégueulasse, à s'en mettre jusqu'au coma et que la lune aille faire valdinguer les croûtes qui restaient ! J'avais l'air fine avec ses allers retours et le vigile en panique qui roulait des yeux dangereusement. Il m'aidait pas, rien lui plaisait, à un moment je me suis figée, il a senti que ça devenait grave et c'est lui qui m'a amenée jusqu'aux caisses avec ses mains gluantes et le vigile s'est carrément posté derrière la caissière possédé, mais mon monstre et moi on s'en balançait, à vingt euros le collant perave ça nous a fait regretter les francs
Il y avait eu trop de nuits depuis deux jours, on se connaissait pas à quatorze heures la veille et depuis on s'était plus lâchés, je savais plus quoi faire de lui, j'ai pas l'habitude de ramasser des monstres; est-ce qu'il allait falloir que je le ramène chez moi ? Que je le remette dans un train et ciao bye bye c'était bien ? Les monstres prennent-ils le train seuls ? « je sais pas quoi faire de toi » « tu peux me donner un billet et me remettre dans le bus si tu veux » « je sais pas, tu parleras des enfants ? T'as des choses drôles à raconter des fois ? » Et pour être équitable et protéger sa peau et ce qui lui reste de cheveux j'ai enfilé les collants
POSER LES MONSTRES SUR UN BALCON
J'étais bien embêtée de pas avoir de quechua, je l'aurais mis sur le balcon, c'est pas méchant mais je le connais pas, il porte des masques bizarres et sales, a de drôles de dents, une démarche aléatoire, fume trop ; je me dis que le balcon serait parfait. Je crains pas qu'il me morde, il a pas l'air trop carnivore mais il a un truc bizarre avec les oiseaux et on sait jamais vraiment ce qu'il y a à l'intérieur des gens. Si ça tenait qu'à moi je le ferais escalader la rambarde comme un Roméo de barnum mais pour te dire la vérité il a pas l'air bien agile, parle pas et il sent même pas bon.
Il s'est arrêté au milieu du salon, qu'est-ce que j'espérais ? « on a l'air cons là ». il parle pas. « j'vais pas te poser ici, personne passe, il se passera rien, t'auras rien à me raconter, on va pas rester la tête sous nos collants à s'fixer les sourcils. « tu peux me les raser si tu veux, peut-être que ça créera une douce jonction entre nous et que tu auras envie de changer d'idée sur moi » « tu penses que j'ai une idée sur toi ? » « je suis vilain, je le sais, je cherche pas la pitié, j'dis pas qu'c'est drôle, mais je vis avec, on s'habitue à tout non ? » « c'est vrai que t'as de sales dents, je sais pas si je pourrais t'embrasser, pourquoi tu as laissé tes dents pourrir ? c'est méchant de laisser mourir des parties de soi elles t'ont rien fait tes dents. Des êtres font de sales trucs mais nos organes sont pas responsables, nos organes sont petits face au mal. T'as mal aux dents ? » il ose pas dire oui mais je sens passer un gros nuage, je sais quand il faut garder le silence C'est un « tout-doux » malgré le genre terro-cagoulé, je pense qu'il a construit des ciels d'orage autour de lui pour préserver sa douceur, pour pas laisser entrer n'importe qui ; ça s'entretient la beauté. Il a du courage, je sais pas comment on peut vivre avec une telle disgrâce, ne pas pouvoir ouvrir la bouche de peur de voir dans les yeux des autres des dégoûts. J'ai pas osé demander s'il voulait enlever son collant, ça semblait impudique, je sais plus ce qui doit être fait, il est assis, il a l'air tranquille et demande rien, il a l'air d'avoir des besoins très succincts et a toujours pas fumé
je suis partie faire mes trucs de cuisine de douche et de quotidien, je savais pas quoi faire de ses nuages et j'étais pas prête à l'embrasser alors autant s'occuper, Il en profité pour disparaître, je voyais pas d'autre explication que la désintégration puis j'ai pensé au balcon
