La flèche de Cupidon

plumedesang

Nouvelle que je viens de terminer, mettant en scène un tueur en série et un site de rencontre.

Mes proies ne voyaient jamais le coup venir. Désespérées et en manque d'amour, elles tombaient toutes dans le panneau. Certaines étaient de véritables canons, d'autres, au contraire, étaient de gros cageots. Je m'en foutais, je n'était pas là pour un plan cul, encore moins pour trouver l'âme sœur. Non, si j'étais là, c'était pour le plaisir de la chasse.

Je m'étais inscrit sur un site de rencontre, le très bien nommé La flèche de Cupidon. En lettres attachées d'un rouge vif, le sous-titre annonçait: laissez la percer votre cœur. Cette phrase ne pouvait pas mieux coller à mes intentions: tel l'Ange de l'amour, je crevais le cœur de mes victimes de ma lame aiguisée, au sens littéral du terme.


Les flics n'avaient jamais réussi à m'attraper. Ils n'y arriveraient jamais. J'attachais un soin tout particulier à effacer toute trace de ma culpabilité. Ainsi, pour chaque nouvelle victime, je créais un nouveau profil, faux il en va de soi. Pas de nom, pas de photos de ma personne, pas d'adresse de mon domicile, ni adresse IP, rien. J'arpentais le web tel un fantôme, ne laissant aucune trace de ma visite, excepté les corps de mes soupirantes.


Les scènes de crimes, elles aussi, étaient exemptes d'indices pouvant conduire les forces de l'ordre jusqu'à moi. Après chaque meurtre, tout était passé au peigne fin afin de ne pas me faire coincer bêtement.


Mon mode opératoire était simple. Je créais un nouveau profil, choisissant une photo d'un illustre inconnu, pas trop canon – mes victimes potentielles devaient espérer avoir leur chances – mais pas dégueulasse non plus – je devais moi aussi avoir une chance de les intéresser. Je m'abonnais au profils de quelques unes, engageant la conversation ici et là. Puis, lorsque l'une semblait décidée à faire enfin connaissance, je rentrai en scène.


Je me débrouillais toujours pour rencontrer ma victime à son domicile. Jamais dans un lieu public bondé de monde. Autrement la police serait déjà venue frapper à ma porte de nombreuses fois. Quant à la recevoir chez moi idem. Certaines refusaient, auquel cas je lâchais l'affaire, d'autres en revanche, étaient si désespérées qu'elles acceptaient sans faire d'histoires. Je me rendais à leurs domicile par le biais des transports en commun, me faisant passer pour un type lambda passant son weekend dans une destination lambda. La voiture ne m'était pas autorisée, des témoins potentiels pouvant en signaler le modèle s'il l'avaient aperçue garée en bas de chez la nouvelle victime tragiquement décédée sous les coups du vil assassin.


La suite vous la connaissez déjà. Je rentre, et je frappe. Vient ensuite la phase de nettoyage, où j'efface toute preuve de mon passage. Inutile de rentrer dans les détails de ce qui s'avère être le plus ennuyeux.


Ce soir c'est ma soirée. Un nouveau poisson a mordu à l'hameçon. Elle s'appelle Camille, vit en Bretagne et adore les chats. Comme si j'en avait quelque chose à faire. Elle est pas très jolie pour être poli, carrément moche pour être honnête. Aussi, quand j'ai proposé de passer le weekend chez elle pour faire connaissance, elle a de suite accepté. J'arrive devant la porte de son appartement, sonne, elle m'ouvre.


_ « Mais putain, t'est qui toi?

_Bertrand Ségur, de La flèche de Cupidon, tu te souviens?

_Tu ressembles pas à la photo, il est où le beau gosse que j'attendais? »

Et elle me claqua la porte au nez. Non mais pour qui elle se prenait celle là? A croire qu'elle n'avait pas croisé de miroir depuis des lustres. Beau gosse ou pas, elle allait voir de quel bois je me chauffais! Je frappai de nouveau à la porte, cette fois ci des coups sourds et violents. Camille ouvrit de nouveau...


… J'eus à peine le temps d'entrer, avant de comprendre ce qui se passait. Là, dans mon abdomen, était plantée la lame du couteau de boucher avec lequel Camille m'avait poignardé.

« _Ça t'apprendras à te foutre de ma gueule, les hommes tous les mêmes! »

Je venais de me faire prendre à mon propre jeu, puis m'écroulai au sol.

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