La fleur d'Immortalis
Adèline Klay
Une sensation étrange avait gagné tout mon être, comme un mélange de peur et d'excitation. Pour la première fois depuis mon entrée au service du Roi Alistas lorsque je n'étais qu'un enfant, je m'étais éloigné du château.
Pendant le très rude hiver qui avait plongé le royaume dans le froid et l'obscurité, l'héritier au trône était tombé gravement malade. Le Roi avait d'abord fait quérir les plus grands médecins du continent puis, face à leur impuissance, s'était tourné vers les mystiques, ces hommes étranges qui pratiquaient un art que la science contestait. L'un d'entre eux avait prétendu pouvoir guérir le jeune homme, mais pour cela, il lui fallait une fleur d'Immortalis. D'après le mystique, cette plante avait de nombreuses vertus et pouvait guérir presque toutes les maladies. L'Immortalis ne poussait que dans la forêt d'Ethylire, un endroit sur lequel on racontait bien des choses. Il se disait qu'elle était peuplée de créatures magiques et dangereuses et que l'on ne revoyait jamais ceux qui s'y aventuraient. Même si le Roi prétendait que ce n'étaient que des contes de bonnes femmes, il avait dépêché dix de ses meilleurs soldats pour accompagner le mystique ainsi que son meilleur serviteur qui n'était autre que moi. J'étais particulièrement concerné par l'état de santé du Prince. Ma mère ayant été sa nourrice, nous avions grandi ensemble. J'étais ainsi, malgré notre différence de rang, devenu son meilleur ami et son confident.
Nous progressions prudemment parmi d'immenses arbres centenaires. Tantôt nous apercevions un écureuil ou un cerf. Des oiseaux s'envolaient sur notre passage, mais il n'y avait aucune manifestation de forme de vie magique.
Quand le soleil commença à disparaître derrière les montagnes du Lévaise, nous n'avions pas encore trouvé l'objet de notre quête. Feryt, le chef de notre expédition, décida d'établir notre campement pour la nuit dans une clairière à la vue dégagée. Tandis que les soldats montaient les tentes, je m'occupai de ramasser du bois pour le feu.
Mes bras étaient déjà chargés lorsque je sentis une présence derrière moi. Mon cœur se mit à tambouriner dans ma poitrine. Je retins ma respiration et fit volteface. Il n'y avait rien, rien d'autre que l'immensité de la forêt. Je me sentis stupide de laisser mon imagination me jouer des tours et je décidai de retourner avec les autres. C'est là qu'elle surgit devant moi, comme tombée du ciel. Même si son corps nu était celui d'une femme, sa peau était différente. De couleur ocre, on avait l'impression qu'elle était parsemée d'éclats de pierre précieuse. Ses bras et ses jambes étaient couverts de tatouages dorés représentant d'étranges symboles qui m'étaient inconnus. Ses longs cheveux blonds tombaient en cascade sur ses épaules et cachaient sa poitrine. Quant à l'iris de ses yeux, il était semblable à du sang. Elle me dévisageait à la fois intriguée et méfiante tel un animal sauvage. Bien que menaçante, elle était si magnifique que je ne pus résister à l'envie de la toucher pour m'assurer qu'elle était réelle. Je levai ma main, mais elle eut un mouvement de recul et d'un bon agile, disparu dans un arbre.
Je restai un instant figé, avant de lâcher mon chargement et de courir pour alerter les soldats.
— Il y a quelque chose dans la forêt ! criai-je.
— Qu'as-tu vu Elliandre ? s'enquit Feryt.
— Je ne sais pas, cela ressemblait à une femme…
Il se mit à rire à gorge déployée et les hommes qui étaient sous son commandement l'imitèrent.
— Es-tu un pleutre ou juste un paresseux cherchant à échapper à ses corvées ?
— Elle est vraiment là, nous ne sommes pas seuls ! protestai-je.
— Tsss, tss… Cesse donc de raconter des mensonges et ramène-nous du bois ! m'ordonna Feryt.
C'était un homme détestable qui aimait user de son pouvoir. Le Roi Alistas l'ayant désigné comme le chef de notre quête, je n'avais d'autre choix que de me soumettre à sa volonté.
Je retournai dans la forêt où je me hâtai de ramasser de quoi nous réchauffer. Avec l'obscurité qui dévorait peu à peu les arbres, un simple craquement de branche devenait inquiétant. Je me demandai si elle était encore là, à m'observer. Pourquoi était-elle apparue devant moi ? Était-ce par simple curiosité ou cherchait-elle à évaluer si j'étais une menace ? Je redoutais tout autant que je désirais la revoir.