J'ai vu sa mini tonsure et le collant à terre, je bougeais pas, il regardait la lune en fumant, je voyais la vapeur serpenter, un film au ralenti, la lune est blanche et pleine ; j'aime bien les lunes rouges mais c'est rare, j'aime bien les grosses lunes mais c'est rare ; c'est rare de le voir sur mon balcon c'est rare de ramasser le monstre qui t'est destiné
Enfin, destiné, je dis ça mais quel cliché quand t'y penses, c'est une conception de l'esprit et ça sous entend une puissance extérieure qui ferait de nous ses pantins mais il s'avère que c'est sur lui que je suis tombée et c'est pas rien. Il est de dos et c'est pas rien Je sais pas s'il faut que je souffle dans son cou. Je sais qu'à un moment il va me regarder, que je vais trembler, le collant est à terre
LE MONSTRE LES ENFANTS ET LA POÉSIE
« Ils t'ont pas parlé alors ? Ils ont pas osé avec ta cagoule ? » « Ils me parlent, c'est pas toujours intéressant, c'est pas des as de la poésie, je suis plus fort qu'eux pour ça » « tu peux faire de la poésie là juste si je te demande ? y'en a qui font la misère mais faire la poésie ça ce serait une idée grandiose, en faire tout le temps, de plus en plus souvent et on se comprendrait sur un coup de rime, on en ferait tellement que ça deviendrait comme une seconde peau, je sais pas si elle serait au-dessus ou en dessous de la première, est-ce que ça a de l'importance l'ordre ? peut-être qu'elles se fondraient, peut-être qu'on se fonderait toi et moi en faisant poésie… tu fais quoi, pourquoi tu me pinces » « j'te fais de l'électricité mutable » « tu es asthmatique ? épileptique ? » « tu veux qu'te fasse une crise ? » « je préfère que tu m'électrises, est-ce que tu comptes les points ? » « je réfléchis pas, je pique, je veux te faire plaisir, si tu veux que je vienne à toi je viens à toi avec ou sans dents » « tu sais que j'ai peur de tes dents ? » « tout le monde a peur » « t'embrasses personne ? » « il y a des filles qui ont pas peur » « vraiment ? » « vraiment » « elles se droguent les filles qui t'embrassent ? je sais pas pourquoi je focalise dessus, ça ramène à une sorte de pourrissement, ça figure même dans les dictionnaires des cauchemars, c'est pas rien, les tox', en même temps t'es tox ça paraît logique» « comme tout le monde trouve ça répugnant, je sais pas si fondamentalement ça me dégoûte ou si c'est le dégoût des autres qui a perlé sur moi. Tu sais, je vis dans un ailleurs où les dents ont pas d'importance, même pour manger » « on mange liquide là-bas ? » ça l'a fait rire et on a arrêté d'en parler, on allait pas faire dentier, on allait pas s'embrasser ni refaire le monde et pique et pique et pique alors je me suis mise à le piquer aussi C'est transmutable je lui ai plié la peau, j'ai fait du sable et mangé les grains qui restaient et même si tout paraissait instable je sentais quelque chose bouger en moi, comme un défi, un appel à l'insondable et que se touchent nos 21 grammes. Ça se dénouait et ça me paraissait plus fou de poser mes lèvres sur les siennes « c'est un joli collant que tu as ! » il a ri. Devais-je lui ôter comme on s'invite ? Ma main a commencé à faire des allers et retours sans décider, comme un rituel mal maîtrisé une danse en crise de cavalier, ça serait pas bête de l'inviter à danser, est-ce que les monstres aiment danser ? Il est grand on va s'entrotter ; on s'en fout ! personne passe dans le salon Est-ce qu'on peut grimper sur son monstre pour danser ? Il a pas eu l'air de trouver ça bizarre
T'ÉTAIS OÙ MON MONSTRE ?
