La France du milieu du 17e siècle
Dominique Capo
Au milieu du XVIIème siècle, un peu partout en Europe, la montée en puissance des États absolus provoque des résistances. De la France à l'Empire Russe, de l'Angleterre à l'Espagne, l'autorité royale ou impériale s'impose sans ménagements. Elle bouscule les anciennes libertés garanties par la loi, ou, le plus souvent, par la coutume. Et la révolte est souvent le dernier moyen dont dispose le peuple des campagnes – artisans ou paysans – pour répondre à une agression extérieure à la communauté, à la paroisse, au quartier, ou à la seigneurie. Et entre toutes, l'agression fiscale est la plus immédiatement évidente, la plus mal ressentie. C'est donc elle qui provoque les réactions les plus violentes.
Dès lors, dans les campagnes, les paysans s'assemblent spontanément au son du tocsin. Ils font en sorte de mettre en fuite les hommes chargés de récolter l'impôt, les commis des fermes accompagnés de leur escorte d'archers et de fusiliers venus de l'extérieur. Et, de fait, les périodes de marchés et de foires – entre Pâques et la moisson -, les mois gras où les travaux laissent généralement la place aux fêtes et aux jeux, deviennent les plus propices aux grands rassemblements sur la place du bourg ou du village.
A Blanzac, en Angoumois, le 6 Juin 1636, au moment de la grande foire de Saint Jean-Baptiste, un témoin explique : « Il vient ce jour là environ 4000 homes armés de piques et d'arquebuses. Ils sont rassemblés en douze à quinze compagnies conduites par leur curé, tous marchant en bon ordre au son de quelques fifres et violons, par faute de tambours. ». L'action des révoltes est avant tout dirigée contre les représentants du roi. Les officiers des finances, les receveurs, les gabeleurs, les gens d'armes, et parfois, faute de mieux, les étrangers à la communauté. Ainsi, à Blanzac, un malheureux suspect parisien est ensuite spectaculairement pris à parti, puis, mis à mort : on lui coupe un bras, on le promène sur la place, avant de l'achever.
Les insurrections éclatent presque toujours au nom d'un légendaire Age d'Or d'une justice fiscale. Louis XII, mais aussi Henri IV, sont plus que jamais les pères du petit peuple. « Vive le roi sans gabelle » proclame t'on à Blanzac, ainsi que dans nombre de communautés. Parfois, des villages rédigent quelques doléances ou des manifestes expliquant leur mouvement de colère au souverain. Parfois, les révoltés dénoncent la pression fiscale. C'est pour cette raison que des centaines d'insurrections, comme la révolte des Croquants en 1637-1638 a ainsi lieu dans le Languedoc, en Guyenne, en Provence, en Normandie. Mais l'extension géographique de ces émotions est souvent relativement faible : quelques dizaines de paroisses tout au plus. Surtout, chaque révolte a des causes spécifiques et obéit à une logique particulière : chaque province étant dotée d'un régime fiscal distinct, leurs motifs sont toujours variés. Et il y a peu d'exemples de concertation réelle entre les révoltés, facilitant grandement la répression policière.
Car, le mécanisme de la reprise en main par le pouvoir est pratiquement partout le même. En France, à partir de Mai 1635, la guerre contre l'Espagne justifie l'utilisation massive de la force armée. Elle est souvent présente lorsque la justice ordinaire – celle du prévôt ou du bailli – ne suffit pas pour maintenir la population urbaine et rurale dans son devoir d'obéissance. Dans ce cas, une commission du roi ordonne le déplacement de la troupe ; l'intendant dispose alors de tous les pouvoirs : de police et de justice. Il prend bien soin de choisir des régiments étrangers à la province, afin d'éviter tout risque de fraternisation entre les soldats et les révoltés à écraser.
Tout d'abord, ceux-ci occupent les villes. Toutes les portes et toutes les places sont gardées par des détachements armés, le mousquet sur l'épaule. Puis, le désarmement des habitants est ordonné. L'État s'érige donc comme seul détenteur légitime des armes. Le logement forcé des soldats, lesquels ne se privent d'aucune licence, est généralement suivi d'une destruction des tours et des remparts. Ces derniers sont en effet les symboles les plus visibles des libertés communales. Les impôts et les taxes sont encore augmentés, à moins que n'intervienne le pardon royal. Des fermes et des villages sont victimes de brûlements. Les champs sont saccagés, les récoltes et les réserves, détruites. Après un spectaculaire et rapide procès des principaux meneurs, des exécutions sommaires et exemplaires suivent. Le plus souvent, la troupe disposée en carré autour de l'échafaud, est présente. Et de nombreuses condamnations aux galères, qui équivalent pratiquement à la peine de mort différée, sont également prononcées.
Ainsi, en 1639, la révolte des Va Nu Pieds Normands est écrasée avec la même violence, d'autant que celle-ci s'appuie sur des sentiments particularistes d'un ancien duché fier de ses privilèges et de ses libertés. La révolte est provoquée, une fois encore, par la surcharge fiscale. Elle est en fait déclenchée par la décision d'étendre la gabelle – l'import du sel – dans une province qui en était jusque là exemptée. Contre les Normands, le colonel Jean de Gassion dispose dès lors de 4000 hommes de pieds, et de 1200 cavaliers. Des combats violents opposent les soldats aux insurgés ; en particulier sous les murs d'Avranches à la fin Novembre 1639. Le siège provoque plus de 300 victimes. Il s'achève par le sac de la ville, et par une série d'exécutions sommaires. L'arrivée à Rouen du chancelier Segier, pourvu du droit exceptionnel d'ordonner directement les exécutions capitales, associe la force de la justice à celle de l'armée du roi. Et c'est de cette manière qu'un peu partout en France, les révoltes populaires permettent, par la violence de la répression, d'imposer et de renforcer l'ordre de l'Etat Absolu.
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· Il y a plus de 7 ans ·aile68