De retour au camp, j'allumai un feu et j'entrepris de dépecer les deux lapins qui avaient été chassés un peu plus tôt. Profitant que les autres soient occupés, le mystique s'approcha de moi.
— Cette chose que vous avez vue, à quoi ressemblait-elle ? me demanda-t-il.
— À une femme… Une femme d'une beauté sans pareille… Sa peau était rouge et scintillait… répondis-je.
— Avait-elle des tatouages ?
— Oui… Vous savez ce qu'elle est ?
Il prit un air pensif.
— Certaines légendes parlent de créatures qui gardent ses bois, les Galièmes. Aussi belles que sanguinaires.
— Pourtant, elle ne m'a pas attaquée…
— Peut-être que ce n'en était pas une, peut-être était-ce simplement une femme déguisée, peut-être que les Galièmes ne sont que des légendes et que les hommes qui habitent ces bois usent d'artifices pour éloigner les étrangers.
Je savais que la femme que j'avais vue n'était pas comme les autres. Sa peau, ses yeux… Aucun subterfuge n'aurait pu paraître aussi réel. Il y avait aussi la façon dont elle avait disparu. À ma connaissance, aucun homme n'était capable de faire un pareil saut.
J'allais exposer mes arguments, mais le mystique s'était éloigné pour disparaître dans sa tente.
Je ne pus fermer l'œil de la nuit tant je pensais à cette étonnante rencontre.
Aux premières lueurs du jour, nous commençâmes à démonter les tentes et à ranger notre équipement. Un des soldats manquait à l'appel. Son épée et sa cuirasse étaient encore sur sa couche. Il semblait peu probable qu'il soit parti de lui-même en laissant ses affaires. Nous le cherchâmes un moment dans les environs du campement, mais nous finîmes par renoncer. Le fils du Roi ne pouvait pas attendre.
Afin de trouver l'Immortalis, nous nous enfonçâmes plus profondément dans la forêt. Soudain, Feryt leva le bras en l'air pour nous faire arrêter. À ses pieds il y avait une trainée d'un liquide épais et sombre entre les arbres. C'était du sang et au vu de son abondance, l'être auquel il appartenait devait être mal en point. Je songeai aussitôt à l'homme qui avait disparu pendant la nuit. Je ne fus pas le seul à avoir cette pensée, car notre chef nous demanda de garder le silence et de rester sur nos gardes. Nous suivîmes les traces jusqu'à l'énorme tronc d'un arbre mort. Le soldat que nous cherchions le matin même était là, suspendu à plusieurs mètres au-dessus du sol. Son torse était traversé par une énorme branche, mais le pire, c'était son visage. Son expression n'était que souffrance et effroi. Jamais je n'avais vu une scène aussi macabre et je sentis mon estomac se nouer. La peur gagna notre groupe.
— Qu'est-ce qui a pu faire ça ? demanda le plus jeune d'entre nous, d'une voix tremblante qui trahissait ses émotions.
— C'est un avertissement. Nous ne devrions pas être ici ! déclara le mystique.
Il y eut un murmure approbateur.
— Il suffit ! s'exclama Feryt. Vous êtes l'élite des soldats du Royaume ! Quoi qu'il y ait dans cette forêt, nous l'affronterons et nous ramènerons une fleur d'Immortalis pour sauver le Prince. Remettons-nous en route à présent.
Les soldats suivirent leur chef qu'ils craignaient tout autant que ce que pouvait cacher les bois. Ne me voyant pas rebrousser chemin seul, je fermai la procession à côté du mystique.
— Ce qui vous est apparu hier, j'ai la ferme conviction qu'il s'agissait bien d'une Galième. me confia-t-il.
— Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
— Même le meilleur champion du roi ne possède pas la force nécessaire pour empaler un homme sur une branche en haut d'un arbre. Ce ne peut qu'être l'œuvre d'une créature magique.
Il s'arrêta de marcher et regarda partout autour de lui.
— Écoutez ! dit-il d'une voix assez forte pour que tout le monde l'entende.
Je tendis l'oreille. Pas un seul chant d'oiseau, pas un bruissement de feuilles, la forêt était devenue silencieuse. Inquiet, je resserrai ma main sur la poignée de la dague que je portais à la ceinture.