T'es où mon monstre?! Il a carrément disparu. Je l'ai cherché dans tous les pots, j'ai même tenté le siphon et la VMC ! Je crois qu'il aurait préféré que j'aie un jardin, il aime les animaux et les bruits bizarres. Je lui ai dit dans ma tête que les jardins étaient pas bons pour lui même si je savais qu'il voulait se faire des amis avec coquilles ou pattes. Je lui aurais bien dit de parier sur quelques taupes mais il aime pas les taupes J'ai dit que c'était raciste, qu'elles étaient très gentilles sauf pour les jardins Il a rien voulu savoir, il boude pour je sais quelle obscure raison, ça le prend comme ça et même moi je peux rien faire. Je sais qu'il est reparti dans les rues, j'peux pas dire que ça me faisait peur mais ça me faisait peur, il a ses travers et ses dents pulsent, il part en illimité, suit qui lui sourit, c'est comme un tourbillon qui le prend et il oublie tout, part en syncope et en beats, cherche le rythme parfait, la parfaite pulsation quitte à y perdre encore plus de neutrons
J'ai arrêté de l'appeler dans ma tête, on prend les bus qu'on veut, on suit qui on veut, j'vais pas l'forcer à rester sur un balcon, il fait trop froid pour les regrets et les invitations, il faut parler plus bas, rester dans l'émotion, éviter les douleurs et le camion
DIALOGUE DE MONSTRE
J'ai appris qu'il quittait plus les collants que je lui avais achetés mais qu'il reviendrait pas, qu'il préférait être seultout sans un clou sans un baiser parce que mes lèvres sont trop rouges pour ses souvenirs, parce qu'il vaut mieux se dédire que transmuer « J'veux pas d'tes baisers ! ça me froisse les sourcils, ça me met à l'aise Je préfère être privé de dessert Je vais pas te dire le pourquoi du comment du passé du présent, les rouages et les collants, je suis mutique, tu as trop dit et je suis trop petit et pas assez d'ici ; t'as compris ? »
« Elle a pas répondu, elle répond plus, m'achète plus de collants, me promène plus. En même temps je lui ai dit de pas venir, elle m'a écouté : je suis à trois cent mille dessous et je quitte plus son collant. Je le laisserai filer jusqu'à la fin de l'année prochaine et elle reviendra sans que j'aie rien à demander »
« C'est complètement con j'ai des pensées pendables, elle reviendra pas puisque j'ouvre pas mes bras, je devrais peut-être adopter un chat »
« Les autres Monique ont pris leur air contrit en me voyant déambuler dans la rue les bras ballants, la démarche suspendue au clocher, ils ont dit que j'avais l'air maniaque et que je devrais me soigner, ils m'ont même donner l'adresse d'un pssi ! j'en ai rien à foutre des pssis, tous des inconstants transfériques, des mes deux illusionnistes, direct la pssi elle m'enverrait en HP et je serais pas prêt d'en sortir, personne signerait pour que je ressorte et j'ai pas la vocation de Claudel et pas assez de chats. Ils ont dit que j'étais pâle comme la mort, qu'j'avais la tronche d'un zombi Je leur ai dit de lui dire plutôt à elle s'ils voulaient vraiment m'aider J'ai pas besoin d'un pssi j'ai besoin d'elle. Si on a besoin, soit disant c'est qu'on est lacunaire, j'ai pas de honte à dire que je suis lacunaire, comme si on devait avoir honte d'avoir moins, d'être pas comme il faut, il faudrait avoir besoin de personne, potentiellement les autres représentent un danger, on a peur de tout, de plus en plus, on se méfie et on doit compter que sur soi comme si on pouvait être le juge et l'assassin, ben moi je le dis sans honte : sans cette fille-là je vais pas bien et je leur dit trois fois de lui dire que je plastique et que j'ai mal aux phonèmes »
« Il paraît qu'il va pas bien, qu'il est tout pâle et qu'il mange pas : qu'est-ce-que tu veux que j'y fasse j'suis pas diététicienne ! Je nourris pas les pigeons déplumés. Cette nuit j'ai eu un flash, j'avais sa solution ! Manger des fruits et des légumes l'aiderait sûrement. Manger cinq fruits et légumes par jour éloigne la dépression, mais ceux qui ont le plus de vitamines sont dans la bio et la bio c'est cher et mon monstre est au RMI (on dit RSA maintenant mais mon monstre est un peu vieux) et les rmiens mangent pas bio, ils mangent des pâtes aux pâtes tous les jours, c'est le bon ordre administré par les grands manitous des frigos et des bourses du monde : les pauvres mangent mal mangent junk et on maintient l'ordre hypnotique et démago de la violence quotidienne, on serre un peu plus les liens de l'asphyxie et il est pas impossible que leurs yeux de gros repus qui mangent sains brillent face à l'ampleur de leur farce Leur farce de gros dégueulasses Je v'ais pas me gêner niveau gros mots, il est grand temps de renverser l'eau et le bateau, celui où les grands manifions rachètent aussi les mags verts pour perdre aucune miette de leur pouvoir et de notre contre-pouvoir. Ils veulent tout, ce qu'ils veulent c'est te bouffer et j'espère que mon monstre a un pouvoir occulte d'auto-empoisonnement de la peau et qui posera la bouche sur lui (sauf moi) s'autodétruira ; défonce-les mon monstre !
MON MONSTRE EST PROMANTIQUE
Mon monstre veut se marier. Oui tu as bien entendu. Il a sorti ça comme s'il me disait qu'il allait aux toilettes. Je me suis trouvée gourde, on se connaît même pas, je l'ai regardé bizarre, je disais rien mais il était tout droit et sérieux « et ça te prend comme une envie de pisser ? » il a dit qu'on pouvait pas vraiment comparer le mariage aux WC et j'ai dit que c'était pas faux « tu trouves qu'on se voit trop, que ça devient sérieux et ça te flippe ? » « pourquoi j'aurais envie de te marier si je flippais ?» « et toi tu penses que se marier quand tu te connais depuis un mois c'est une chose sensée ? » « y'en a qui se marient et qui devraient pas ils font même des mômes pas très frais chacun fait comme il peut» « va pas me parler de môme en plus ! tu deviendrais vraiment pas fréquentable » « j'pourrais bien t'en parler mais j'attends le mois prochain, je préfère les mois pairs » « t'es vraiment un sacré roublard, j'ai failli te croire » « je rigole pas je veux nous marier » « avec quoi, avec un sparadrap ? » « je suis pas blessé, je blesse pas, je répare pas » « mais tu maries, tu t'prends pour un prêtre ou quoi ? Et pourquoi on se marierait ? » « parce que tu voudras rester chez moi tout le temps on allumera la même lampe le matin je pourrais même t'acheter une nespresso ou je t'amènerai chez P'tit Louis, son rade paie pas de mine mais c'est comme à Lorient, il a des histoires de marins à raconter, il me fait penser à François Hadji, tu connais... » « me fais pas l'insulte » « jamais ! je demande je prends soin, j't'amènerai dans son rade toutes les fois que tu voudras, j'te paierai tous tes cafés que tu veux et parfois des croissants, ça sera très doux et tu pourras dire que tu amènes promener ton mari, je serai plus juste ton monstre » « tu trouves ça rassurant d'être marié ? tu crises en haine ? Tu sais, le mariage ça fait pas qu'on se quitte pas, ça fait pas qu'on s'aime plus et mieux, c'est pas parce que tu me marieras que j'aurais envie de vivre avec toi, les contraintes et les contrats me font plutôt fuir, j'aime pas les boîtes, t'as plus de chance sans bague, à la rigueur tu peux toujours te faire un tatouage, c'est joli les tatouages, ça cartographie un peu la vie, comme un long voyage quand je viendrai visiter ton corps ; tu seras pas plus important en tant que mari, je t'aime bien en monstre » « j'ai plus envie d'être un monstre, même un monstre gentil, j'ai assez marmonné dans mon coin, je veux être plus grand, j'en ai marre des collants, je ferai avec mon nez et ma tête, avec tout ce qui va pas chez moi et peut-être que ça te plaira à toi » « tu me plais déjà et je trouve que tu es grand juste comme il faut, je peux même grimper sur toi et, crois-moi, je veux pas freiner ton ascension, j'aime bien l'idée de déployer ses ailes, de marcher juste ce qu'il faut au-dessus du sol mais je veux pas te marier »
Je pense que mon monstre s'est rendu compte qu'il s'était emballé, qu'on mariait pas une fille parce qu'on voulait changer de peau et qu'on avait plus envie d'être seultout dans son studio, on marie pas une fille qu'on connaît depuis deux heures et trois collants, mon monstre a pas les codes et ça me va mais je sais absolument pas si je pourrais me coller à lui, j'ai rien contre ses idées de café et de marins de tarmac mais je préfère être la vagabonde, rester dans cet entre deux vies, mondes, pas m'engager, si je l'aime si je veux être avec lui, j'ai pas à le formaliser. Il a peur de la mort et de vieillir, je pense qu'il pense que ça le préservera que je sois là, que ce sera la juste maille mais on répare pas les gens, il l'a bien dit et je suis ni infirmière ni chasseuse de monstre et de mari, ça me va très bien comme on est là, j'aime notre grâce un peu gauche