— Là ! s'exclama un soldat.
Je regardai l'endroit qu'il pointait du doigt. Accrochée à un tronc, une Galième nous fixait et elle n'était pas seule. Il y en avait trois en tout et elles nous encerclaient. Celle qui m'était déjà apparue n'était pas avec elles.
— Qui êtes-vous ? s'enquit Feryt.
Il n'obtint pour seule réponse que des sourires, des sourires qui ne présageaient rien de bon.
Notre chef dégaina son épée tandis que les créatures descendaient avec grâce de leur perchoir.
— Ne vous approchez pas ! les avertit Feryt.
Ses paroles furent vaines. La plus grande des créatures s'avança vers lui et avant qu'il n'ait le temps de se défendre, elle le saisit par le cou et le souleva du sol comme-ci il n'était qu'un sac de plumes. Les soldats se précipitèrent pour le défendre, mais c'était trop tard. D'un mouvement presque imperceptible, la Galième brisa la nuque de notre chef. S'en suivit un combat sanglant que je contemplais sans bouger, paralysé de terreur. Même si les soldats avaient l'avantage du nombre, ils n'avaient aucune chance. Ces monstres à l'apparence de femmes étaient rapides et puissants. Elles arrachaient les membres et broyaient les os avec une facilité effrayante. Lorsqu'une tête atterrit à mes pieds, je compris qu'il ne me restait plus qu'à fuir. Je craignais tellement pour ma vie que dans ma course, je remarquai à peine les branches qui me fouettaient le visage et les buissons épineux qui déchiraient mes vêtements.
Tout à coup, je trébuchai sur une racine et dévalai une pente abrupte où mon corps se heurta à des rochers tranchants. Ma chute se termina au bord d'une rivière. J'étais incapable de bouger. Tout mon être était endolori et un goût de rouille avait envahi ma bouche. J'entendis quelque chose s'approcher. Non sans mal, je réussis à tourner la tête. Un énorme loup se dirigeait vers moi. Ses babines retroussées dévoilaient ses dents aiguisées. Il salivait face au généreux et facile repas que je devais représenter.
— Va-t'en ! hurlai-je.
La bête ne bougea pas. Il était si près que je pouvais sentir son souffle chaud et fétide. Il ouvrit grand la gueule pour dévorer ma main, mais il se figea subitement. Ses oreilles se baissèrent et il se mit à japper comme un chiot. Deux jambes ornées de tatouage surgirent dans mon champ de vision et le loup détala en courbant l'échine. La Galième qui m'était déjà apparue lorsque je ramassais du bois se pencha sur moi. Son odeur m'enivra. Elle avait le parfum de la forêt après une pluie d'été. Elle m'agrippa sous les bras et me hissa sur l'une de ses épaules. Je n'eus pas l'occasion de m'inquiéter sur le sort qu'elle me réservait, car je perdis connaissance.
Quand je revins à moi, j'étais allongé, seul, dans une caverne sombre et humide. À l'extérieur, la nuit tombait sur la forêt d'Ethylire ce qui me laissait à penser que j'avais été inconscient longtemps.
Une fois mes yeux habitués à l'obscurité, je détaillai un peu plus les lieux. À quelques mètres de moi, autour des braises d'un feu, il y avait un empilement d'os de taille et de forme diverses. Je reconnus un crâne de Néforain. C'était une espèce de dragon pas plus grand qu'un cheval que certains hommes apprivoisaient et dressaient pour la chasse ou la guerre. Si je fus soulagé de ne repérer aucun reste humain, mon sang se figea lorsque je remarquai ce qu'il y avait dans le fond de la caverne. Des épées, des lances, des arcs, des boucliers et de nombreuses autres armes ornaient la paroi rocheuse. Certaines pièces semblaient dater de plusieurs siècles. Je me demandai ce qui était arrivé aux propriétaires de ces objets et si j'allais moi aussi à mon insu, contribuer à cette grande collection. Une ombre se dessina dans l'entrée de la caverne. C'était la Galième qui m'avait sauvé des griffes du loup et porté sur ses épaules. Elle resta un instant sans bouger puis elle ranima les braises du feu. Les flammes rougeoyantes faisaient étinceler sa peau. Elle vint ensuite se positionner debout, face à moi ce qui me laissa tout le loisir de la détailler. Elle ressemblait aux statues qui ornaient les couloirs du château. Elle avait peut-être le regard d'une bête sauvage et l'air d'une guerrière, mais les traits de son visage étaient fins et harmonieux. Ses lèvres délicates, parfaitement dessinées avaient l'air aussi douces que de la soie. Malgré ses cheveux qui descendaient sur son buste, je devinais ses seins ronds et fermes. Sa silhouette était si svelte et gracile que si je n'avais pas vu ses congénères massacrer des soldats à mains nues, je n'aurais jamais cru qu'elle possédait une telle force.