Ça m'apprendra, je viens lui faire le sourire parce qu'il est soi disant tout pâle et languissant et il veut me coller à ses moches, depuis quand les monstres parlent mariage et carnet rose ? Il aurait pu me parler création, sankalpa et sandinista et lui, il me parle dragées et petits mouchoirs, je te jure, autant m'offrir un séchoir, ça servira à rien mais au moins ça me fera rire. Il veut me coller aux mouches de son salon, je suis sûre qu'il imagine que je vais sécher ses collants ! je vais pas vivre de cafés croissants On peut se balader dans Paris à n'importe quelle heure du jour de la nuit on peut courser les étoiles d'Italie à Choisy sans les rames et sans la bague
C'est pas une saison à New York c'est le treize, c'est pas Dallas mais on peut passer notre temps à créer, se foutre des masques et des tutus enflammés ; des oreilles de lapin et des cosmos en résille Entamer des enjambées clownesques et féeriques, le rapprochement de nos doigts en grésillement soudain On peut marcher en palmes, se perdre au détour d'un panneau et puis, d'un doigt, je peux toujours amener deux trois cartons et pas les déballer
AU MUSÉE
J'ai sursauté en sentant une main se poser sur mes yeux mais j'ai entendu son rire et tout en moi s'est détendu. Se retrouver à cette exposition, ça faisait sens, on aurait voulu se donner rendez-vous qu'on aurait pas fait mieux « tu sais que je veux pas me retourner, t'as ton masque? » « nope, je viens les mains dans les poches et les poches sous les yeux » « avec toutes tes dents ? » « même celles en argent, je vais devoir rester derrière toi et te faire visiter. J'ai pris mon bonnet et mes lunettes, j'te connais, tu vas vouloir me zieuter tout le temps » « tu as envie que je te regarde, dis plutôt ! » On a posé devant le tableau de Mina, lui très grand moi très petite, il a mis son bonnet jusqu'à sa bouche, j'ai mis ses lunettes noires et la dame des tickets voulait absolument prendre une photo vu qu'on était parfaitement raccords avec l'esprit du bizarre du lieu et elle a dit qu'elle l'a posterait, on a acquiescé du même élan du chef, on s'en fout on est déjà amoureux, autant que le monde le sache On est beaux on est de feu et sa main sur mes yeux fera office de fiançailles « Tu sais que si j'ai les doigts et les ongles noirs c'est parce que je peins beaucoup, je sors de mes transes comme d'un combat, j'ai l'air hagard pendant des jours alors je sors, je prends des métros, j'aime pas les bus, il y a trop de monde et de lumière. Parfois je marche mais j'ai l'impression d'être à contresens d'un flot ininterrompu, les gens parlent fort, c'est comme si je rentrais ressortais aussi sec de toutes ces têtes, une sensation infecte. Je peux pas marcher en me bouchant les oreilles, c'est pas pratique, ça me fait donner des coups de coude et ça énerve les gens et je suis pas là pour énerver les gens et me battre, j'ai déjà assez à faire avec ma mère » « Tu savais pas que tu allais atterrir là ? » « Si, aujourd'hui j'ai choisi, j'ai moins dessiné cette nuit et j'ai enfin réussi à dormir. Si j'avais su je t'aurais invitée dans les formes mais je savais pas comment te joindre, je savais pas comment te parler alors j'ai préféré rester caché. C'est pas très malin, l'improbabilité n'est pas le meilleur cheval ; miser sur une poussière dans une ville aussi grande, c'est se faire un peu mal, c'est rester sous ses couettes et c'est rassurant. Je savais que tu arrêterais pas de me regarder, tu me trouves beau ? » « J'arrive pas à me décider, je crois que oui mais c'est tellement parcellaire que j'arrive pas à recomposer le tableau, j'ai l'impression que tu es différent à chaque fois, j'ai même cru que vous étiez plusieurs. Je sais pas si tu louches, je suis amoureuse de ta bouche, j'ai peur de tes dents mais pas tout le temps. Tu as une peau de poulet, j'aime bien que tu sois grand et si d'aventure tu as des points sur la peau, je serais renversée. Je pense que tu as les yeux vert-de-brin comme un ancien amour Les yeux changeants se ressemblent pas toujours J'ai envie de tenir ta main tout le temps, j'ai envie de