Elle fit un pas vers moi et je rampais en arrière, apeuré, persuadé que mon heure avait sonné.
— Pitié… l'ai-je supplié.
Elle inclina la tête et fronça les sourcils.
— Nous voulions juste une fleur d'Immortalis pour guérir le fils du roi. lui ai-je expliqué sans savoir si elle me comprenait.
En un éclair, elle fut penchée au-dessus de moi, sa peau à seulement quelques centimètres de la mienne. L'une de ses mains effleura ma joue, remonta sur mon front et agrippa mon cuir chevelu qu'elle tira en arrière, offrant mon cou à sa bouche avide. Je n'osai pas bouger. Elle me renifla, puis me lécha. Un frisson remonta le long de mon dos tandis qu'une vague de chaleur déferlait dans mon ventre pour venir se loger entre mes jambes. J'avais chaud tout en ayant froid. Enhardi par cette sensation, je tentai de la toucher. Elle me saisit aussitôt les poignets, m'empêchant tout mouvement. Son regard devint incandescent. Autour de nous, le temps sembla s'arrêter. Elle relâcha son étreinte et déchira ma chemise. Ses doigts entreprirent d'explorer mon corps et je n'émis aucune protestation, ni ne tentai de la repousser. C'était inutile, elle était bien trop forte et de toute façon, je n'avais pas envie de lui résister. J'étais comme envouté.
Elle caressa mon torse puis descendit sur mon ventre et plus bas encore. Mon sang afflua dans mon membre qui commença à durcir. Elle esquissa un sourire plein de malice. Elle se redressa pour se débarrasser des derniers vêtements qu'il me restait. J'étais nu, à sa merci et pourtant, jamais je ne m'étais senti aussi vivant ! Chaque parcelle de mon être était éveillée et la peur avait laissé la place au désir. Elle se positionna à califourchon sur moi, une cuisse de chaque côté de mon corps, me dominant complètement. Elle frotta son intimité brûlante et humide contre mon bas ventre. Ma verge se dressa et elle s'empala sur moi. Quelle sensation que d'être en elle ! J'avais l'impression de toucher le divin. Elle ondula le bassin. L'on aurait dit qu'elle dansait sur mon sexe. Mes muscles étaient parcourus de petits picotements délicieux. Instinctivement, j'agrippai ses hanches pour l'accompagner dans son mouvement. Elle ne fit pas obstacle à mes mains. Puisqu'elle ne m'arrêtait pas, la tentation était trop forte de découvrir sa poitrine. Je pressais mes paumes contre ses seins. Ses mamelons s'érigèrent à mon contact. Ses mouvements de bassin se firent plus rapides. Elle se cambra et bascula la tête en arrière en poussant des gémissements. C'était excitant et grisant de voir à quel point je lui procurais du plaisir. Elle accéléra encore la cadence. Elle était fougueuse et semblait infatigable. Elle s'ouvrait de plus en plus et je m'enfonçais toujours plus loin. J'étais à bout de souffle et mon cœur battait la chamade. Je n'en pouvais plus et tout à coup, mon corps s'arc- bouta et j'explosai en elle. Elle se figea et me rejoignit dans la jouissance.
Épuisé et vidé de toute énergie, je sentis mes paupières devenir lourdes et je sombrai dans un sommeil sans rêve.
Je me réveillai, tremblant comme une feuille. J'étais allongé sur l'herbe d'un pré à l'orée de la forêt d'Ethylire. Il neigeait et une fine pellicule blanche couvrait déjà ma peau. Ce qu'il restait de mes vêtements avait été déposé à côté de moi. Sur les lambeaux de ma chemise, il y avait une fleur aux pétales argentés, une fleur d'Immortalis.
On se laisse rapidement embarqué dans votre Fantasy!
· Il y a environ 6 ans ·dechainons-nous
Merci pour le compliment!
· Il y a environ 6 ans ·Adèline Klay