multiplications sonores Je pose des sortilèges dans ta poche, par contre, je te dis, tu devrais pas garder ton portable dans ton jeans, il est trop slim mais ça m'empêchera pas de poser ma main sur ton cœur » « J'ai plus envie d'être caché, je veux te prêter mon bonnet, je veux avoir les yeux de ta couleur, laisser ma main dans la tienne quitte à devenir tout desséché et avoir ensuite besoin de beaucoup de crème qui pue Je sais pas tout le temps choisir mes vêtements et si tu veux faire un tour chez H&M avec moi, je suis carrément pour, j'aime beaucoup tes tee shirts et tes couleurs mais je resterai sur du gris. J'aime que tu sois petite et même si je suis pas musclé j'ai envie de te porter et si Las Vegas était la porte d'à côté, je te marierais (il est un peu obsessionnel) Je suis amoureux de tes sourcils et de ta bouche mais je trouve ça impudique de le dire et sache que mon silence est une chanson que tu aimes sans la connaître, elle ne sortira sans doute jamais de ma tête ou quand je serai très vieux, on s'en fout Je suis fou de ta voix j'en fais des boucles et des mantras, il y a du feu dans ma bouche dans ces moments-là ; je deviens cracheur de songes, je déstabilise le bon ordinaire, tu vois au final, y'a pas tant à faire pour être heureux. et amoureux » « et amoureux »
LE MONSTRE À SA FENÊTRE
Un tir par la fenêtre Il ne restera rien
Pourquoi un gentil monstre se transformerait en shooteur d'élite ? En quoi shooter sur les gens le protégera du mensonge de la fille qui dit pas qu'elle le quitte et lui attend
Autant remettre le masque et les alliages et finir en beauté
Un feu d'art pour la fille au cœur d'acier Il prendra même sa part de responsabilité il vit déjà dans une cellule capitonnée alors ici ou là, son cœur vit mal partout et les calmants seront à volonté, il aura plus à penser au quotidien; s'il a pas fini cramé avant par le GIGN. Il sait pas très bien s'il préfère être vivant ou mort, il laisse la bille au destin et que ce qui doit arriver arrive, si possible avant l'heure du bain
La vie heureuse mon cul ! Partie chercher des cigarettes… comment a-t-il pu croire qu'elle resterait Partie en sourire, il pouvait rien se passer de mal, pas avec un sourire qui allumait jusqu'au dixième étage. La tête aux oiseaux, il a pas voulu attendre, il a tout de suite compris. Ça peut paraître bizarre étant donné qu'il avait rien deviné, qu'il y avait aucune raison aucune dispute aucune faute de sourire, pas de geste de trop ou de peu. Il avait compté tous ses grains consciencieusement, il y avait passé des nuits pour être sûr que le compte était bon, c'est important d'être exact pour la fille qu'on aime et puis, il était pas sûr que de nouveaux poussent pas certaines nuits, parce qu'à force de créer de la beauté ça se répercute sur le corps de l'autre, il le sait. Il avait aussi compté ses propres point pour être sûr d'être aussi beau car elle lui avait murmuré que sa peau était une peau en rêve de demi-lune Jamais on lui avait dit une chose pareille ça désarçonne des cœurs
Il avait pleuré bien planqué dans les toilettes
Est-ce qu'on peut s'attendre à une fin si merdique quand tout est calme et volupté comme chez le poète, la drôlerie en plus et des affolements en surcharge de comètes
Les rituels que l'on secrète comme des peaux douces ignorées
Penser avoir enterré tous ses démons avant le drame, avoir pris l'avance d'un précipice
Une fois le salon vide et la porte muette, il avait juste appelé sa mère pour savoir comment se portait son arthrite et lui avait parlé du drame d'être vivant et si vieux, ce n'est pas spécialement elle qu'il visait c'était métaphysique Il voyait pas comment elle, comment ils faisaient. Il avait bien cru pouvoir surfer sur la ligne de jonction mais une porte sourde et un sourire époustouflant plus loin, il avait fini par considérer la fenêtre comme une solide alternative et si Valentin tuait des gens dans les trains alors pourquoi pas lui ?
Au garde à vous Il ne restera rien
THIS IS THE END MY FRIEND
Tu veux savoir comment on s'est séparés ?
Je sais pas, je suis juste sortie et pas revenue
Ça m'a défoncée et j'ai eu envie de mettre la tête sous terre
Tu crois que ça me fait marrer ? On laisse pas quelqu'un comme ça, on part pas sans rien dire, c'est faire cramer le soleil, enlever la bouche aux mots
Tu crois que quelqu'un mérite ça ? Il doit même pas pouvoir imaginer ce qui s'est passé Je suis partie avec le sourire, sa mère ! t'y crois toi ?, je suis partie comme si j'allais lui ramener le Saint Graal
je me suis retrouvée en bas et je savais plus où aller, mes pieds me portaient plus j'avais les bras ballots, je savais plus où j'étais pourquoi j'étais venue et pas repartie, pourquoi je reviendrais et qui il était. Il est gentil, crois pas, mais j'aurais très bien pu ne jamais être passée; les collants filent comme nos clartés, les dalles m'ont comme rapetissée, je me sentais minuscule et bousculée, je me sentais comme sortie d'un songe et que l'heure du réveil avait sonné et que c'était très bien ainsi, la beauté de haut vol est trop difficile à tenir, le quotidien frappant, café après café, toujours les mêmes escaliers les mêmes boutons les mêmes éviers
Je me suis assise par terre je sais pas combien de temps, il aurait très bien pu me trouver, je suis restée longtemps il aurait très bien pu me rattraper ; il sort trop peu pour un miracle
il devait attendre bien sagement sans se douter de l'arnaque, du temps suspendu sur le tarmac
des gens m'ont demandé si ça allait, je regardais leurs visages, trop sûrement, ils avaient l'air désappointés, je pense qu'ils savaient pas si c'était à rire ou à pleurer, moi non plus, ça m'a semblé plus facile de rentrer chez moi, j'ai levé les yeux et fixé sa fenêtre, je sais même pas si je voulais le voir apparaître, si j'ai fermé les yeux aussi fort qu'un sort qui frappe à sa fenêtre mais aucun sourire est venu tout annuler
Pourquoi t'es partie t'aimes pas les monstres t'as menti ?
Pourquoi t'es partie t'aimes pas les gentils t'as peur de lui ?
Pourquoi tu lâches t'as peur de faire partie des tiroirs ?
Trop de pourquoi
J'ai laissé le collant sur le palier
Et des petits bouts de mon cœur dans les escaliers
Juste quelques gouttes pour testifier
Quelques gouttes on se dit que c'est pas si grave
Que ça enlève rien
Quelque gouttes comme un anti vaccin
Se dire qu'on est pas rattrapée
Quelques goutte que j'ai pas comptées
J'ai tiré la chasse sur mon sourire j'ai laissé des espaces incultes dans ses souvenirs
J'ai croqué dans la pomme sinusoïdale
Qui ressemblait à sa tête
J'ai croqué toutes ses dents
Un baiser juste au dernier tournant
Là j'ai été hypnotisé, je suis presque KO, l'étrange, un peu absurde sans doute, mais des paysages inconnus, une ponctuation géniale, et que de trouvailles!
· Il y a plus d'un an ·La culture sous-jacente, des images tordues qui nous emmènent enfin dans un ailleurs qui, peut-être, n'est pas de ce monde.
J'ai lu beaucoup, mais j'ai rarement été remué à ce point.
Christophe Hulé
J ai même pas eu l alarme à mon œil en vous lisant ! Franchement un commentaire comme ça je crois que c'est un peu pour ça aussi qu on se décide à laisser voguer ce qui nous habite et qu on trouve soi même parfois bizarre et pas conforme et pourtant les êtres se touchent au détour d un doigt d un carton ou d une épiphanie de papier mâché, idéale pour les plus beaux masques de monstres Merci Christophe
· Il y a plus d'un an ·tsintiiia